Re-Présenter
Le terme de « Représenter », si on croit le Larousse, suppose des degrés divers dans la distanciation entre un phénomène et celui qui a pour objet de le dire, de le raconter, de le figurer, de nouveau. Il n’est en tous les cas jamais possible que ce qui est présenté et ce qui le représente soient une seule et même chose.
Ce n’est pas d’abord de théorie politique dont j’entends parler ici, même si les circonstances électives ambiantes pourraient y inviter. Il s’agit brièvement d’introduire ici à la question de ce qui ne peut jamais se dire, et qu’on tente, interminablement, de dire, ou qu’on feint d’avoir réussi à dire. Il y a toujours une part manquante, et l’important est de le savoir, ou non.
Cette réflexion résulte de quelques expériences picturales récentes.
J’ai déjà évoqué sur ce site l’exposition Pierre Bonnard au Musée d’Orsay, Peindre l’arcadie. Ce qui se produisit à la sortie de l’exposition ne mérite peut-être pas en soi un grand intérêt mais ce sont souvent les petites choses qui donnent le ton des « grandes ». Parcourant les différents volumes présents sur les étalages de la librairie du Musée à la sortie de l’exposition, mon compagnon et moi nous fîmes rapidement cette réflexion qu’aucun de ces volumes, décidément, ne parvenait ne serait-ce même qu’à évoquer les couleurs des tableaux que nous venions de voir. Cela était proprement frappant. Un vendeur qui se trouvait là nous dit que nous n’étions pas du tout les seuls à faire cette réflexion. S’agissant de Bonnard la chose est sérieuse car l’utilisation des couleurs est un signe de son génie. Il lui est d’ailleurs attribué, et c’est l’exposition même qui nous l’apprend, que l’important pour lui était non pas de peindre la vie mais de donner vie à ses tableaux… il semble bien en effet que la vie ne se représente pas, pas plus la vie « réelle » que la vie picturale de Bonnard. Ce phénomène qui fait que, sur le moment, « on ne s’y retrouve pas » – encore faut-il, point fondamental – avoir vu l’exposition – s’est produit encore très récemment avec l’exposition Chtchoukine, du nom de ce collectionneur russe, avant-garde de son époque, qui collectionnait en des moments particuliers que vivaient son pays, Gauguin, Picasso, Monet ou Matisse. De ce dernier il en avait acquis 37 toiles. Une immense salle du musée en exposait une vingtaine récemment à Paris, provoquant une sensation tout à fait vertigineuse. Parmi elles, une nature morte sur Camaieu bleu, qu’il ne m’avait pas été jusqu’alors donné de voir. Même expérience que pour Bonnard, je n’ai jamais pu retrouver le grain et les couleurs dans les reproductions qui en ont été faites sur papier.
Que savons-nous des choses à les lire, les écouter et les voir re-présentées par d’autres ? C’est là il me semble une question un peu vertigineuse aussi. Pour rester les pieds sur terre, je vous offre quelques évolutions de couleur en diaporama pour adoucir un peu le moment… Il s’agit d’une huile que j’ai réalisée à partir d’une toile célèbre de Monet, Impression Soleil Levant, dont une recherche rapide vous fera vite comprendre que la palette de ses « reproductions » est particulièrement étendue, puisque proposent d’une même toile des représentations finalement fort différentes. Pour ma part, j’ai choisi mes couleurs et mes impressions… à les représenter ici, je n’en donne pas de quoi l’apercevoir vraiment. Il suffit de le savoir.
Un clic sur la toile vous permettra d’ouvrir un diaporama. En principe, il y a aussi du son.
L.F. Mars 2017