L’un et le multiple. Réflexions sur la mise à l’écart du « sujet » en droit et dans la pensée de Gilles Deleuze/
The one and the multiple. Reflections on the marginalization of the « subject » in law and in the thought of Gilles Deleuze
Par Lauréline Fontaine
Professeure de droit public et constitutionnel – Université Sorbonne Nouvelle
Auteure du site www.ledroitdelafontaine.fr, un site de réflexion sur le droit et la pensée juridique contemporaine
Ce texte paraitra dans l’ouvrage dirigé par Jacqueline Guittard, Emeric Nicolas et Cyril Sintez, Deleuze face à la norme, éd. Mare et Martin, 2021
Avertissement : Les éléments qui suivent font partie d’une réflexion sur la place du sujet dans notre société contemporaine qui est venue avec l’observation des évolutions du droit – français essentiellement – dans les quarante dernières années. Tant du point de vue de la philosophie de Gilles Deleuze que du point de vue de la présentation des évolutions contemporaines du droit, je fais moins l’exposé scrupuleux de mon travail que je n’en livre, à l’état presque brut, les premiers résultats. Il y aurait évidemment bien plus de choses à dire, chacun pourra ajouter son « grain de sel » et discuter les analyses.
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Ce n’est rien de dire que le terme de « sujet » ne peut se comprendre d’emblée et à coup sûr. Non seulement il prend des sens liés aux personnes et aux disciplines qui l’emploient, mais il est aussi et la plupart du temps « double-face », selon que l’on se situe avant ou après le terme auquel il se rattache : le sujet de la norme est celui qui dit la norme ou celui qui en est l’objet, étant entendu que, selon les situations et les contenus donnés au terme « sujet », il peut être les deux à la fois ou résolument différencié. Si l’on ajoute que chaque lecteur du terme « sujet » y mettra inévitablement ce que lui-même en comprend, tant intellectuellement qu’intuitivement, les imbroglios de sens ne sont pas un risque mais une quasi-certitude. Ce ne sont donc pas tant les définitions données du « sujet » qui permettent de s’entendre – si cela est possible – mais les articulations générales de sens produites par celui qui parle… le sujet précisément. Bref, avec le « sujet », il y a toujours matière à se faire des idées.
Et de fait, Deleuze en avait des idées sur le sujet du « sujet », puisque, selon lui, il n’y aurait pas de sujet possible à l’origine d’un énoncé mais seulement des « agencements machiniques ». Mais, il y revenait un peu trop souvent pour que ça ne soit pas suspect. Le « sujet » pour Deleuze était moins absorbé par le multiple que mis à l’écart, par une nécessité qui le concernait et sans doute encore à découvrir. Du côté du droit et de l’histoire telle qu’elle se raconte, les hommes ont fait du « sujet-personne » la raison d’être de toute règle juridique, chacun comptant identiquement. À l’analyse, ce « sujet de droit » dont il est question n’est pourtant singulier que parce qu’il est multipliable. À la fin du compte, c’est la mise à l’écart du sujet comme auteur de la décision qui pourrait apparaître comme l’idéal de satisfaction des sujets. À travers l’énonciation du droit, l’homme contemporain paraît plus que jamais deleuzien ; il se supporte mal, et recourt au stratagème de l’objectivité, des mathématiques et de l’universalité pour faire mine de dissoudre la subjectivité. En pure perte bien sûr. Le « gain » de l’ignorance du sujet est en fait une distanciation toujours plus grande de l’être par rapport à lui-même qui continue de vouloir tisser du lien social à partir d’une hypothétique hétéronomie de la marche – fatale sinon fataliste – du monde.
Gilles Deleuze et le « sujet » : L’amour à mort
L’une des questions ayant traversé la pensée française des années 1960 a été « d’où est-ce que l’on parle ? », « qu’est-ce qui donne un statut à ce que l’on dit ? ». Austin, Lacan, Barthes, Foucault, Deleuze ou Derrida y ont tous répondu de leur angle d’analyse, et souvent précisément en fonction de là d’où ils parlaient.
Qualifié de penseur du multiple, Gilles Deleuze, d’abord historien de la philosophie puis philosophe, n’en n’est pas moins, et peut-être avant tout en fait, un penseur du sujet, qu’il soit dans la critique directe, l’affleurement discret, ou l’ignorance trompeuse. Parcourant ses dits et écrits, on peut faire le constat que la question du sujet n’est pas loin d’être une petite obsession deleuzienne. À tout le moins, elle est souvent en creux dans ses écrits, et très explicite dans ses « dires » en public : « élaborant » en direct devant un public qui le questionne, il revient en effet souvent sur cette question du « sujet », en tout cas celui qu’il estime être pensé par la philosophie moderne depuis Descartes, et dont Jacques Lacan – qu’il ne nomme pas tout en empruntant son vocabulaire – serait en quelque sorte le continuateur-finisseur[1]. La conception du sujet qui découle de la philosophie moderne selon Deleuze, fait l’objet de sa part d’une critique assez systématique, toujours la même d’ailleurs. Par exemple, dans les cours donnés par Deleuze à Vincennes, il est fait référence à ce « sujet » cartésien, devenu « sujet » dans la pensée psychanalytique, et qui serait divisé, clivé, en sujet de l’énonciation et sujet de l’énoncé[2]. Pour Deleuze, la psychanalyse, héritage du sujet cartésien « clivé » – je pense donc je suis – inhibe toute production d’énoncés[3]. Ce sujet de l’énonciation est celui qui est interprété : celui qui dit je pense est dit être, comme lu à travers l’énonciation possible de son « je pense ». Ce qui fait que le sujet de l’énonciation – celui qui peut dire – devient aussi le sujet de l’énoncé – celui qui est dit[4]. Le sujet n’existe qu’en tant qu’il est interprété[5]. Critiquant cette philosophie héritée de Descartes, Deleuze estime que « l’idée que c’est le sujet qui produit les énoncés, c’est déjà la condition suffisante pour qu’aucun énoncé ne puisse être produit, c’est déjà la grande inhibition de tout énoncé assurée par la machine d’interprétation ».
Mais, peut-être étonnamment, pour Deleuze et son compagnon de pensée Félix Guattari, envisager un énoncé à partir de l’idée du sujet, en tant qu’entité singulière productrice d’un discours propre, est de toutes les façons une erreur puisqu’il n’y a que des « agencements collectifs d’énonciation[6] ». Plus même, « il n’y a pas d’universaux, pas de transcendants, pas d’Un, pas de sujet (ni d’objet), de Raison, il n’y a que des processus, qui peuvent être d’unification, de subjectivation, de rationalisation, mais rien de plus. Ces processus opèrent dans des « multiplicités » concrètes, c’est la multiplicité qui est le véritable élément où quelque chose se passe […]. Les unifications, subjectivations, rationalisations n’ont aucun privilège, ce sont souvent des impasses ou des clôtures qui empêchent la croissance de la multiplicité, le prolongement ou le développement de ses lignes, la production du nouveau […][7] ».
« L’énoncé est le produit d’un agencement toujours collectif qui met en jeu en nous et en dehors de nous des populations, des multiplicités, des tentations, des devenirs, des affects, des événements », qu’il s’agirait de rechercher à travers les énonciations, pour le coup en apparence singulières, mais en tous les cas « réelles » au sens d’observables[8]. Les énoncés « sont nécessairement des désirs », et, « à l’intérieur de cette production s’engendre l’illusion d’un sujet, d’un sujet clivé en sujet de l’énonciation et en sujet de l’énoncé, qui a l’impression de produire les énoncés qui, en fait, sont produits par les agencements machiniques ou par les multiplicités agissant en lui[9] ». Pas de sujet donc. La seule « chance » donnée au sujet se trouve dans des interstices dont on ne peut mesurer a priori ni la réalité, ni la substance : « ce qui est générateur des énoncés c’est le rapport différentiel entre des flux ou quantités de puissances irréductibles, et c’est dans l’écart et dans le jeu de ces flux là que des énoncés vont être produits[10] ». Deleuze nie le sujet – comme sujet singulier – comme cause déterminante de l’énonciation et de l’énoncé. « Les énoncés n’ont pas pour cause un sujet qui agirait comme sujet d’énonciation pas plus qu’ils ne se rapportent à des sujets comme sujets d’énoncé ». La cause déterminante se trouve dans une disposition des choses, dans des agencements machiniques.
C’est ainsi que la combinaison d’agencements machiniques et de productions d’énoncés signifie pour Deleuze que l’interprétation n’est pas ce qui permet de rendre visible les désirs qui traversent celui qui parle dans un contexte déterminé[11] : comprendre l’énoncé d’un seul c’est comprendre le multiple et pas l’un. Le désir de ceux qui énoncent, coulent dans l’état des choses, des énonciations, des territoires, des mouvements de déterritorialisation. Ce qui produit des énoncés ce sont des agencements machiniques, des agents collectifs d’énonciation, « à condition de comprendre que des collectifs, ça ne veut pas dire des peuples, mais ça veut dire, en quel sens que le terme soit pris : ce qu’il faut appeler agents collectifs d’énonciation, c’est toutes multiplicités, de quelque nature qu’elles soient[12] ». L’événement – l’énonciation et l’énoncé – est le sens lui-même, sans interprétation[13]. Gilles Deleuze peut ainsi « voir » sous des propos individuels la mise en mots d’agencements et d’événements qui agissent et font agir le multiple. Il propose par exemple, après avoir lu Faye[14], de présenter ainsi les dits et écrits d’Hitler : « bien loin de cacher les buts du fascisme et les moyens du fascisme, Hitler est l’introducteur et l’inventeur d’un régime d’énoncés que l’on reconnaîtra à partir de là sous la forme d’énoncés nazis et même d’énoncés fascistes. C’est pour ça que c’est très intéressant de lire les journaux, parce qu’en un sens tout est dit, pas de secret[15] ».
Mais ce qui fait qu’un individu entre ou non, présente ou non une forme d’adhésion à un agencement collectif est une question prise dans les flux que Deleuze observe, indépendamment des corps et des éventuelles raisons singulières. Les flux de Deleuze semblent pour une large part ignorer le spécifique de chaque sujet, celui qui fait que, concrètement, un discours est produit ou n’est pas produit, à partir de sa logique propre. La récurrence de la critique chez Deleuze interroge sa proposition selon laquelle il n’y a pas de sujet, en tant qu’il serait une unité de production d’un discours en propre, singulier, un sujet « qui pense ».
L’extériorité produite par cette idée d’agencements collectifs par rapport au sujet n’est pas loin d’être un saint graal, celui qui permet d’un côté de dire que le sujet s’illusionne en se pensant sujet, et d’un autre surtout, mais à la fois implicite et systémique, de s’émanciper de ses propres énoncés désormais sans imputations singulières possibles. Le rejet du « sujet » cartésien, devenu sujet psychanalytique, a quelque chose de viscéral chez Deleuze, une sorte de rejet physique qui le fait y revenir si souvent et de la même manière, en dépit d’ailleurs de ce que l’hypothèse du « non-sujet » comme pendant du « sujet psychanalytique » est une fausse opposition : dans la réalité clinique de la psychanalyse, il n’y a que des sujets de l’analyse et pas de sujet psychanalytique. Dans son cours du 4 juin 1973 à Vincennes, résumé sous le titre Les conceptions de l’énoncé, il parle d’un texte écrit par un psychanalyste – dont il ne dit pas le nom – qui rapporte et interprète les propos d’un patient. À propos de qui y est dit, Deleuze parle de « mépris insupportable », de « méfaits radicaux » et de « méfaits dégueulasses de la machine d’interprétation », qui feraient que, « on est foutu dès le début », comme coincé dans l’interprétation de l’analyste qui nous fait échapper à notre propre discours. Le problème est que Deleuze fait fi de ce que le « début » dont il parle à propos de l’analyse, qui nous fait être foutu en effet, est à un autre égard le point de départ d’un mouvement – la cure – qui, en dépit de la crudité insupportable à Deleuze, peut conduire à changer ce qui occasionne le « visible », même identique au précédent et à beaucoup d’autres individus. Paradoxe deleuzien que de rejeter le sujet « clivé » pour lui-même et n’existant que par l’interprétation, une médiation donc, et pourtant de le « coincer » dans les flux ou leurs interstices.
La question de la possibilité d’identifier ces interstices, et donc de redonner une place au sujet reste en suspens chez Deleuze. Dans son ouvrage sur Foucault, il se demande jusqu’à quel point la « visibilité » se distingue des énoncés ou les redouble, une problématique épistémologique soulevée et longuement traitée, mais qui ne rencontre finalement pas la question du « sujet ». La reproductibilité des discours est à certains égards confondue avec l’absence de singularité. Phénoménologue, Deleuze se dit un penseur du visible, du tangible, du physique. Paraphrasant le peintre Paul Klee, qui disait que l’art ne reproduit pas le visible, mais il le rend visible, Deleuze dit qu’il s’agit, comme philosophe, non pas de rendre le visible mais de rendre visible. Deleuze voit surtout des flux, qui traversent en quelque sorte identiquement les individus ; il ne voit pas de liens, qui eux concernent les « sujets » seulement. Si l’attention de Deleuze pour le vécu, au détriment des représentations, aurait pu le conduire à retrouver le sujet, c’est toutefois en tronquant dans chaque histoire ce que précisément l’analyste recueille dans son cabinet, le « sujet », irreproductible hors de lui-même, hors de son lieu.
Pas plus qu’un autre, un philosophe n’est tenu à la cohérence et la question n’est pas là. Ce qui est « visible » chez Deleuze, à la lecture et à l’écoute lorsqu’il s’agit par exemple de son abécédaire[16], c’est un malaise qui déborde à chaque instant et qui n’est pas pris au sérieux, tenus que nous sommes au quasi-ras de la compréhension littérale des énonciations[17]. C’est ignorer que souvent on parle de quelque chose pour tout à fait précisément ne pas parler d’autre chose : le discours est souvent une mise à l’écart du sujet de son propre sujet.
Le sujet, le droit, trois possibilités
La « mort » annoncée du sujet dans la pensée française des années 1960 – étrangement nommée dans la mesure où le sujet y a été précisément un objet fondamental de la pensée – a presque structurellement posé un problème aux juristes, chez lesquels il n’y a à proprement parler pas de membre associé à la dite French Theory : le « sujet de droit » est tout bonnement une catégorie d’existence du droit : sans sujet, il n’y a pas de droit, pas de raison d’être, il devient sans objet. Paradoxe à première vue donc, le droit fait du « sujet » son objet, en ce sens que, pour qu’il y ait des règles de droit, il faut bien qu’il y ait des « sujets de droit », c’est-à-dire des êtres (les individus reconnus comme des « personnes ») ou des entités (les groupements auxquels le droit attribue aussi la qualité de « personnes ») pour lesquels les règles sont faites. Dans cette perspective, le « sujet » est toute entité singulière reconnue comme telle (par la technique de l’« identité »), à la fois différenciée et pareille que toutes les autres, puisqu’aucun sujet n’échappe aux règles de droit, en théorie les mêmes absolument pour tout le monde. Le « sujet » de droit est une singularité mimétique qui le fait surtout être l’élément d’un ensemble – qu’incarne la notion ambivalente d’identité – l’ensemble l’emportant idéologiquement sur le particulier.
Cette construction n’est pas propre au droit : elle se déploie aussi largement dans l’espace social avec les qualificatifs formés à partir du « sujet » et de l’« objet » et qui traduisent une compréhension apparemment assez simple du monde : ce qui est « subjectif » est le multiple des possibles lectures qui s’incarnent dans un ou plusieurs individus, séparés des autres, tandis que l’ « objectif » est l’un qui les transcenderait tous. L’idéologie de l’objectivité est ainsi celle de la valorisation d’une immanence imaginée possible sur toute singularité, que l’on trouverait par exemple à travers les lois « scientifiques ». Dans le paradigme à l’œuvre aujourd’hui, ces lois l’emportent assurément sur les subjectivités. Le principe juridique et politique d’égalité – développé dans les sociétés occidentales autour de l’idée démocratique mais construit autour d’un supposé principe immanent d’égalité qui s’impose sur tout – ne peut du même coup être conçu que de manière scientifique, et en l’occurrence mathématique. Cela explique par exemple le choix du mode de désignation du personnel politique en charge de faire le droit dans les systèmes démocratiques, à savoir l’élection, qui est le système de calcul postulant que toutes les « voix » comptent identiquement[18].
Mais passé ce qui semble d’évidence et non discutable – l’égalité de tous – c’est l’impossibilité que nous soyons tous les mêmes qui s’impose dans notre réalité vécue : comme être parlant, je ne suis pas le même que mon voisin qui parle, et ainsi de suite, quand bien même d’ailleurs nous dirions formellement les mêmes choses. La réalité sociale est de fait marquée par ce qu’on appelle communément de profondes inégalités sociales, que l’impossibilité pour le droit de prendre en compte – puisque pour lui il n’y a que des personnes égales, au moins en fonction d’une situation donnée – conduit à strictement reproduire, et alors même qu’il s’affiche au contraire comme générateur d’égalité. Être un « sujet » de droit dans le cadre d’un système juridique structuré autour du principe immanent et mathématique d’égalité, et pas autour de l’égalité factuelle – mais serait-ce possible ? – c’est donc être ramené à ce qu’on n’est pas en réalité. Du même coup, le « sujet de droit » n’est pas seulement l’objet du droit, il est lui-même « objet », comme objet du droit.
Les discours du droit et autour du droit contemporain paraissent pourtant donner au sujet et à la subjectivité une importance plus grande qu’auparavant. Les dernières décennies ont été le lieu du développement de techniques d’énonciation de la norme où les sujets de droit jouent un rôle de premier plan, en étant les « acteurs » des décisions qui les concernent. Si dans les esprits l’idéal participatif a le vent en poupe – bien que très faible dans la réalité – il en est aussi de la médiation et de la contractualisation de la décision, et notamment de la décision de justice : soyez les auteurs de votre destin juridique semblent vouloir dire ces techniques[19]. Le 13 juillet 2020, Eric Guérin, président de la Compagnie des Médiateurs de Justice de France, adresse ainsi une lettre au nouveau garde des Sceaux dans laquelle il indique que « l’avantage de la médiation » dont il fait la promotion à travers cette lettre, « est de permettre au citoyen de garder la maitrise de son différend et d’être responsable de son issue[20] ». Sur le site internet de L’Officiel de la médiation professionnelle (organisme privé), il est même indiqué très explicitement que « le recours judiciaire consiste à abandonner le fondement de la liberté individuelle en s’en remettant à la décision d’un tiers », tandis que « le recours à la médiation professionnelle consiste à maintenir la libre décision et s’engager dans la réalisation d’un projet relationnel[21] ». Les mérites partout vantés de la médiation seraient de mettre les « sujets » de droit en avant, à l’instar de l’ensemble des autres techniques transactionnelles, y compris en matière pénale, puisque la composition pénale, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou encore le principe de l’amende forfaitaire, sont fondées sur la parole des sujets dont le destin pénal est en cause.
Abondamment promues, présentées et commentées depuis des années comme le symbole de l’évolution sociétale du droit, il se pourrait pourtant que ces techniques ne soient une aussi bonne nouvelle pour le sujet. D’un apparent et revendiqué plus grand espace de décision au profit des sujets, on s’aperçoit que le coût à plus long terme risque au contraire d’être une réduction de leur espace d’autonomie qui avait été construit à partir de la garantie ultime de l’arbitrage institutionnel que représente le juge. Par l’implication entière demandée dans la décision, et par l’insertion dans un système de « professionnels » de la médiation et de la transaction, les sujets ont en quelque sorte l’injonction de décider « comme il faut », qui plus est en en endossant la presqu’entière responsabilité. Avec la composition pénale par exemple, ce que le prévenu accepte comme « justice » devient, par l’effet de son propre accord, plus intangible que s’il s’était agi d’une authentique décision de justice de première instance qui, elle, aurait été susceptible d’appel et donc de discussion ou de re-discussion. La décision du sujet, à laquelle il a été convaincu d’être à la fois auteur et objet, aura plus de rigidité encore que celle du juge. Et comme l’élabore Pierre Legendre, « infliger au sujet d’être pour lui-même le Tiers, c’est non pas le libérer, mais l’écraser, transformer politiquement les relations sociales en foire d’empoigne, sous le masque d’un discours de séduction généralisé. […]. survive qui pourra[22] ».
Cerise sur le gâteau, le développement de ces techniques mettent en place un déport continuel sur l’autre de la décision à prendre : les parties saisissent le juge et souhaitent qu’il décide ; le législateur souhaite que les parties décident elles-mêmes ; les parties demandent à un autre expert de les aider à prendre la décision ; le juge ordonne le recours à un médiateur ou un conciliateur ; le médiateur, quand il est lui-même un organisme privé, désigne à son tour une ou plusieurs personnes physiques pour accomplir la tâche de faire s’accorder les parties. C’est ainsi que le « jeu » consiste à ne pas être le dernier, le « visible ». À la fin, c’est le sujet qui trinque, mais avec son consentement.
Ce processus s’aperçoit encore très clairement – quoique peut-être que non – dans le développement d’énoncés de droit sans sujet singulier et d’énoncés de droit pour lesquels il n’y a pas de sujet apparent et à propos desquels notre inquiétude de sujet n’est pas réductible à notre insertion dans des flux qu’en quelque sorte nous subirions. Le développement proprement hallucinant des contrats d’adhésion et des contrats types dans notre vie quotidienne fait l’objet d’une forme de négligence et d’ignorance, peut-être symptomatique de notre adhésion de sujets à notre absence. Ces contrats auxquels les parties adhèrent « sans discussion », à des conditions qu’elles ne discutent pas, en contrepartie d’un bien ou d’un service (contrats d’assurance, contrats de consommation, contrats de téléphonie ou encore contrats bancaires) font le commun des contrats effectivement conclus aujourd’hui et constituent des liens de droit standardisés. Si on voit que la partie « adhérante » n’est pas le plus souvent dans une position de discussion libre de son contrat, il ne faut pas oublier aussi que l’individu qui se trouve en face lors de la signature est lui-même dans une situation par laquelle il n’a pas choisi – ou presque jamais – les termes du contrat. Il est un agent de liaison parmi d’autres entre la partie contractante – personne morale partie à des centaines, des milliers voire des millions de contrats identiques (pour les contrats bancaires par exemple) – et la partie contractante individualisée, physique le plus souvent, morale parfois. On comprend bien qu’en termes de volume contractuel, le phénomène implique une dépersonnalisation complète du contrat, où aucune des personnes effectivement en présence ne semble vraiment avoir le choix.
Et c’est presque la même histoire à propos de la plupart des contrats de travail aujourd’hui, dont le contenu a été largement dépersonnalisé. Ce processus n’est pas détachable de l’apparition première du travail industriel à la chaîne, ne laissant aucune place à la personnalité de l’individu qui l’exerce, voire ne laisse aucune place à l’idée d’humanité. Cette pratique peut ignorer les fonctions vitales des êtres humains, contraints de porter des « couches » pour éviter que ne soient prises des pauses rompant avec le rythme nécessaire de la production[23]. La personnalisation de l’activité est faible encore lorsqu’il s’agit pour une personne, pour l’exécution de ses tâches salariées, de donner un autre nom que le sien : ainsi des personnes dont la mission est de contacter des clients par téléphone afin de les convaincre qu’elles tireront avantage de l’acceptation de l’offre publicitaire et commerciale qui leur est ainsi faite. Nouvelle forme de travail à la chaîne qui n’isole plus seulement les individus au travail du fait de l’accomplissement de leur tâche, mais également par de minces cloisons qui obèrent la vue des uns et des autres au travail et par l’emprunt formel obligatoire d’une personnalité autre, réelle ou fictive d’ailleurs. Le tout d’ailleurs est lui-même formalisé par des « contrats-types ». Plus généralement, un employeur, par souci de gestion du temps, crainte de la non-conformité du contrat aux dispositions juridiques légales ou manque d’intérêt pour la question, tend à penser le contrat de travail comme un formulaire à remplir et qui emporte pour lui certaines conséquences.
De l’hyper-développement des contrats sans sujet singulier à celui des actes sans aucun sujet apparent, il n’y avait peut-être qu’une mince frontière : soit que le sujet disparaisse derrière un effacement (le noir sur un texte), un signe qui le remplace (M. X), ou un pseudonyme, soit qu’il soit prétendu qu’il n’y en ait plus, comme avec la prise algorithmique de décisions qui se développe par la grâce de la dite nécessaire gestion des flux…
L’idéologie de la décision « objective », qui affiche clairement son rejet de toute subjectivité, se trouve donc au fondement de toutes ces évolutions. L’anonymisation des décisions de justice par exemple n’est pas seulement une protection de la vie privée des individus, elle est aussi négation des sujets et dilue le droit et sa compréhension dans un amas de mots sans sujets. Idéologiquement, il n’y a pas de difficultés puisque le droit est censé ne pas dépendre de considérations subjectives, alors que, au contraire, il est toujours censé répondre à la situation subjective qui survient et qui fait difficulté. Paradoxe s’il en est, mais paradoxe voulu, l’anonymisation est présentée comme une garantie du respect de la subjectivité[24]. À la fin du compte, c’est la disparition des sujets de la décision qui pourrait apparaître comme l’idéal de satisfaction des sujets.
Quoiqu’il en soit, la dépersonnalisation organisée du procès, à travers aussi la mise en scène de l’idéal d’indépendance, d’impartialité et de neutralité du juge[25], apparaît comme une forme de garantie dans le sens où la décision serait le résultat d’une opération intellectuelle objective. L’idée est d’obtenir du processus judiciaire un certificat d’objectivité, opposable à une subjectivité un peu trop manifeste partout où il y a des énoncés. Dans l’espace du juridique, du politique et du social, se développent des énoncés « vides », qui ne parlent à personne mais qui ont des conséquences tangibles, parfois corporelles : l’idéologie de l’objectivité et de l’impartialité, la politique du « sans risque » astreignent toute activité et toute personne.
Au soutien de cette politique du « sans risque », c’est-à-dire du « sans sujet », s’élaborent depuis des décennies de nouvelles techniques « désubjectivantes » : l’ingénierie juridique d’abord[26], véritable technique qui entend faire du droit une parfaite mécanique désubjectivée – sans y parvenir évidemment – et qui aujourd’hui s’adosse de surcroit aux apparences permises par le legal design, véritable illusion d’un droit sans langage. Les outils d’aide à la décision ensuite, par le biais ou non, mais quand même surtout aujourd’hui, des algorithmes, permettant au passage de « déspécialiser » le droit en en mettant sa fabrication à la portée de tous, ainsi que l’incarnent les legaltech[27], véritable industrie de la fabrication d’un droit désormais « à la chaîne »[28]. La « démocratisation » invoquée par le prisme de l’égalité de tous devant (et derrière) la décision, est ainsi permise au prix de ce que les sujets tendent désormais à disparaître de la dimension décisionnelle. On voit ainsi fleurir des questions du type « les avocats vont-ils disparaître ? », ou même « les juges continueront-ils de juger ? », à quoi l’on pourrait ajouter « y aura-t-il encore des justiciables singuliers à côté des justiciables algorithmés ? », étant entendu que l’algorithme n’efface par lui-même le sujet, le seul à pouvoir en être l’origine. Mais du point de vue de la mise à l’écart des sujets comme acteurs, la réussite est totale : peu aujourd’hui parlent en leur nom propre, ni le sujet d’origine, ni celui chargé de parler pour lui, et l’obsession contemporaine autour des technologies sans sujet masque constamment le sujet pourtant existant, comme si on ne voulait surtout pas le voir.
L’un et le multiple : le droit contemporain et Deleuze, de l’autre côté du miroir
En suivant la matrice de Deleuze – « une époque se définit par ce qu’elle voit et ce qu’elle dit », c’est-à-dire par le visible et l’énonçable[29] – il n’y a rien de plus à voir que ce qui est donné à voir dans les lieux de visibilité, et que ce qui peut être dit. Le tout forme un « savoir » sur l’époque. En suivant donc, le droit contemporain pourrait être présenté comme un lieu de production d’énoncés, un lieu de visibilité formulant son propre savoir, et un savoir faisant à son tour l’objet d’énonciations. L’étude du droit, par ce qu’il a de visible et par ce qui est énonçable à son propos, participerait donc de la compréhension d’une époque. Il eut pu alors paraître naturel que le droit soit pour Deleuze un objet d’observation. Mais le droit est souvent un angle-mort de la pensée philosophique, et c’est en bonne partie le cas aussi avec Deleuze. Des rapprochements sont toujours possibles, mais il est un fait qu’il est plutôt très rare que ce qui est dit en philosophie et qui pourrait avoir une résonnance dans la manière de penser le droit, soit effectivement envisagé comme tel. Le pas est rarement franchi. Lorsque Deleuze parle du sujet, de l’énonciation et des énoncés, il ne parle jamais du droit, contrairement à Michel Foucault. Or, le travail sur certaines des choses que le droit fait (mettre en prison, dire la santé par exemple), fait tout de même partie chez Foucault d’une réflexion sur le sujet. C’est par l’étude de la juridicisation de la folie qu’il peut dire « Le sujet est soit divisé à l’intérieur de lui-même, soit divisé des autres. Ce processus fait de lui un objet. Le partage entre le fou et l’homme sain d’esprit, le malade et l’individu en bonne santé, le criminel et le « gentil garçon » illustre cette tendance »[30].
Si Gilles Deleuze admire Michel Foucault, d’une certaine manière le penseur de l’invisible, dans et par le droit notamment, c’est en le ramenant à une visibilité qu’avant lui personne ne voyait dans certaines institutions du droit, et qui s’avèrent donc a posteriori être lieux de visibilité. Pour Deleuze, le travail de Foucault, qui aboutit à pouvoir dire « j’énonce la délinquance », « je vois le crime en prison », « je vois la folie à l’hôpital général », « j’énonce la déraison[31] », forme un véritable savoir[32]. En ce sens, Deleuze estime qu’« il y a des seuils de visibilité qui font que la vision devient scientifique. Il y a des seuils d’énoncé qui font que l’énoncé devient scientifique »[33], et le travail consiste à y accéder[34]. Ce qui git dans cette pensée deleuzienne, à travers la laudation du travail de Foucault, est la possibilité d’une forme de vérité « objective », que certains pourraient mieux voir que d’autres, ceux qui, formés à cela, produisent des énoncés scientifiques[35].
Deleuze dit qu’il avait commencé par s’intéresser au droit mais que rapidement il n’y a pas vu un travail politique[36]. L’intérêt pour le droit apparaît toujours anecdotique[37], ce qui en effet, en suivant Laurent de Sutter, démontre d’une certaine conception ou philosophie du droit[38]. De fait, les énoncés généraux du droit – c’est-à-dire ce qui figure dans la constitution, les conventions internationales, les lois ou les règlements – n’intéressaient pas Gilles Deleuze comme objet d’énoncés scientifiques, alors même que leur étude littérale est devenue le must de la pensée scientifique des juristes. Le seul droit qui intéressait Deleuze – et Guattari – est celui qui constitue chaque fois l’événement, qui génère des situations nouvelles constamment, c’est-à-dire la jurisprudence, les décisions qui disent la « justice » au cas par cas[39]. Sur ces décisions, il n’y aurait aucune spéculation possible, puisque « le vrai c’est, on revient toujours à ça, c’est la combinaison du visible – la nouvelle situation créée par la décision (j’ajoute) – et de l’énonçable[40] ».
Il est possible que la distanciation de Deleuze par rapport aux énoncés généraux du droit, qui ne créeraient en eux-mêmes aucune situation, aucun événement susceptible d’énoncés, soit la manifestation de son rapport au sujet et au langage qui l’anime : comme énoncés « uniques » – il y a un seul énoncé de la loi – il n’y voit pas de singularité observable, pas de sens lié à la réalité. Théoriquement, on ne peut pas dire quelque chose seul, ou si on le fait, ça ne dit rien de plus. Dans la ligne d’une forme de détestation de la psychanalyse, qui met le sujet en son cœur – puisque « Je dis toujours la vérité[41] » – Deleuze conteste donc l’idée de « signifiant », qu’il associe à l’idée de « surcodage despotique »[42] et ferait voir autrement ce qui se présente d’une autre manière. Le « surcodage » du sujet, qui serait constitué de ces fameux « signifiants-maîtres[43] », n’est pas, de ce point de vue, susceptible de vérité. La vérité à propos du sujet ne peut que découler de la compréhension quasi littérale des énoncés/énonciations insérés dans leurs flux, un collectif qui les absorbe et loge le désir des non-sujets. Le sujet possible n’a pas d’autre histoire que son insertion dans et entre les agencements machiniques. De fait, Gilles Deleuze et Félix Guattari ont conceptualisé ces « agencements machiniques » sans jamais regarder les énoncés généraux du droit. En ce sens, les lois ne feraient pas le droit et la structure sociale ; il n’y a rien à y voir puisqu’il s’agit d’énoncés isolés. Le discours de la loi n’est pas multiple et elle ne peut être comprise comme un surcodage des énoncés qui institutionnellement semblent en découler, puisque de toutes les façons il n’y a pas de surcodage…
Ce qui se présentait comme un constat deleuzien – le non-sujet – est peut-être devenu un prescrit du monde contemporain qui s’incarne dans les dispositifs juridiques, mais que la méthode deleuzienne ne peut apercevoir puisque limitée à la littéralité des énoncés considérés comme le produit d’agencements machiniques. D’une certaine manière, Deleuze constate quelque chose qu’il s’empêche d’apercevoir en mouvement. Si la loi contemporaine dit quelque chose à propos de la place du sujet dans l’espace juridique et social de décision, en suivant Deleuze, elle ne symptomatiserait rien en tant qu’énoncé unique.
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Deleuze voyait une impossibilité du sujet, et la structure du droit contemporain l’écarte effectivement, sans justement, dans la perspective épistémologique deleuzienne, pourtant phénoménologue, qu’un sujet apparaisse qui pourrait s’analyser. En bref, une disparition du sujet qui ne peut même plus se dire. La réussite est totale.
Si on peut penser que le droit cède à la facilité de ne pas/plus penser le sujet, on ne doit pourtant pas évacuer la question de savoir ce qui serait insupportable dans le fait de ne pas l’écarter et qui nous concernerait tous. Peut-être que le « non-sujet » deleuzien est une manière de laisser les hommes et les femmes tranquilles dans leur absolue singularité, dans leurs errements parce qu’insupportables à penser semble-t-il. La capacité « machinique » est en quelque sorte plus rassurante, sa complexité un objet indéfini de recherche, mais qui n’ira jamais jusque dans le berceau des berceaux, les errements du for intérieur.
Il suffirait peut-être de
considérer les énoncés généraux du droit comme un mode d’énonciation sociale et
politique autour duquel les membres du corps social sont dits rassemblés, un
système de production d’énoncés découlant des flux sociaux, échantillon d’une
pensée située dans le temps et l’espace, un « état des choses » au
travers duquel les désirs des énonçants prennent place. Lessivés par
l’objectivité promue par tous comme seule issue de l’acceptabilité de
l’hétéronomie, les énonçants reproduiraient et contribueraient à la poursuite
de l’édification du non sujet comme matrice sociale.
[1] S’il semble répandu de penser que la refondation de la psychanalyse par Lacan est une réhabilitation de Descartes, c’est-à-dire du « je », Lacan ne reprend pas la formule telle que et passe beaucoup de temps à l’interroger, notamment dans son séminaire IX de l’année 1961-1962, L’identification : « interrogeant la formule dont il s’agit « Je pense, donc je suis » nous puissions dire que… pour l’usage qui en est fait…elle ne peut que nous poser un problème » (p. 15). Il est difficile de savoir si Deleuze a eu connaissance de cette réflexion, le séminaire n’ayant été publié qu’en 1981. Mais il cite Lacan parlant du cogito dans ses Écrits (cours à Vincennes le 4 juin 1973, Les conceptions de l’énoncé).
[2] Voy. par ex. le cours à Vincennes du 26 mars 1973, Dualisme, Monisme et Multiplicités.
[3] « C’est le fameux ordre de la démocratie. C’est en tant que sujet que vous êtes législateur ; ce n’est pas par hasard que celui qui a poussé cette doctrine le plus loin, le formalisme de cette doctrine, c’est l’héritier de Descartes du point de vue du cogito, à savoir : c’est Kant, et que la soumission à la raison nous est présentée comme la manière dont nous devons devenir comme naturellement législateurs : ça nous renvoie toujours à la division du sujet en sujet de l’énoncé et sujet de l’énonciation : tu obéiras comme sujet de l’énoncé, mais parce que c’est toi qui commande en tant que sujet de l’énonciation, et on nous convie à saisir cette grande identité clivée, comme identité barrée, tout ce que vous voulez, du législateur et du sujet » (…). Tu commanderas d’autant plus que tu obéiras, i.e. tu seras d’autant plus près d’être le véritable sujet de l’énonciation que tu te conformeras à la barre qui te sépare comme sujet de l’énoncé du sujet de l’énonciation, c’est-à-dire que c’est par la castration que tu accèdes au désir » (je souligne), ibid.
[4] Cours à Vincennes le 4 juin 1973, Les conceptions de l’énoncé.
[5] Ibid.
[6] Avec Félix Guattari, Kafka. Pour une littérature mineure, Minuit, 1975, et Mille plateaux, Minuit, 1980.
[7] « Sur la philosophie », septembre 1988, entretien avec R. Bellour et Fr. Ewald, reproduit dans Pp, p. 199-200.
[8] Gilles Deleuze et Claire Parnet, Dialogues, Paris, Flammarion, 1996 p. 65.
[9] Cours à Vincennes du 26 mars 1973, Dualisme, Monisme et Multiplicités.
[10] Cours à Vincennes du 28 mai 1973, Marx- désir/besoin – Faye – la monnaie – sur Baudrillard.
[11] Cours à Vincennes le 4 juin 1973, Les conceptions de l’énoncé.
[12] Cours à Vincennes du 26 mars 1973, Dualisme, Monisme et Multiplicités.
[13] Logique du sens, Minuit, 1966, p. 34.
[14] Jean-Pierre Faye, Langages totalitaires, Hermann, 1972. À l’époque, l’ouvrage de Victor Klemperer, L.T.I, n’avait pas encore fait l’objet d’une publication ni d’une traduction dans l’Europe de l’Ouest (l’ouvrage sera publié en France en 1996 chez Albin Michel).
[15] Cours sur Foucault du 29 octobre 1985, transcription, par Annabelle Dufourcq, (https://deleuze.cla.purdue.edu/sites/default/files/pdf/lectures/fr/Deleuze_Lecture_19851029_Full_Transcript.pdf
[16] L’Abécédaire de Gilles Deleuze, documentaire français produit par Pierre-André Boutang, 1988-89.
[17] Quoique cette seule apparition filmée de Gilles Deleuze ait été voulue posthume par lui, une manière de mettre en scène une apparition dans la disparition.
[18] Ce que cependant aucun système électoral à ce jour n’a réussi à retranscrire parfaitement. Il existe toujours un différentiel dans le poids des différentes voix.
[19] Ces techniques – comme celles dont je parle un peu plus loin – font l’objet de dispositions législatives et réglementaires fréquentes depuis ces 15 dernières années. Je confie à la prudence des lecteurs le soin, à partir de leur appellation, d’en rechercher les modalités précises puisqu’elles sont connues sur le principe, souvent présentées et promues en différents lieux de la pratique juridique et universitaire.
[20] Le Monde du droit, 13 juillet 2020, https://www.lemondedudroit.fr/institutions/70787-monsieur-dupond-moretti-developpons-mediation.html
[21] https://www.officieldelamediation.fr/ (je souligne).
[22] P. Legendre, Les Enfants du texte. Etude sur la fonction parentale des Etats, Paris, Fayard, 1992, p. 352, cité par A. Supiot, « L’inscription territoriale des lois », Esprit, oct. 2008, p. 163.
[23] Voy. L. Fontaine, Marche ou rêve (2), www.ledroitdelafontaine.fr, juin 2016.
[24] L’anonymisation pourrait même étonner si l’on songe que l’on vit précisément dans un environnement où chacun, par son identité, ses loisirs, ses envies et ses motivations, paraît en quelque sorte traqué, cerné, pisté, analysé même. Mais elle étonne moins si l’on songe que ces formes de « recensement » des subjectivités ont pour but de les broyer aussitôt dans des immenses bases de données permettant de décider quelque chose sur une base algorithmique.
[25] Quoique les « juges » ne soient visiblement pas tous logés à la même enseigne : voir Cherche éthique désespérément au Conseil constitutionnel, Tribune, Mediapart, 6 juillet 2020 : https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/060720/cherche-ethique-desesperement-au-conseil-constitutionnel
[26] Voy. par exemple J. Barthélémy, « L’ingénierie juridique : un concept ; le juriste organisateur : son prêtre », Les Petites Affiches, 5 janvier 2005, p. 5.
[27] Je conseille par exemple de se rendre sur le site My Will Platform (www.mywillplatform.io/en) qui propose un système d’expression infalsifiable de nos dernières volontés, sans rencontrer personne, et bien entendu pas un notaire.
[28] La technologie dite « blockchain », qui permet de sanctuariser l’ordre d’arrivée et d’enregistrement de données, donne lieu à de multiples espoirs dans le domaine du commerce autour du droit.
[29] Cours sur Foucault du 29 octobre 1985, transcription, par Annabelle Dufourcq, (https://deleuze.cla.purdue.edu/sites/default/files/pdf/lectures/fr/Deleuze_Lecture_19851029_Full_Transcript.pdf
[30] Michel Foucault, « Le sujet et le pouvoir » (1982) in Dits et écrits II, Gallimard, Quarto, texte n°306, p. 1041.
[31] Cours sur Foucault du 29 octobre 1985, transcription, par Annabelle Dufourcq, (https://deleuze.cla.purdue.edu/sites/default/files/pdf/lectures/fr/Deleuze_Lecture_19851029_Full_Transcript.pdf
[32] « Je dirais : la déraison, la délinquance sont des objets proprement discursifs, la prison, l’hôpital général sont des lieux de visibilités. Je peux parfaitement dire ‘je vois quelque chose’, mais ce quelque chose est intérieur au savoir, ce n’est pas un objet qui existerait indépendamment du savoir ou qui préexisterait au savoir » (cours, Foucault ). « Le savoir c’est : tout énoncé en tant que combinable avec des visibilités. » Un énoncé « c’est ce qui se dit. A notre niveau, il n’y a jamais rien à interpréter » (Cours à Vincennes du 28 mai 1973, Marx- désir/besoin – Faye – la monnaie – sur Baudrillard).
[33] Cours sur Foucault du 29 octobre 1985, transcription, par Annabelle Dufourcq, (https://deleuze.cla.purdue.edu/sites/default/files/pdf/lectures/fr/Deleuze_Lecture_19851029_Full_Transcript.pdf
[34] « « Je sais quelque chose » est possible. Parce que les énoncés ont des objets qui leur sont propres, des objets qui leur appartiennent à eux, qui n’existent pas hors d’eux. Ces objets sont des objets discursifs. Alors « je sais quelque chose », d’autre part les visibilités elles-mêmes ont des objets, des objets qui leur sont propres. Savoir c’est voir et énoncer, c’est combiner du visible et de l’énonçable. Il y a des objets de visibilité, il y a des objets d’énonciation, des objets discursifs. Donc dire « j’énonce quelque chose » est parfaitement possible, « je vois quelque chose » est parfaitement possible », ibid.
[35] Ibid.
[36] « Le devenir révolutionnaire et les créations politiques », entretien avec Toni Negri, Futur antérieur, 1990, L’Harmattan.
[37] Par exemple, Présentation de Sacher-Masoch, Minuit, 1967.
[38] L. de Sutter, Deleuze : la pratique du droit, Michalon, 2007.
[39] « Le devenir révolutionnaire et les créations politiques », entretien préc.
[40] Cours sur Foucault du 29 octobre 1985, transcription, par Annabelle Dufourcq, (https://deleuze.cla.purdue.edu/sites/default/files/pdf/lectures/fr/Deleuze_Lecture_19851029_Full_Transcript.pdf
[41] J. Lacan, Télévision, Seuil, 1973, pp. 9 ; 47.
[42] Pourparlers, Minuit, 1990, pp. 34-35.
[43] J. Lacan, L’Envers de la psychanalyse, Séminaire 1969-70, XVII, Seuil, 1991.