Cette étude est à paraître dans la revue Le Tribonien. Elle est très longue et je l’ai donc coupée en 3, en mettant le plan général de l’étude ci-dessous. Je remercie Nicolas Laurent-Bonne pour son aimable autorisation.
Une version en anglais est à venir d’ici quelques courtes semaines j’espère puisque je l’ai déjà commencée.
Voir la partie 1
Voir la partie 3
Voir la version complète en anglais
Plan de l’étude
1. L’éthique de la nomination, enjeu de la légitimité politique de la justice constitutionnelle
1.1 Les usages irréguliers de la procédure de désignation des gardiens de la Constitution
1.1.1. La difficile pratique de la désignation des gardiens de la constitution dans les démocraties à construire
1.1.2. L’usage non normalisé de la désignation des gardiens de la constitution dans les démocraties « confirmées »
1.1.3. Les maigres solutions techniques et juridiques aux problèmes éthiques de la nomination
1. 2 L’éthique de la désignation au prisme de la liberté de choix des autorités de nomination
1.2.1. L’éthique parfois douteuse des autorités de nomination
1.2.2. La désignation des gardiens de la Constitution : sujet d’intérêt public variable
2. Les variations autour du caractère démocratique de la désignation des gardiens de la constitution
2.1. Pluralisme des autorités de nomination versus unilatéralisme
2.2. Pluralisme des gardiens versus homogénéité ?
2.2.1. Le cadre politique et culturel des critères de diversité des gardiens de la constitution
* L’évolution des pratiques de nomination incluant les femmes
* La portée du caractère fédéral, multi-ethnique ou multi-linguistique d’un Etat sur la nomination des gardiens de la constitution
2.2.2. La permanence des critères de nomination limitant la diversité recherchée
2.2.3. Les ambiguïtés de la diversité recherchée
3. Les variations autour du caractère judiciaire de la désignation des gardiens de la constitution
3.1 Donner un rôle au pouvoir judiciaire dans la désignation des gardiens de la Constitution
3.2 Nommer des gardiens indépendants des autorités contrôlées
3.2.1. Penser l’indépendance procurée par l’expérience du droit vis-à-vis des autorités contrôlées
3.2.2. Le choix impossible entre la prévalence des opinions et les qualifications juridiques
Les enjeux éthiques et démocratiques de la désignation des gardiens de la Constitution. Etude comparée
2. Les variations autour du caractère démocratique de la désignation des gardiens de la Constitution
A observer la diversité des procédures, les débats qui en ont été au fondement, ceux qui naissent de la pratique et les analyses académiques à ce sujet, on peut constater qu’il existe une tension entre la nécessité de donner à la désignation des gardiens de la Constitution, et donc à la justice constitutionnelle, une assise démocratique, voire politique, et une certaine évidence du caractère juridictionnel et judiciaire de l’activité. Le statut de « standard » acquis par la justice constitutionnelle et promu par les institutions régionales et internationales au titre de ce qu’elle est un élément clé de l’Etat de droit, a rendu nécessaire sa conformité aux principes communs de l’administration de la justice, faute de quoi elle porterait mal son nom. La tension qui en résulte marque spécifiquement les cours constitutionnelles et parfois les cours suprêmes. L’ambivalence dans laquelle la juridiction constitutionnelle est tenue, et les oppositions auxquelles elle peut donner lieu, font peser sur la juridiction constitutionnelle une charge permanente qui la fragilise et ne lui donne pas les coudées franches.
Cette tension était très visible dans le débat qui a eu lieu au Royaume-Uni au début des années 2010 sur une possible réforme constitutionnelle : l’un des axes de la réforme était l’indépendance de la justice et des procédures de nomination car tant les universitaires que la classe politique décriaient « l’influence excessive des juges sur les nominations judiciaires » et plaidaient pour un changement du système de nomination[1]. Mais ils se divisaient sur la manière de réformer le système, en donnant une primauté au Parlement, à l’exécutif ou à un système mixte qui n’écarterait pas complètement le système judiciaire. A dire vrai, presque tous les systèmes pensent la justice constitutionnelle comme ayant un caractère politique, qui font de la Cour suprême ou de la Cour constitutionnelle un organe dont les compétences et la composition sont fixées par la Constitution, contrairement à la plupart des autres juridictions. Dans ce sens, la caractérisation politique des cours et le système politique de désignation de leurs membres serait une garantie du caractère démocratique de la juridiction constitutionnelle, là où l’inscription dans la banalité du système judiciaire ne le lui procurerait pas. Mais l’inscription de la justice constitutionnelle dans le système de pouvoirs le doit plus à ses effets qu’à sa nature : il s’agit moins de rendre la justice constitutionnelle « démocratique » que de s’assurer qu’elle ne contrarie pas (trop) l’exercice du pouvoir démocratique dont elle doit être l’allié objectif. Le comparatiste Pierre Bon estime que parce qu’elle a une fonction ou un rôle dans le système politique, il en résulte que la juridiction constitutionnelle « ne peut être composée comme n’importe quelle juridiction, c’est-à-dire par des magistrats qui y accèderaient automatiquement selon les lois de déroulement de la carrière judiciaire. Mettant en cause la volonté du législateur, c’est-à-dire du souverain, elle doit bénéficier d’une légitimité démocratique renforcée que lui donne la désignation de la totalité ou de la majorité de ses membres par des organes politiques le plus souvent divers »[2]. Sur cette base, la conception judiciaire de la justice constitutionnelle serait insuffisante pour lui conférer la légitimité nécessaire à son bon exercice : « en raison de l’impact politique de leurs décisions, il est largement admis que les acteurs politiques des autres branches du gouvernement devraient être impliqués dans le processus de sélection, car les personnes impliquées pourraient être plus enclines à accepter les jugements »[3]. Plus, le manque d’implication d’autres entités favoriserait la politisation de la sélection[4].
Il n’y a pas de solution qui serait dite parfaitement démocratique ou libérale, pas de standard de la désignation de gardiens de la Constitution que la doctrine ou les institutions internationales souhaiteraient imposer. Mais des tendances apparaissent, qui pourraient être toutes contenues dans le terme de « pluralisme » : pluralisme des autorités de nomination versus unilatéralisme d’une part (1), pluralisme des gardiens versus homogénéité d’autre part (2), selon des logiques toutefois encore inabouties ou balbutiantes.
2. 1. Pluralisme des autorités de nomination versus unilatéralisme
Depuis de nombreuses années le pluralisme est présenté par la Cour Européenne des Droits de l’Homme comme caractérisant une société démocratique[5]. Il se retrouve presque logiquement dans les exigences de la procédure de désignation des gardiens de la Constitution : plusieurs autorités ou groupes ont ainsi la capacité de nommer des membres de la cour constitutionnelle ou suprême, séparément ou conjointement. Mécaniquement, la cour constitutionnelle ou suprême est censée être composée de telle sorte que différents points de vue produiront un exercice ne favorisant aucun pouvoir en particulier.
Dans les démocraties reconnues comme installées ou en construction, l’unilatéralisme est clairement marginalisé. La situation où un seul organe non collégial dispose de l’entièreté du pouvoir de nomination ne se trouve pas, même si certains dispositifs en paraissent proches. En Islande, c’est le Président qui nomme les neuf membres de la Cour suprême sur proposition du Premier ministre, mais après qu’un comité dont les cinq membres ont été désignés par la Cour suprême, le Conseil de la Magistrature, l’ordre des avocats et le Parlement, ait formulé des propositions pour chacun des sièges à pourvoir. Quant à la Cour constitutionnelle de Slovaquie, ses treize juges sont nommés par le Président, mais sur une liste de vingt-six candidats proposés par le Parlement, limitant ainsi, au moins théoriquement, son entier pouvoir discrétionnaire.
Le Conseil constitutionnel français est lui aussi parfois considéré à part des autres anciennes démocraties, puisque la désignation de ses membres n’a longtemps pas fait intervenir la collégialité, et pas nécessairement le pluralisme puisque, sous la Vè République, les trois autorités de nomination – le Président de la République, le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée Nationale – ont longtemps représenté une même force politique. Peu étonnant que l’auteur d’une étude comparative sur les systèmes de désignation des juges constitutionnels, destinée à proposer un nouveau modèle pour la Hongrie, explique qu’il exclut le cas français de son étude : « Le Conseil constitutionnel français, dit-il, n’est pas inclus dans l’analyse, car il n’a pas été conçu dans la ligne de l’idée de justice constitutionnelle de Hans Kelsen. Il constitue un organe sui generis longtemps considéré comme politique »[6]. La procédure de désignation des membres du Conseil constitutionnel a toutefois été révisée en 2008, avec l’instauration d’un système d’audition des nommés par une commission composée de parlementaires : les personnalités nommées par le président du Sénat doivent répondre aux questions des membres de la commission du Sénat, celles nommées par le président de l’Assemblée nationale doivent répondre à celles des membres de la commission de l’Assemblée nationale, et celles nommées par le président de la République doivent passer l’audition devant les deux commissions. De l’avis de la plupart des observateurs, ces auditions instituées depuis 2010 ne constituent encore à ce jour qu’un faible contre-pouvoir à la discrétionnalité de la nomination des trois plus hautes autorités de l’Etat : contrairement en effet à ce qui se passe aux Etats-Unis où les candidats nommés par le président des Etats-Unis doivent répondre aux questions de l’ensemble des sénateurs sur plusieurs jours, et où régulièrement le président doit rétropédaler (on compte en effet plusieurs cas ces 40 dernières années[7]), les auditions en France se déroulent sur à peine plus d’une heure, à partir de questions le plus souvent complaisantes, si bien qu’on ne peut encore à ce stade parler de nominations faisant intervenir différentes forces politiques et différents pouvoirs[8]. Le particularisme français est renforcé par la présence « de droit » des anciens présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel, ainsi que le prévoit l’article 56 de la Constitution. Si d’autres pays ont suivi l’exemple de la France sur ce point (Kazakhstan, Côte d’Ivoire, Djibouti ou Gabon), ils ne l’ont en revanche pas suivi dans l’organisation de la désignation des gardiens de la Constitution, en la pensant plus volontiers à partir de mécanismes impliquant la collégialité et, en tous les cas, un certain pluralisme.
Il faut enfin mettre à part les cas rares d’adossement de la juridiction constitutionnelle ou suprême à l’organe populaire lui-même, ce qui aurait pour effet de lui donner une assise démocratique incontestable. Il arrive en effet que les textes prévoient que le peuple intervienne dans la procédure de désignation des gardiens de la Constitution : les membres du tribunal constitutionnel de Bolivie, comme ceux d’ailleurs de trois autres hautes instances judiciaires du pays, sont tous élus au suffrage universel direct sur la base d’une liste établie par l’Assemblée nationale à partir des candidatures reçues[9]. Au Japon, les membres de la Cour suprême, à l’exception de son président qui est nommé formellement par l’Empereur sur présentation du Gouvernement, sont désignés par le gouvernement en place, mais sur présentation d’un (pratique antérieure à Shinzo Abe) ou de deux noms par le secrétariat général de la Cour Suprême, et sont confirmés par les électeurs à l’occasion des élections générales suivantes pour l’Assemblée des Représentants, et ensuite une fois tous les dix ans, sauf si les électeurs réclament un référendum de confirmation avant. La volonté affichée de donner une légitimité démocratique incontestable à la justice constitutionnelle en l’adossant au choix populaire s’inscrit néanmoins – comme n’importe quelle autre règle – dans l’histoire d’un régime politique et dans sa culture, et dépend des circonstances politiques et sociales dans lesquelles elle se déploie, faisant qu’on peut dire qu’un tribunal constitutionnel élu ou confirmé par le peuple ne garantit, en lui-même, ni une politique, ni une manière d’exercer des attributions déterminées.
De fait, la démocratie bolivienne est encore qualifiée de vacillante, décrite comme un régime dans lequel la Constitution est « dénormativisée », au sens où les organes constitués ont pris l’habitude de ne pas donner leur plein effet aux normes constitutionnelles[10]. Un terme spécifique décrit d’ailleurs cet état de fait, celui de « déconstitutionnalisation »[11]. Le tribunal constitutionnel ne joue pas son rôle semble-t-il, en ayant par exemple accepté l’augure d’un quatrième mandat présidentiel en faveur d’Evo Moralès, alors que la Constitution l’excluait pourtant clairement[12]. Et même après la chute de ce dernier, le tribunal constitutionnel est considéré comme un allié objectif du président concentrant la plupart des pouvoirs. Quant à la Cour suprême du Japon, c’est une autre tradition qui l’emporte, mais rendant aussi de quasi nul effet le rôle des électeurs, sauf à considérer leur accord véritable avec la pratique du pouvoir exécutif et celle de la Cour Suprême. Notoirement moins clivée que la plupart des sociétés occidentales, la société japonaise a un regard particulier sur sa justice : d’une part, celle-ci n’est pas considérée comme l’alpha et l’oméga d’une société historiquement hostile au droit, et, d’autre part, il existe une distance respectueuse vis-à-vis de l’institution et des hommes qui la rendent. On considère ainsi que les japonais ne connaissent pas leurs juges[13]. Il est vrai au surplus que la Cour Suprême ne s’est pas montrée si offensive et si déterminante dans le jeu institutionnel qu’une analyse – occidentale notamment – pouvait le laisser présager au moment de l’écriture de la Constitution en 1946[14]. Suivant cette ligne, aucun des membres de la Cour suprême n’a jamais été rejeté lors du référendum de confirmation, et, de fait, très peu de référendum sont organisés car la pratique est de ne nommer que des juges âgés de plus de soixante ans, ceux-ci partant obligatoirement à la retraite à soixante-dix ans. Aucun référendum n’a jamais été provoqué par une initiative populaire dans le but de révoquer un juge. L’originalité de la procédure reste donc encore en sommeil, attendant peut-être d’être réveillée, à la faveur de changements, plus culturels que politiques.
En regard de ces deux exemples, l’aspect démocratique et pluriel de la désignation des gardiens de la Constitution est, dans les autres pays, plus indirect que direct : la procédure implique un ou plusieurs organes politiques en tant qu’ils sont, seuls ou ensemble, l’expression du caractère démocratique du système. Le système de nomination exclusive par l’exécutif fait plutôt l’objet d’un rejet. La commission de Venise considère qu’« un système mixte accordant des pouvoirs d’élection ou de désignation aux trois grandes branches du pouvoir, au lieu du système de désignation directe exclusive par le Président, a une plus grande légitimité démocratique tout en étant fondé sur les expériences concluantes du système antérieur »[15]. Et, au regard du caractère jugé politique de la justice constitutionnelle, il est, pour certains auteurs, « impossible d’imaginer que l’implication du Parlement puisse être éliminée », qui obligerait autrement à trouver une autre source de légitimité[16]. Dans les systèmes observés, le Parlement intervient presque toujours. Plusieurs types de procédures sont observables : celles qui reposent sur des nominations séparées ou « parallèles » des différentes branches du pouvoir (qui n’excluent pas forcément la délibération quand l’une de ces branches est le Parlement) : par exemple, en Espagne[17], en Italie[18], en Autriche[19], en Géorgie[20], en Roumanie[21], en République Démocratique du Congo[22] ou au Chili[23] ; et celles qui reposent sur une collaboration nécessaire entre les différents pouvoirs : par exemple en Slovaquie[24], en Slovénie[25], aux Etats-Unis[26], en Lituanie[27], en Croatie[28], en République tchèque[29], en Argentine[30], en Mongolie[31], au Luxembourg[32], ou en Estonie[33].
Il est donc plutôt rare que le Parlement n’intervienne pas du tout : dans cette hypothèse, la désignation repose sur un duo entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, comme par exemple en Algérie[34], ou en Australie[35], et dans des pays du nord de l’Europe pour l’essentiel, qui n’ont pas instauré d’organe juridictionnel de contrôle de constitutionnalité mais dans lesquels le contrôle de constitutionnalité s’opère de manière diffuse et de manière plus ou moins franche. Ainsi du Danemark[36], de l’Irlande[37], de la Suède[38], de la Norvège[39], mais aussi de la Grèce[40].
A l’inverse, la Commission de Venise considère comme « satisfaisant » un système dans lequel seul le Parlement est compétent[41], à l’instar de l’Allemagne où ce sont les deux chambres du Parlement, le Bundestag et le Bundesrat, qui ont chacun un pouvoir égal de nomination au Tribunal constitutionnel fédéral, dans la mesure où les deux assemblées élisent chacun huit juges[42]. D’ailleurs, ce cas de figure n’est pas si rare, puisqu’on le retrouve non seulement en Allemagne mais aussi en Belgique[43], en Hongrie[44], en Pologne[45], en Lettonie[46], en Suisse[47], au Portugal à certains égards[48], ou encore au Pérou[49]. C’est sans doute parce que, contrairement à l’hypothèse de la maîtrise de la procédure par le pouvoir exécutif, la nomination exclusive par le Parlement implique une obligation que plusieurs personnes issues du suffrage populaire, direct ou indirect, et éventuellement d’origine partisane distincte, se mettent ensemble pour discuter. Au surplus, lorsque ce Parlement est bicaméral, et que les deux assemblées sont issues d’un processus institutionnel distinct, comme dans l’Allemagne fédérale où le Bundesrat est issu des länder et le Bundestag issu du suffrage direct des électeurs allemands, son pouvoir de nomination apparaît le fruit d’une nécessaire délibération entre des intérêts distincts. L’idée est donc que plusieurs intérêts, qui représentent le cœur du système politique démocratique, concourent à la nomination des gardiens de la Constitution. Le pluralisme à l’origine de la juridiction constitutionnelle.
Cette question de la délibération et de la collaboration a d’ailleurs été un sujet de controverse en Allemagne[50], controverse à laquelle la Cour elle-même a participé. Jusqu’en 2019, l’élection des juges constitutionnels par le Bundestag était indirecte, dans le sens où c’était une commission électorale constituée de 12 membres qui élisait les juges, sans passer par un vote en séance plénière. Saisie de ce sujet, la Cour constitutionnelle rendit une décision le 19 juin 2012 dans laquelle elle estime que la Constitution laisse au législateur le choix du mode d’élection des juges, et que, en dépit de la récurrence des critiques, il n’a jusqu’alors pas saisi d’occasion pour réformer ce système[51]. Si elle estime que « l’élection indirecte des juges de la Cour constitutionnelle fédérale limite les droits de participation de tous les députés qui ne font pas partie de la commission électorale » (§C/ aa/ de la décision), « le fait de confier l’élection des juges constitutionnels fédéraux à une commission électorale dont les membres sont soumis à l’obligation de confidentialité (article 6, alinéa 4 BVerfGG) trouve sa justification dans l’objectif législatif de consolider la réputation de la Cour, dans la confiance en son indépendance et dans la nécessité d’assurer ainsi sa capacité de fonctionnement » (§C/ cc/ de la décision). A l’époque, le président du Bundestag, Norbert Lammer, regretta ouvertement cette décision de la Cour et son raisonnement deux poids deux mesures, puisque, quelques semaines plus tôt, elle avait souligné l’importance de la délibération de l’assemblée législative en séance plénière[52]. Finalement, le § 6 de la loi du 12 mars 1951 relative à la Cour constitutionnelle fédérale fut modifié par l’article 4 de la loi du 20 novembre 2019, disposant que « (1) Les juges désignés par le Bundestag sont élus sur proposition de la commission visée à l’alinéa 2 sans débat et au moyen d’un vote au scrutin secret » (je souligne), et que « (2) (…) Chaque groupe parlementaire peut proposer une liste de candidats pour cette commission. Le nombre des membres élus de chaque liste est déterminé selon la règle de la plus forte moyenne (méthode d’Hondt) ».
Quoi qu’il en soit, la participation de différentes forces politiques est autant satisfaisante sur le plan des principes qu’elle donne lieu à des pratiques distinctes et souvent problématiques. En Italie par exemple, l’habitude s’est prise de partager les cinq sièges de la Cour constitutionnelle pourvus par le Parlement entre les partis politiques les plus puissants, en fonction de leur représentation au Parlement. Les négociations ne sont pas publiques et, comme on l’a vu dans la première partie de cette étude, provoquent régulièrement des vacances de siège à la Cour constitutionnelle[53].
L’intervention de différentes branches et l’exigence d’une majorité qualifiée au sein du Parlement n’impliquent de toutes les façons pas et nécessairement un réel pluralisme, dans la mesure où les forces partisanes en présence apparaissent bien plus dans la confrontation que dans la collaboration. Cette tendance à ce qu’on appelle la polarisation du champ politique paraît se renforcer dans les démocraties occidentales ces dernières années. En janvier 2020 en Belgique, une candidature proposée par un parti a pour la première fois été refusée, celle du parti « Ecolo », Zakia Khattabi, rejetée une deuxième fois en mai 2020, à la suite d’une campagne agressive à son encontre sur les réseaux sociaux. Un professeur de droit constitutionnel, qui dit ouvertement ne pas partager les convictions de Madame Zakia Khattabi, voire est « hérissé » par certaines de ses positions, considère toutefois que ce rejet est une « blessure faite au fédéralisme belge » et que la Cour constitutionnelle « se serait honorée de la compter parmi ses membres »[54]. Aux Etats-Unis, on peut constater que la première femme nommée à la Cour Suprême, Sandra Day O’Connor, en 1981, fut confirmée par le Sénat avec 99 voix sur 100, que le premier juge noir, Thurgood Marshall, fut confirmé par le Sénat en 1967 par 69 voix contre 11, tandis que la juge Kentanji Brown Jackson, première femme noire, n’a été confirmée par le Sénat en 2022 qu’après d’âpres, voire de violentes auditions, et à 53 voix seulement.
Pour l’heure, cela semble encore bien fonctionner en Allemagne. L’exigence d’une majorité des deux tiers implique que les deux grands partis allemands, les chrétiens-démocrates (CDU/CSU) et les sociaux-démocrates (SPD), doivent se coordonner. Ils nomment alternativement les juges pour les deux sénats. Les « petits » partis de coalition (Verts et FDP), sont autorisés à désigner chacun un candidat en accord avec les grands partis de temps à autre[55]. En pratique, l’élection des juges de la Cour constitutionnelle fédérale est préparée sur la base d’un compromis entre les grands partis, au sein de commissions de sélection internes aux groupes parlementaires, de manière à atteindre la majorité des deux tiers requise pour chaque élection[56]. Dans une étude consacrée aux juges des cours constitutionnelles des landers allemands, Werner Reutter estime que, tandis que c’est la démocratie et la séparation des pouvoirs qui président à la désignation des juges constitutionnels, « rien n’indique qu’une prise de contrôle partisane des cours constitutionnelles des états allemands ait eu lieu »[57]. On en est un peu moins sûrs s’agissant de la Cour constitutionnelle fédérale.
Si la polarisation du champ politique n’est pas une donnée maîtrisable juridiquement, on s’intéresse néanmoins aux effets induits par l’exigence des majorités requises[58]. Cela peut « bien » fonctionner, comme « mal ». L’effet le plus fréquent de l’exigence de majorité qualifiée est le blocage et les retards de nomination des juges, entraînant une vacance de sièges qui oblige souvent la cour à fonctionner en effectif réduit, voire très réduit. C’est la raison pour laquelle la Commission de Venise, tout en préconisant un système de nomination à la majorité qualifiée pour l’élection des candidats à une cour constitutionnelle, recommande de mettre en place des « mécanismes appropriés de déblocage »[59]. On avance aussi que, pour éviter les blocages, et en dépit des avantages théoriques au plan démocratique de la nomination par une collaboration entre plusieurs organes et/ou une décision à la majorité qualifiée de l’organe délibérant, les systèmes de désignation « parallèle » seraient meilleurs, à l’exemple – c’est un comble – du système français. Pour Guillaume Tusseau, l’un des effets des majorités qualifiées serait que cette exigence exclut tout candidat aux opinions un peu plus radicales et politise plus fortement encore les nominations[60]. Mais le système de désignation parallèle « à la française » ne produit pourtant pas d’autre résultat, à savoir un organe dont les membres n’ont pas de différences d’opinion claires et tranchées et qui ne produisent aucune véritable discussion de fond sur la norme constitutionnelle et sa portée[61].
Si donc l’on pense que le pluralisme politique de la composition de la juridiction constitutionnelle est une bonne chose, il paraît impossible de s’en assurer grâce à l’inclusion ou à l’exclusion de tel ou tel organe politique, ou grâce aux règles de décision pour les nominations, voire, ces règles seraient contre-productives : la culture, la configuration politique et la pratique paraissent toujours pouvoir déjouer les ambitions nourries par une organisation pensée et maîtrisée. C’est peut-être en partie la raison pour laquelle on s’est beaucoup intéressé ces dernières années à la question spécifique de la diversité des profils des juges et au moyen d’y parvenir. Plutôt que de compter sur les effets d’une procédure reposant sur le pluralisme, c’est le pluralisme des gardiens qui pourrait être imposé.
2.2. Pluralisme des gardiens versus homogénéité ?
Au début des années 2010, le débat sur la réforme de la Constitution et l’indépendance des juges au sein des institutions britanniques divisait certes sur la question des modalités de leur désignation, mais fit aussi émerger un consensus sur la question de leur nécessaire diversité : « il n’est pas vraiment contesté, indiquait par exemple l’ancien secrétaire d’Etat aux affaires constitutionnelles Lord Falconer, que le pouvoir judiciaire n’est pas suffisamment diversifié et que cela a un impact, dans une certaine mesure, sur la perception du pouvoir judiciaire par les gens »[62]. En 2015, la vice-présidente de la Cour suprême, Lady Hale, future présidente de la Cour, plaidait aussi pour cette diversité et considérait que les anglais devraient avoir honte de l’état sociologique de la justice : « Depuis ma nomination le 12 janvier 2004, les treize nominés ont tous été des hommes. Tous blancs. Seuls deux d’entre eux ne sont pas passés par des écoles privées. Seuls trois d’entre eux ne sont pas passés par des internats non-mixtes. Seuls deux d’entre eux ne sont pas passés par Oxford ou Cambridge. Tous ont été d’éminents avocats employés par des cabinets privés »[63]. Le fondement constitutionnel de la nécessité de la diversité des juges fait néanmoins débat. Deux bases possibles ont été proposées : le principe de l’Etat de droit d’une part, et la responsabilité démocratique des tribunaux d’autre part[64]. Pour la Commission de Venise, « la justice constitutionnelle doit, par sa composition, garantir l’indépendance à l’égard des différents groupes d’intérêt et contribuer à l’établissement d’une jurisprudence respectueuse de ce pluralisme »[65], dans la mesure où la société est nécessairement pluraliste et que « divers courants de pensée philosophique, moraux, sociaux, politiques, religieux ou juridiques s’y expriment ». Elle poursuit en disant que « la légitimité d’une juridiction constitutionnelle et l’acceptation de ses arrêts dans la société peuvent très largement dépendre de la prise en compte par la cour des différentes valeurs sociales en cause, même si elles s’efforcent de dépasser celles-ci par la mise en lumière de valeurs communes. A cette fin, un équilibre garantissant le respect des différentes sensibilités doit être assuré dans les règles relatives à la composition de ces juridictions ».
La détermination de critères favorisant la diversité est un exercice délicat et très largement inabouti à ce jour. Les « sensibilités » et « opinions » diverses ne paraissent pouvoir être appréciées qu’à partir de critères objectifs tenant aux qualités « externes » d’une personne : sa couleur de peau, son sexe, sa langue, son appartenance religieuse ou communautaire. Les critères parfois retenus dépendent généralement de l’histoire et de la construction politique d’un pays (1). Mais il est un critère de recrutement des juges qui est partagé par la plupart des pays du monde et dont l’effet est au contraire d’étouffer les effets de la diversité recherchée (2), bien que ceux-ci ne soient pas bien établis et que leur principe même puisse poser problème, au regard notamment de la notion judiciaire d’impartialité (3).
- Le cadre
politique et culturel des critères de diversité des gardiens de la Constitution
Les débats sur l’origine ethnique, communautaire ou linguistique des gardiens de la Constitution ont surtout lieu dans les Etats fédéraux, multi-ethniques ou multi-linguistiques, là où les autres pays ont tendance pour l’heure à limiter la question de la diversité des juges à celle de la représentation des femmes. Et tandis que les premiers tendent à poser des règles obligatoires pour la nomination des gardiens de la Constitution liées à l’origine ethnique, linguistique, communautaire ou religieuse des candidats, les seconds, sauf exception, ne passent pas par le droit. La diversité de sexe ou de genre relève encore en effet très largement de la pratique : sauf exception, les constitutions ou les lois ne l’imposent pas. Toutefois, le fait est que dans beaucoup de pays la parité au sein des cours de justice s’inscrit dans un système où les cas d’obligation ou d’objectif juridique de parité se développent, que ce soit en matière électorale ou administrative, créant un climat particulièrement favorable et sans doute moralement contraignant pour les autorités de nomination[66].
* La désignation des gardiens fondée sur le sexe. L’Europe se caractérise par le nombre de cours présidées par une femme (huit cours, celles de la Norvège, la Suisse, la Pologne, la Serbie, la Moldavie, la Macédoine, la Lituanie et l’Albanie), mais leur composition est rarement paritaire. Quatre cours l’ont atteinte et même dépassé en faveur des femmes (l’Allemagne, la Serbie, la Lituanie et l’Albanie, 3 d’entre ces cours sont aussi présidées par une femme), huit en sont proches sans l’avoir atteinte (les cours de Macédoine, Suisse, Norvège, Irlande, Finlande, Roumanie, Luxembourg et Lettonie depuis le 1er septembre 2022 en comptant 3 femmes sur 7 juges à la Cour constitutionnelle), quatre cours comptent un tiers de femmes (celles de Belgique, France, Géorgie et Portugal) et toutes les autres sont en-dessous de ces chiffres, une seule cour néanmoins ne comptant aucune femme (la cour constitutionnelle de Turquie), ce qui grosso modo aboutit à deux groupes de cours relativement équivalents : un premier groupe est formé des cours où il y a au moins un tiers de femmes et un second groupe rassemble celles où il n’y a pas au moins un tiers de femmes (on y trouve principalement des pays d’Europe centrale et orientale mais aussi notablement l’Italie, l’Espagne, la Suède, l’Autriche ou le Danemark). Quoi qu’il en soit, aucun de ces pays, à l’exception de la Belgique[67], n’a de dispositions spécifiques concernant la représentation des femmes dans les cours constitutionnelles ou suprêmes. De ce fait, en dépit de ce bilan un peu contrasté, les chiffres relevés par la Commission de Venise en 1997 dans différents pays d’Europe paraissent très bas vingt-cinq ans plus tard, alors qu’ils étaient positivement accueillis : « bien qu’aucune règle légale n’impose un quota de femmes, une représentation de fait des femmes à la cour a été relevée par exemple dans le cas de l’Italie (une femme sur quinze juges), de la Belgique (une femme sur douze juges), de l’Autriche (deux femmes sur les quatorze membres effectifs, une femme sur les six membres suppléants), de la France, de l’Arménie et de la Lituanie (une femme sur neuf juges dans chacun de ces pays) »[68].
La progression récente de la part des femmes dans une cour constitutionnelle est repérable dans un pays comme l’Allemagne qui compte aujourd’hui neuf femmes sur seize juges dans le tribunal fédéral (quatre dans le premier sénat, cinq dans le deuxième), alors même que, sur les cent-onze juges qui y ont siégé depuis 1951, quatre-vingt-onze étaient des hommes et vingt des femmes. Elle avait pourtant compté sa première femme dans le premier Sénat, Erna Scheffler, dès 1951, tandis que le second Sénat n’a compté sa première femme qu’en 1986, Karin Grasshof. C’est dans le milieu des années 1990 qu’un « cap » a été passé dans les deux sénats, lorsque les femmes qui le constituent représentent alors un quart des juges pour atteindre ensuite 50 % ou 60 % aujourd’hui. D’ailleurs, le non remplacement d’Evelyn Haas en 2006 par une femme – elle fut remplacé par Wilhelm Schluckebier – provoqua aussitôt un petit débat sur la question de la représentation des femmes à la Cour constitutionnelle[69]. Le Conseil constitutionnel français quant à lui n’a compté sa première femme qu’en 1992 avec Noëlle Lenoir, et elles sont actuellement trois sur neuf membres (sans compter les potentiels deux hommes anciens présidents de la République).
La représentation des femmes en Europe reste toutefois encore assez peu discutée dans les milieux académiques, contrastant par exemple avec l’Amérique du Nord où on compte des études et analyses substantielles à ce sujet[70]. Sans que l’on puisse dire vers quel type de représentation on se dirige, paritaire ou non, la pratique y est aussi en notable évolution. Récemment, en avril 2022, le président américain Joe Biden a nommé une femme à la Cour Suprême des Etats-Unis, Ketanji Brown Jackson. La nomination « à vie » des juges suprêmes ralentit forcément les effets d’un changement de pratique, mais le rend encore plus notable, voire plus durable, puisqu’aujourd’hui la Cour suprême américaine compte quatre femmes sur ses neuf membres[71]. Ketanji Brown Jackson n’est que la sixième femme à y siéger depuis sa création à la fin du XVIIIè siècle, mais, depuis la nomination de Sandra Day O’Connor en 1981, le mouvement a été continu. C’est d’ailleurs à peu près le même mouvement que l’on peut repérer au sein de la cour suprême du Canada, dans un contexte différent toutefois, celui de l’autochtonie : Bertha Wilson a été la première femme à y être nommée, en 1982, et, à la fin de l’année 2022, avec la confirmation de Michelle O’Bonsawin en remplacement du juge Michael Moldaver, la Cour comprendra quatre femmes sur les neuf membres. Et, à la différence de la Cour suprême des Etats-Unis, elle a déjà été présidée par une femme, pendant près de dix-huit ans[72].
Le continent asiatique peut peut-être se caractériser par le fait qu’aucune cour n’est présidée par une femme et que, en plus de compter une cour où ne siège aucune femme (la Cour constitutionnelle de Thaïlande), aucune n’atteint la parité, même de peu, la Cour constitutionnelle de la Corée du Sud faisant la course en tête avec trois femmes sur ses neuf membres. La première femme à siéger à la Cour suprême d’Inde, Fatima Beevi, y a été nommée en 1986, et sept autres y ont été nommées depuis. Mais, composée de trente-et-un membres, elle ne compte aujourd’hui que quatre femmes[73].
La diversité inhérente au continent africain se retrouve dans cette question aussi : on y trouve trois cours présidées par une femme (la Cour constitutionnelle du Gabon depuis 1991 et les cours suprêmes de l’Ethiopie depuis 2018 et du Kénya depuis 2021), une cour qui n’en compte aucune (la cour constitutionnelle du Togo), une cour qui a dépassé la parité (la Cour suprême de l’Angola), deux cours qui l’atteignent presque (les cours constitutionnelles du Gabon et de la Cote d’Ivoire), et les autres qui se situent à des niveaux faibles de représentation. Deux pays ont spécifiquement inscrit la question du genre dans la composition de leur cour : la Guinée Conakry dans une loi organique de 2020[74], avant toutefois que la Cour constitutionnelle ne soit dissoute en septembre 2021, et l’Afrique du sud, dont l’article 174 de la Constitution indique que « la nécessité pour le système judiciaire[75] de refléter largement la composition raciale et de genre de l’Afrique du Sud doit être prise en compte lors de la nomination des magistrats ». Sur les dix juges actuels siégeant à la cour constitutionnelle, trois sont des femmes, illustrant la difficulté à tenir compte de cette obligation dans la pratique.
Enfin, l’Amérique du Sud est la seule zone du monde où on ne trouve pas de cour constitutionnelle ou suprême qui ne comprenne aucune femme. Deux cours sont présidées actuellement par une femme (la Cour constitutionnelle de Colombie et la Cour constitutionnelle du Suriname), une cour a dépassé la parité en faveur des femmes, celle de l’Equateur dont la constitution dit que « dans la composition de la Cour, la parité entre hommes et femmes est recherchée » (la cour constitutionnelle comprend actuellement cinq femmes sur neuf membres). Deux cours sont proches de la parité (la Cour constitutionnelle de Colombie qui comprend quatre juges femmes sur neuf membres, et la Cour constitutionnelle du Chili qui comprend quatre juges femmes sur dix membres). Les autres cours, suprêmes le plus souvent, restent en général en-dessous du quart de leurs membres en faveur des femmes.
Si la parité n’est que rarement un état de fait dans les cours constitutionnelles et suprêmes – rendue de fait impossible lorsqu’il existe un nombre impair de juges – certaines cours en ont pris le chemin, notablement dans les pays occidentaux où les autorités de nomination paraissent désormais faire de la diversité de sexe au sein des cours un critère de leur choix ; mais, comme on vient de le voir, il existe encore de fortes disparités, entre les continents et sur les continents.
* La désignation des gardiens fondée sur le critère de la langue, de la province d’appartenance ou d’origine, de l’ethnie ou de la religion. Dans les pays fédéraux, multiculturels ou plurinationaux, ce critère peut être légal ou relever d’une obligation morale. Si, en 1997, la Commission de Venise constatait que « la représentation de groupes minoritaires sur les bancs de la cour ne semble pas être un objectif courant »[76], et notait que « les différences linguistiques constituent la principale exception à cette tendance », en pointant la Suisse, le Canada et la Belgique, la réalité est aujourd’hui plus diverse.
Dans le cas de la Suisse, l’article 70 de la Constitution indique la Confédération et les Cantons doivent encourager le dialogue entre les différentes communautés linguistiques. Actuellement, le Tribunal fédéral est composé de trois juges italophones, douze juges francophones et vingt-trois juges germanophones, tandis que le romanche n’est plus représenté[77]. En outre, il est précisé sur le site internet du tribunal que l’élection des juges « intervient en fonction de critères linguistiques, régionaux ainsi que de spécialisation et tient compte de la proportion de représentation des grands partis politiques », et que, actuellement, les juges sont « 16 femmes et 22 hommes », incluant visiblement le critère du sexe dans la sélection des juges[78]. Comparable est le cas de la Belgique où l’article trente-et-un de la loi organique sur la Cour constitutionnelle dispose que sur les douze juges que comprend la Cour, six sont d’expression française et « forment le groupe linguistique français de la Cour » et six sont d’expression néerlandaise qui « forment le groupe linguistique néerlandais de la Cour »[79]. Il est aussi précisé que « la Cour se compose de juges de sexe différent » et qu’« elle compte au moins un tiers de juges de chaque sexe ».
La question de la langue peut donc jouer dans les pays qui ont plusieurs langues officielles administratives, à l’instar du Canada (l’anglais et le français) et de la Finlande (le finnois et le suédois). Dans le premier, les juges de la Cour suprême doivent être bilingues, tandis qu’en Finlande il n’y a pas d’obligation, seulement que le suédois soit minimalement représenté à la Cour suprême.
Si l’Autriche connaît un dispositif plutôt original et qui pourrait même sembler anecdotique, en disant que sur les quatorze membres et six suppléants que compte la Cour constitutionnelle, « trois des membres titulaires et deux des suppléants doivent avoir leur domicile permanent en dehors de la capitale fédérale, Vienne », la diversité « provinciale » peut jouer dans des pays fédéraux dont la fragmentation n’est pas très élevée. S’il paraît impossible de faire que les cinquante Etats américains soient représentés à la Cour suprême des Etats-Unis qui ne compte que neuf juges[80], cela est plus probable dans un pays comme le Canada qui compte dix provinces inégalement denses du point de la population, pour neuf juges à la Cour Suprême. Ainsi, par convention, six postes sont répartis de la façon suivante : trois pour l’Ontario, deux pour les provinces occidentales (Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique) et un pour les provinces atlantiques (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador). En dépit de ce que la représentation des différents Etats de l’Inde – il y en a vingt-huit – n’ait pas été prévue dans la composition de la Cour suprême, celle-ci semble néanmoins compter de manière informelle : par exemple, lorsqu’un juge d’un État prend sa retraite, il est souvent remplacé par un juge du même État[81].Enfin, on peut citer le cas récent de la Bolivie dont la composition du Tribunal constitutionnel dit « plurinational » doit précisément refléter la plurinationalité de la société bolivienne inscrite dans la Constitution, qui consiste à reconnaître l’existence de différentes populations indigènes à l’identité propre, faisant que la désignation des juges par les électeurs se répartit entre différentes circonscriptions territoriales.
Il existe aussi quelques cas particuliers de juges « étrangers », tenant à la spécificité du pays ou de son histoire, à l’instar de Monaco, Andorre ou du Lichtenstein, dont les cours constitutionnelles comptent des membres issus de pays limitrophes, et de la Bosnie-Herzégovine dont les trois juges désignés par le Président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne doivent au contraire pas être citoyens de la Bosnie-Herzégovine ou d’un pays voisin, tandis que la désignation des six autres juges est adossée au respect des particularités ethno-territoriales de la Bosnie-Herzégovine[82].
Une question qui a également suscité beaucoup de commentaires et de controverses ces dernières années est celle de l’appartenance des juges constitutionnels à des minorités dites « visibles » ou indigènes et autochtones. Elle a été très présente au Canada ces dernières années par exemple,[83] et a conduit en 2021 à la nomination d’un juge « non blanc », Mahmud Jamal, qui plus est de religion musulmane, et, en 2022, à la nomination d’une autochtone, Michelle O’Bonsawin, à la Cour suprême[84]. La question est également présente en Amérique du Sud, dont la plupart des pays ont inscrit dans leur constitution le caractère pluriculturel et multiethnique de l’Etat, cette structure devant parfois se refléter dans la composition même des principaux organes politiques de l’Etat[85]. Aux Etats-Unis, la nécessité de la diversité est encore très controversée : le premier juge noir a été nommé en 1967, Thurgood Marshall, confirmé par le Sénat par 60 voix contre 11, et il a été remplacé en 1991 par un autre Afro-Américain, Clarence Thomas, indiquant qu’il s’agissait peut-être désormais d’un siège « noir ». Mais, la nomination de Ketanji Brown Jackson en avril 2022, femme et noire, pour remplacer le juge Stephen Breyer en juillet, a donné lieu à de fortes remises en cause de la nécessité de concevoir la diversité des juges de la Cour suprême à partir de critères raciaux et genrés. Après des débats difficiles, elle a été confirmée par 53 voix, ce qui reste un score assez faible[86]. On doit de ce dernier point de vue remarquer que sur les six femmes jusqu’à présent nommées à la Cour suprême des Etats-Unis, deux ont aussi endossé la représentation d’une minorité ethnique, latino concernant Sonia Sotomayor en 2009, d’origine portoricaine (cette minorité était alors représentée pour la première fois à la Cour suprême des Etats-Unis), et noire concernant Ketanji Brown Jackson en 2022.
Reste maintenant la question de la diversité religieuse pour laquelle il ne semble exister nulle part de véritables règles : les pratiques sont très diverses en la matière et ne peuvent donner lieu à aucune espèce de conclusion générale. La question est quasi absente des Etats culturellement construits autour d’une seule religion, que l’on retrouve principalement en Orient, et qui n’ont pas connu de processus tendant à l’inclusion des minorités dans le système institutionnel. De ce fait, les juges y sont en général de la religion officielle. Dans un Etat laïc comme Israël, la question est en revanche plus sensible, et la nomination d’un juge musulman à la Cour suprême en 2021, Khaled Kabub, a été un petit événement politique[87], tout comme la première nomination par le président Abdel Fattah Al Sisi d’un juge chrétien à la Haute Cour constitutionnelle d’Egypte en février 2022, Boulos Fahmy, en a été un autre[88]. En Europe, le critère de la religion, pas plus que celui de l’appartenance à une minorité visible d’ailleurs, ne fait à ce jour partie des critères à prendre éventuellement en compte dans la désignation des gardiens de la Constitution. Il n’est jamais soulevé en France par exemple, où la possibilité d’un fléchage des sièges en fonction de la religion semblerait complètement contraire au principe de la laïcité revendiqué par l’Etat français, à l’instar aussi de ce qui se passe en l’Italie. Aux Etats-Unis, des pratiques ont pu être identifiées concernant des sièges réservés à la communauté juive et à la communauté catholique à une certaine époque, mais il semble que cela soit désormais révolu[89]. Récemment, en décembre 2021, la nomination difficile d’un pasteur presbytérien, André Mendonça, à la Cour suprême du Brésil, a mis en lumière les jeux d’influence des communautés religieuses au sein du pouvoir politique dont la Cour n’apparaît donc plus exempte[90]. Mais dans ce cas, la nomination traduit moins une volonté de diversifier la composition de la Cour qu’une franche ambition d’infléchir les décisions dans un sens tout à fait déterminé, exactement comme s’agissant de la nomination de plusieurs juges très conservateurs à la Cour suprême des Etats-Unis par Donald Trump.
La question de la religion des juges est à la fois une question importante et un non-dit de la Cour suprême d’Inde, grand pays fédéral, multilinguistique et pluriconfessionnel. On peut s’étonner qu’il n’existe aucune règle de droit concernant la prise en compte de cette diversité dans la nomination des juges à la Cour suprême et dans les hautes cours de justice des différents Etats de l’Inde. A cet égard, il y a « une absence totale de documentation faisant autorité ou même d’informations statistiques sur la religion et la caste de tous les juges nommés à la magistrature supérieure. Aucun registre officiel n’est tenu sur quelque motif que ce soit, si ce n’est la liste des noms des juges nommés »[91]. Toutefois, on peut compter quelques études de doctrine sur le sujet[92] qui montrent, à propos de la religion, des variations dans le temps : si, en 1980, 4,3 % des trois-cent-cinquante et un juges composant les hautes cours et la Cour suprême étaient musulmans, ce pourcentage s’est élevé à 6,8 en 1988 pour revenir à 4,5 en 2021[93]. La Cour suprême ne compte qu’un seul juge musulman sur les trente-trois juges en exercice, « ce qui représente un pourcentage alarmant de 3 % » dans la mesure où les musulmans représentent 14 à 15% de la population totale de l’Inde rappelle Varalika Dev. En revanche, le critère de la caste, alors même que celles-ci ont été officiellement abolies par la Constitution de 1946, semble avoir joué un grand rôle dans les nominations judiciaires, ainsi que l’a en quelque sorte avoué un ancien juge à la Cour suprême et à la Haute Cour de Bombay dans un livre qu’il a fait paraître en 2005[94], confirmé en cela par plusieurs autres témoignages. Par exemple, un nombre significatif de juges à la Cour Suprême étaient des brahmanes ou membres des castes supérieures[95], tandis qu’un siège seulement avait été réservé pour une caste inférieure[96].
Dans un autre pays multiconfessionnel comme le Liban, les nominations au Conseil constitutionnel sont en revanche très explicitement liées à la question communautaire et religieuse, comme pour presque toutes les autres institutions politiques du pays : il existe ainsi une répartition confessionnelle des juges de telle sorte que l’organe comprend cinq chrétiens (deux maronites, deux Grecs orthodoxes, un Grec catholique) et cinq musulmans (deux chiites, deux sunnites, un Druze)[97].
L’énumération des particularismes à prendre ou à ne pas prendre en compte dans les différents pays en fonction de leur histoire, de leur structure et/ou de l’évolution de la mentalité sociale, peut mettre en lumière la difficulté à constituer une cour dont la diversité paraît sociétalement « juste » à un moment donné, et occasionner une sorte de « concurrence de quotas »[98]. La question s’est par exemple posée au Canada où on a pu considérer que l’exigence de bilinguisme entravait la nomination d’un juge autochtone ou issu d’une minorité raciale, un argument qui n’aurait plus lieu d’être aujourd’hui dans la mesure où, affirment les professeurs Stéphanie Chouinard et François Larocque, « il n’y a plus de pénurie de juristes bilingues qualifiés au Canada »[99]. De son côté Guillaume Tusseau estime problématiques les effets d’une forme d’obligation à la diversité, citant l’exemple de l’Afrique du sud où à l’occasion de la première vacance de la Cour constitutionnelle en 1999 il a fallu « choisir » entre un juge blanc, homosexuel et séropositif et un juge noir (ce dernier fut choisi) et où plus tard, en 2001, le débat portait sur l’opportunité de nommer une lesbienne ou un aveugle[100].
A la question générale faut-il ou ne faut-il pas organiser les juridictions constitutionnelles ou suprêmes à partir de critères de diversité sexuelle, de genre, de religion, d’ethnie, de langue ?, une réponse positive ou intuitive de principe pouvait sembler s’imposer ; mais elle n’est pas du tout consensuelle : selon les pays, tous ces critères sont discutés, ou, au contraire, ne sont pas du tout évoqués.
2.2.2 La permanence des critères de nomination limitant la diversité recherchée
Le choix du « bon » critère relève de la manière dont une société comprend à un moment donné l’idée de diversité[101]. Il apparaîtrait d’autant plus délicat à déterminer que le vivier de personnes nominables serait au contraire très homogène, de telle sorte qu’il réduirait les différences entre les juges et entre ceux des différents pays et continents. Or, la plupart des pays posent, dans leur constitution ou dans les lois qui les mettent en œuvre, des conditions pouvant effectivement nuire à la diversité recherchée des juges et des cours.
Tel n’est peut-être pas le cas de l’âge, fréquemment visé par la Constitution ou la loi organisant la justice constitutionnelle. Il est très délicat de tirer des conclusions générales quant à l’homogénéité des juges impliquée par leur appartenance, ou plutôt leur non appartenance aux classes d’âge les plus jeunes. L’idée qui préside à la fixation d’un âge minimum qui les distinguerait des personnalités plus jeunes (et avec moins d’expérience), est loin d’avoir été établie par les faits, mais, pour les constituants ou le législateur, l’âge minimum est sans aucun doute considéré comme synonyme d’une expérience préalable et d’un esprit à la fois plus sage et plus aiguisé. Considérant une réforme turque, la Commission de Venise constate la fréquence de cette règle, mais aussi que l’âge fixé à cinquante ans, le plus élevé d’Europe, paraît néanmoins « excessif »[102]. Cet âge est désormais fixé à quarante-cinq ans en Turquie. L’âge minimum le plus souvent prescrit est de quarante ans (par exemple en Ukraine, en République Tchèque, en Slovaquie, en Serbie, en Mongolie, en Afghanistan, en Belgique, en Lettonie, ou encore en Allemagne). Il peut être plus bas, fixé à trente ans (par exemple en Argentine) ou trente-cinq ans (par exemple au Paraguay, en Géorgie, en Islande ou au Brésil). Il peut être plus élevé en étant fixé à quarante-cinq ans (par exemple en Turquie, au Pérou, en Côte d’ivoire ou en Guinée) ou cinquante ans (par exemple en Algérie). Le plus souvent l’indication de l’âge est explicite, que ce soit dans le texte de la Constitution ou de la loi qui règle l’organisation des cours, mais, parfois, il dérive de ce que la condition pour être désigné dans une cour constitutionnelle ou suprême est d’être éligible à un organe politique, souvent la seconde chambre (par exemple en Argentine[103] ou en République tchèque). Si la condition de l’âge fait néanmoins souvent défaut, elle se retrouve évidemment dans la condition de la citoyenneté (par exemple en Ukraine, en République tchèque, en Suède, en Slovaquie, en Géorgie, au Brésil, en Afrique du Sud, ou en Lettonie[104]) et le fait de disposer du droit de vote (par exemple en Suisse, en Afhanistan, en Bosnie, en Slovaquie, en République tchèque ou en Allemagne), mais surtout aussi dans le fait, on va le voir un peu plus loin, d’exiger des gardiens qu’ils aient une éducation supérieure minimum ou qu’ils exercent une profession à laquelle on ne peut accéder qu’après plusieurs années d’études supérieures, ce qui situe le vivier des nominables au-delà de la simple majorité électorale dans la plupart des cas (fixée entre seize et vingt-cinq ans selon les pays). Tous les pays ne fixent pas de conditions d’âge (ou d’expérience impliquant également un âge minimum), mais la pratique montre qu’en deçà de quarante ans, il y a peu de chances d’être désigné comme gardien de la Constitution dans une cour constitutionnelle ou suprême. Certains pays ont aussi « rétropédalé » en renforçant les exigences prévues dans la Constitution : la Géorgie par exemple avait inscrit dans sa constitution de 1995 la nécessité pour un membre de la Cour constitutionnelle d’avoir trente ans et de disposer d’une formation juridique supérieure, et a finalement porté l’âge à trente-cinq ans, exigé une expérience professionnelle minimale de dix ans et une « qualification professionnelle reconnue »[105].
Si les effets de l’âge ne sont pas avérés, il est possible en revanche qu’une formation comparable et l’appartenance à une même profession favorise une manière commune de penser. Un tour du monde montre que ce sont bien des juristes, le plus souvent expérimentés, qui composent les cours constitutionnelles et suprêmes du monde. Or, très souvent, les membres des cours constitutionnelles et des cours suprêmes ont été formés dans les mêmes grandes universités et/ou grandes écoles, ils ont exercé des activités ou des professions qui les faisaient se côtoyer et fréquenter des personnes disposant de profils comparables. Les juristes constituent un monde plus ou moins accessible selon les pays, et appartiennent plus ou moins franchement à l’élite politique et économique d’un pays, faisant que leur « séparation » d’avec les autres professions et milieux professionnels, notamment du point de vue du raisonnement et de l’argumentation, apparaît partout assez franche. Pour beaucoup des observateurs en effet, ils constituent un « monde à part », susceptible de contrarier l’objectif de diversité recherchée dans la composition des cours constitutionnelles ou suprêmes[106]. L’homogénéité de la méthode et du raisonnement sont notamment visés – ils prennent connaissance du monde et de ses nécessités par les mêmes canaux intellectuels[107]-, qui, de plus, réduiraient la capacité du groupe de décision à assumer ses responsabilités[108]. La commission de Venise considère ainsi qu’« un excès de spécialisation juridique pourrait porter atteinte à la diversité dans la composition de certaines juridictions constitutionnelles »[109]. Le phénomène d’alignement de la pensée et des solutions est également accentué par les échanges et le partage des pratiques judiciaires au niveau mondial, faisant que les solutions s’échangent autant que les modalités de raisonnement.
Mais ces constats ne sont pas partagés par l’ensemble des observateurs et les autorités de nomination. Dans presque chaque pays, la Constitution ou une loi détermine que les membres des juridictions constitutionnelles ou suprêmes doivent disposer de qualifications en droit, soit et /ou par leur formation, leur profession et leur expérience. La précision de ces exigences par les différents pays est toutefois variable. Si le Danemark oblige les candidats à passer un test consistant à délivrer un jugement dans plusieurs cas soumis à la Cour, un premier groupe de pays ne pose que des conditions de formation en droit, ou « en politique et en droit » comme en Mongolie, sans les associer à l’appartenance à une profession juridique déterminée. Il faut avoir une formation supérieure et une expérience professionnelle dans le domaine du droit en Ukraine, être choisi « parmi les personnes se distinguant par leur connaissance du droit » en Pologne, avoir reçu une « formation juridique supérieure » en Géorgie, une « haute formation dans le domaine juridique » et une « compétence judiciaire, doctrinale ou administrative » au Maroc, être choisi parmi « les personnalités reconnues pour leur compétence et leur expertise avérée en matière juridique ou administrative » en Côte d’Ivoire ou parmi les « spécialistes hautement qualifiés dans le domaine du droit, et qui ont un diplôme universitaire » en Biélorussie, ou encore disposer d’un « savoir juridique remarquable » au Brésil. L’Allemagne est un peu plus précise lorsqu’elle spécifie qu’un candidat au Tribunal constitutionnel – qui ne fait pas partie des juges dans une cour suprême fédérale – doit « satisfaire aux conditions d’accès à la magistrature du siège ou du parquet » ou « avoir la qualité de juriste diplômé et être habilités à exercer une profession juridique ».
Un autre groupe de pays estiment que les juges de la cour constitutionnelle ou suprême doivent spécifiquement appartenir à des professions dans le domaine du droit et le plus souvent avoir une expérience de ces professions, sans faire mention de la formation reçue, qui paraît néanmoins nécessaire pour accéder à ces professions. Là encore cette condition est posée de manière plus ou moins précise : les juges sont ainsi choisis parmi les « professionnels du droit » en Slovénie, parmi les « juristes éminents » en Bosnie et en Macédoine ou avoir « 15 ans de stage dans la profession juridique » en Bulgarie. La Croatie spécifie les professions possibles sans fermer la porte à d’autres puisque les juges de la Cour constitutionnelle sont choisis « parmi les juristes éminents, notamment les juges, les procureurs, les avocats et les professeurs des universités en droit ». Les trois professions de juge, d’avocat et de professeur de droit à l’Université sont effectivement visées dans beaucoup d’autres pays, soit l’une d’entre elle seulement (avocat en Argentine et juge au Luxembourg ou en Allemagne s’agissant de trois sièges sur huiy dans chaque sénat), soit d’eux d’entre elles (juge et avocat à Malte et au Chili), soit toutes (en Italie, en Turquie, au Vénézuéla, au Pérou, au Danemark, en Espagne, au Sénégal et en Irlande, ces deux derniers pays ouvrant encore à d’autres professions). Certains pays enfin indiquent l’appartenance à une profession déterminée pour une portion des membres de la cour constitutionnelle ou suprême : le Burundi précise que sur les « juristes reconnus pour leur intégrité morale, leur impartialité et leur indépendance », quatre au moins sont des magistrats de carrière ; le Portugal prévoit que six juges désignés par l’Assemblée de la République ou cooptés, sont obligatoirement choisis parmi les juges des tribunaux tandis que les autres le sont « parmi les juristes ».
Ce qui est considéré comme une expérience suffisante est également différent selon les pays : de trois ans pour l’Islande ou l’Allemagne, à vint ans pour l’Italie, le Sénégal, l’Algérie ou encore la Turquie (à l’exception des professeurs de droit pour lesquels aucune condition d’âge n’est fixée) et la Guinée (pour ceux des juristes qui composeront la Cour), en passant par cinq ans pour la Belgique ou l’Inde (pour ceux qui sont choisis parmi les juges). La palette est donc large, et un certain nombre de pays fixent cette expérience à dix (par exemple en République tchèque, Ukraine, Lituanie, Géorgie, Autriche, Paraguay, Lettonie, au Pérou s’agissant des magistrats), douze (par exemple à Malte ou en Irlande[110]) ou quinze ans (par exemple au Maroc, en Slovaquie, en Serbie, en Moldavie, en Espagne, en Bulgarie, en Albanie, au Vénézuéla, au Chili, au Bénin, au Mali pour les juristes exclusivement, au Pérou pour les avocats et professeurs d’Université), l’Argentine, la Bolivie et le Rwanda préférant une expérience de huit années[111] et la Roumanie de dix-huit années.
Un autre groupe de pays, enfin, posent comme condition le cumul d’une formation en droit et l’exercice et l’expérience dans une profession juridique déterminée. Avec des formulations approchantes dans un groupe formé par des pays de l’Est, il faut ainsi avoir « une formation supérieure en droit » et avoir exercé une profession juridique pendant un certain temps, en Lituanie, en République tchèque, en Slovaquie, en Serbie, en Moldavie, en Albanie ou en Roumanie, ce qui laisse l’appréciation des autorités de nomination assez ouverte. D’autres pays spécifient un peu plus la formation ou les professions concernées, à l’instar du Rwanda qui exige au moins un diplôme de licence en droit et une expérience professionnelle de huit ans au moins dans une profession juridique (mais cinq ans pour les docteurs en droit). L’Afghanistan précise qu’il faut être « diplômé de l’enseignement supérieur en droit ou en jurisprudence islamique et être expert et posséder une expérience convenable dans le système judiciaire de l’Afghanistan ». Au Paraguay il faut être docteur en droit et avoir exercé « au moins dix ans, la profession, la magistrature judiciaire ou occuper une chaire universitaire en matière juridique, conjointement, séparément ou successivement » et, en Autriche, il faut avoir terminé ses études de droit et sciences politiques et une partie des gardiens sont désignés « parmi les juges, les fonctionnaires de l’administration et les professeurs d’université enseignant une discipline juridique ». La Lettonie, à l’inverse, définit un niveau minimum en excluant le diplôme de 1er degré de l’enseignement supérieur comme étant suffisant.
Deux pays enfin spécifient les qualifications ou compétences que doivent avoir les personnalités nommées à la Cour constitutionnelle ou suprême : ainsi de la Bolivie dont la constitution demande qu’elles aient une spécialisation « dans le domaine du droit constitutionnel, du droit administratif ou des droits de l’homme ». L’Algérie n’envisage pas de profession ou de niveau de formation spécifique mais une expérience minimale de vingt ans en droit et surtout d’avoir « suivi une formation en droit constitutionnel » sans préciser toutefois à quel niveau et pour quelle durée. Ces deux cas illustrent que si la justice constitutionnelle est conçue dans le monde entier comme impliquant le maniement du droit, globalement envisagé comme une discipline empreinte d’unité et de cohérence, des connaissances plus spécifiques ou approfondies sur la Constitution ou les droits fondamentaux ne sont en revanche pas considérées comme indispensables.
Devant une telle unanimité sur les nécessaires qualifications et expériences des gardiens de la Constitution, on peut se demander comment penser les exceptions à l’exigence de qualifications des juges constitutionnels. En effet, la France, la Suisse et les Etats-Unis ne posent aucune condition quant aux qualités que doivent avoir les gardiens de la Constitution, faisant que leur profil dépend de la pratique des autorités de nomination. Ce pourrait être l’occasion de penser la diversité au sein des cours constitutionnelles ou suprêmes à partir de critères professionnels et/ou de formations. Mais cette opportunité tourne court, car il n’y a pas plus de diversité dans ces cours : le tribunal Fédéral suisse n’est de fait composé que de juristes, et si, dans le passé, ont pu être nommées à la Cour suprême américaine des personnalités purement politiques sans compétences juridiques spécifiques[112], ce n’est plus le cas depuis longtemps puisque, depuis le président Dwight Eisenhower, seuls des juges sont nommés à la Cour suprême (c’est la judges-only approach[113]). En France ce serait presque tout l’inverse : les membres du Conseil constitutionnel ayant de hautes qualifications en droit sont rares et tous se marquent par une expérience politique précédant leur nomination. Il n’y a donc pas plus de diversité que si des juristes confirmés le composaient et, en plus, cette composition présente le fort désavantage de lier l’instance de contrôle au pouvoir qu’il s’agit précisément de contrôler.
On peut en revanche s’intéresser au cas des quelques pays qui organisent une certaine mixité dans les parcours des membres de leur cour constitutionnelle ou suprême : certains pays en effet n’exigent de formation, de compétence ou d’expérience juridique que pour une partie de leurs membres, à l’instar de la Belgique[114], et de plusieurs pays du continent africain comme le Bénin[115], la Guinée[116] ou le Mali. Ce dernier propose une configuration intéressante puisque parmi les trois membres que nomment chacun le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale, « au moins deux » doivent être des juristes, laissant le choix à ces autorités de nommer chacun, ou deux, ou trois juristes. Le Togo quant à lui détermine un rapport inverse entre les juristes et les non juristes puisque parmi les trois personnalités nommées à la Cour constitutionnelle par le Président de la République, les trois nommées par l’Assemblée nationale et les trois nommées par le Sénat, il y en a chaque fois au moins un qui doit l’être « en raison de ses compétences juridiques ». Un pays enfin, le Cambodge, ne limite pas les compétences requises au droit, en les ouvrant à l’administration, la diplomatie ou l’économie.
Les voix sont peu nombreuses pour plaider en faveur de la diversité méthodologique, professionnelle et intellectuelle des gardiens de la Constitution. En France, cette rhétorique sert surtout à justifier le fait que ne soient pas nommés au Conseil constitutionnel des juristes très qualifiés et confirmés, mais des personnalités ayant essentiellement un profil politique. Il n’y a en France aucune réflexion sérieuse à propos de la diversité des profils des gardiens de la Constitution et de comment la concevoir en regard de la mission de justice constitutionnelle. En revanche, les auteurs américains précités considèrent que la diversité dans les parcours des juges améliorera la diversité de genre, de race et d’ethnie, car envisagés seuls, ces critères n’y suffiraient pas. Il faudrait, pour qu’ils aient un impact positif sur la justice constitutionnelle, les accommoder avec des critères de diversité professionnelle[117]. Selon eux, il faudrait être attentif au parcours professionnel des personnalités nominables, « car l’augmentation de la diversité sur cette dimension peut entraîner des augmentations de la diversité sur d’autres dimensions critiques »[118]. Il ne suffirait donc pas de créer des mécanismes visant à inciter les groupes sous-représentés dans la justice à embrasser des carrières juridiques, ainsi qu’un raisonnement intuitif le laisse penser[119]. Il faudrait au contraire inciter à recruter les gardiens de la Constitution en dehors des professions juridiques. Rosemary Hunter, dans son étude sur les effets de la diversité sur la manière de juger, indique que, de la plupart des études quantitatives menées aux Etats-Unis, il ne ressort pas de différence significative de jugement en fonction du sexe, sauf lorsqu’un autre critère a été pris en compte, comme l’affinité politique[120]. La différence fondée sur le sexe est supplantée par « un ensemble de normes et de traditions profondément acculturées en matière de prise de décision judiciaire, auxquelles tous les juges ont tendance à adhérer. Ces normes comprennent le respect de la séparation des pouvoirs et un rôle judiciaire limité, l’adhésion aux précédents, l’incrémentalisme et le maintien des ‘principes fondamentaux’ de la common law »[121].
2. 2. 3. Les ambiguïtés de la diversité recherchée
Envisagés un par un, aucun des critères possibles de recrutement n’est susceptible de garantir seul une meilleure justice constitutionnelle et une justice plus diverse : ils doivent à la fois être considérés en lien avec les autres et en lien avec d’autres facteurs influençant l’administration de la justice constitutionnelle. L’impact réel de telle ou telle nomination ne peut s’évaluer au cas par cas, et doit toujours être ou rapportée au collectif constitué par la cour constitutionnelle ou suprême ; et les effets réels, souhaités ou souhaitables, des conditions de recrutement des juges tenant à qui ils sont, encore à interroger. Pour la Commission de Venise, « la composition d’une cour constitutionnelle pourrait et devrait faire ressortir, entre autres, les aspects linguistiques, géographiques ou ethniques de la composition de la société »[122]. Les débats, autant que l’absence de débats, autour de qui peut et/ou doit pouvoir être nommé comme gardien de la Constitution, manifestent néanmoins que la théorie politique, le monde politique et la société civile impliquée dans l’organisation sociale, sont encore à la fois tâtonnants et désunis. S’associant à la communauté portoricaine, Sonia Sotomayor, alors qu’elle était encore juge à la Cour d’appel des États-Unis pour le deuxième circuit et pas encore membre de la Cour suprême américaine, déclara que « notre genre et nos origines nationales peuvent faire une différence et feront une différence dans notre manière de juger »[123]. Mais cette réalité reste difficile à établir. Plusieurs études tendent à montrer et à vouloir montrer que les critères de diversité n’influent pas sur la fabrication des décisions de justice[124], même si l’on doit par ailleurs considérer que beaucoup de facteurs personnels sont susceptibles d’influer sur la manière de juger[125]. Lorsque des recherches sont menées, c’est la plupart du temps en fonction des spécificités nationales. Ainsi, confronté aux questions de distribution des pouvoirs entre les différentes communautés espagnoles et la compétence du tribunal constitutionnel pour les trancher, notamment concernant la Catalogne, Jorge Bercholc interroge l’effet de la représentation des communautés espagnoles au sein de la Cour constitutionnelle et le processus de désignation de ses membres à partir des expériences du Canada et de l’Argentine[126]. Mais, d’une manière générale, la réflexion sur les effets possibles ou recherchés de la diversité au sein des cours constitutionnelles ou suprêmes ne semble pas constituer un sujet d’intérêt public sur lequel mobiliser l’attention du plus grand nombre. Au-delà des recherches ponctuelles, c’est surtout la question du genre qui intéresse. Elle fait l’objet du plus grand nombre d’études, et les conclusions qu’il convient d’en tirer ne s’imposent pas d’évidence.
Est souligné par exemple que « pour pratiquement chaque étude qui a trouvé que les juges féminines se comportent différemment de leurs homologues masculins, il y a une étude qui n’a trouvé aucune différence entre les deux »[127]. Plus encore, Mary Jane Mossman a soutenu que la méthode juridique est une méthode de raisonnement tendant à privilégier le statu quo en étant fermé à la possibilité d’introduire la théorie féministe dans l’administration de la justice[128]. En d’autres termes, les femmes n’auraient été « admises » dans la magistrature qu’à la condition de se conformer à l’éthique (masculine) dominante. Plusieurs études et témoignages vont dans ce sens[129]. Du même coup, Rosemary Hunter pose la question de savoir pourquoi nous voulons introduire de la diversité dans le système judiciaire[130]. Il existerait six arguments en faveur de la féminisation de la justice, dont trois sont d’ordre symbolique : accroitre la légitimité démocratique du pouvoir judiciaire, marquer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans l’accession à une fonction judiciaire, et créer « un cercle vertueux permettant d’améliorer l’équilibre entre les sexes dans le système judiciaire »[131]. Les trois autres arguments touchent à la manière dont la justice est rendue : en premier lieu, les femmes juges seraient susceptibles d’avoir « plus d’empathie pour les femmes plaideuses et témoins, y compris les victimes de crimes » et favoriseraient le fait que les avocates ne soient « pas soumises à des commentaires sexistes ou à d’autres formes de préjugés sexistes de la part de la cour ». En second lieu, elles accompagneraient cette attitude d’une forme d’éducation et de civilisation de leurs collègues masculins dont elles ne permettraient pas « les commentaires sexistes, les stéréotypes et les préjugés sexistes ». Enfin, le sixième argument est que « les femmes juges apporteront une sensibilité sexuée au processus de prise de décision et modifieront donc (au moins parfois) l’issue des affaires »[132]. Mais Rosemary Hunter estime qu’il n’y a pas toujours de lien entre une plus grande diversité (genre, race, ethnie) et les décisions[133]. Cela va dépendre de pas mal de conditions et d’opportunités. Notamment, « il faudra nommer des juges qui ont l’engagement et le courage de faire la différence »[134], ce qui ramène la problématique à la personnalité même du juge, indépendamment des critères objectifs ou subjectifs auxquels il ou elle est censée répondre. L’idée portée par Rosemary Hunter serait qu’il existe une différence entre nommer une femme qui n’est pas féministe et nommer une femme qui est féministe et « que l’opportunité de juger d’une manière substantiellement différente ne se présentera que dans une minorité de cas »[135]. « L’expérience de Neuberger » montre la difficulté à identifier les cas dans lesquels le genre influe sur le sens du jugement. Cette expérience, du nom du président de la Cour suprême du Royaume-Uni, a été menée pour un programme de la radio britannique BBC 4, Law in action. Elle a consisté, à partir d’un échantillon de décisions de la Cour d’Appel du Royaume-Uni rendues pour moitié par des hommes et pour moitié par des femmes, mais anonymisées pour la cause, à déterminer s’il était possible d’identifier le sexe de leur auteur en lisant la décision. Ce sont des étudiants de l’Université de Durham qui ont été les lecteurs, sous la direction de la Professeure Erika Rackley[136]. Le directeur du programme, Richard Knight, conclut qu’il n’était pas possible de faire des « hypothèses simplistes sur la façon dont les juges masculins et féminins décident des affaires »[137], et Erika Rackley estime que « le fait que nous n’ayons pas de méthode fiable pour identifier où et comment les femmes jugent différemment ne signifie pas que ces différences n’existent pas. On pourrait même aller jusqu’à dire que la charge de la preuve incombe à ceux qui nient que le sexe a un impact sur le jugement »[138]. Dans l’esprit de David Neuberger, il semble que le fait qu’on ne puisse tout à fait identifier les cas dans lesquels c’est une femme qui est l’auteur d’un jugement est un bon signe pour leur inclusion dans la magistrature[139].
Dans cet esprit, le recrutement des juges à partir de critères liés au
genre, à l’appartenance ethnique, linguistique, communautaire ou religieuse,
n’est pas censé avoir d’influence sur les jugements qui sont rendus. Plus, pour
la Commission de Venise, il ne le doit pas : « une fois
nommé, chaque juge devient membre de la cour en tant qu’organe collégial et
dispose donc d’un vote égal ; il agit à titre personnel, en toute indépendance,
et non en tant que représentant d’un groupe donné », et elle considère donc
que « l’introduction de
critères ethniques, linguistiques ou autres pour la composition des cours
constitutionnelles n’a strictement aucun rapport avec l’inclusion de ces critères
dans le processus décisionnel »[140]. Car
il est vrai que tous ces questionnements sur l’état et la personnalité des
juges paraissent heurter le principe de l’impartialité des juges et des
formations de jugement, dont la Cour Européenne des Droits de l’Homme a fait un
élément central de sa jurisprudence. Si on veut introduire un
« biais » chez le juge à partir d’un critère de sexe ou
d’appartenance communautaire ou ethnique, cela bouleverse la conception
minimale que l’on se fait de l’impartialité[141]. Comme
l’a souligné Erin Delaney, il faut donc rassurer sur le fait que diversité et
impartialité sont conciliables[142],
faisant que le critère de l’appartenance au milieu du droit reste tout à fait
prégnant dans les raisonnements.
[1] Graham Gee, Robert Hazell, Kate Malleson, & Patrick O’Brien, Ministry of Justice Judicial Appointments Commission: Triennial Review 2014 (Apr. 2014), at 3, quoted by Erin Delaney, “Searching for Constitutional Meaning in Institutional Design: The Debate over Judicial Appointments in the United Kingdom”, International Journal of Constitutional Law, 2016, vol. 14, No3, p. 760.
[2] Pierre Bon, « La désignation des juges constitutionnels en droit comparé. Quels enseignements en tirer pour le Conseil Constitutionnel ? », in Olivier Lecucq (dir.), La composition des juridictions. Perspectives comparées, Bruylant, 2014, p. 211.
[3] Democracy Reporting International, Handbook on democratic constitutions, p. 57.
[4] Voy. en ce sens Anna Chmielarz-Grochal, Marzena Laskowska, Jarostaw Sutrowsk, « Selección de magistrados constitucionales. Aspectos legales y políticos… », op. cit., p. 517.
[5] Arrêt Handyside du 7 décembre 1976, aff. n°5493/72.
[6] Katalin Kelemen, « Appointment of Constitutional Judges… », op. cit., p. 8.
[7] C’est ce qui s’est passé avec John Marshall Harlan en 1954, proposé par Dwight Eisenhower (mais re-proposé en 1955 et finalement confirmé par le Sénat), avec Harriet Miers proposée par Georges W. Bush en 2005, et avec Merrick Garland proposé par Barak Obama en 2016.
[8] Même si, en février 2022, Jacqueline Gourault, proposée par le Président de la République, n’a pas obtenu la majorité des suffrages des sénateurs membres de la commission qui l’avait auditionnée : 16 voix contre, 12 voix pour et 3 votes blancs (séance du 21 février 2022). Ces suffrages ont été cumulés avec ceux de la commission de l’Assemblée nationale. Jacqueline Gourault a été nommée, faute de l’existence d’une majorité des trois cinquièmes exprimée contre sa candidature.
[9] Mais le système d’élection est complexe et les juges sont chacun élus dans des circonscriptions différentes.
[10] Voy. Victor Audubert, « L’interprétation présidentialiste de la Constitution bolivienne au cœur de la crise post-électorale de 2019 », Cahiers des Amériques latines, 2021, n°96, p. 67-84.
[11] Voy. Néstor Pedro Sagüés,“El concepto de desconstitucionalización”, Revista de Derecho: Publicación de la Facultad de Derecho de la Universidad Católica de Uruguay, 2007, No2, pp. 181-195
[12] Voy. par ex. David Biroste, « A la veille d’un scrutin historique, retour sur l’organisation constitutionnelle et électorale de la Bolivie », site de la Revue politique et parlementaire, 9 octobre 2020 (www.revuepolitique.fr).
[13] Voy. Nathan Béridot, L’exercice du pouvoir judiciaire par la Cour suprême du Japon : Contribution à la réflexion sur l’État de droit au Japon, thèse, 2020, Inalco, p. 222.
[14] Ibid.
[15] CDL-AD (2004)024 Avis sur le projet d’amendements constitutionnels relatifs à la Cour constitutionnelle de la Turquie, §19.
[16] Anna Chmielarz-Grochal, Marzena Laskowska, Jarostaw Sutrowsk, « Selección de magistrados constitucionales… », op. cit., p. 519.
[17] La Cour constitutionnelle se compose de douze membres nommés par le roi, quatre sur la proposition du Congrès à la majorité de trois cinquièmes de ses membres, quatre sur la proposition du Sénat, à la même majorité, deux sur la proposition du gouvernement, et deux sur la proposition du Conseil général du pouvoir judiciaire (article 159 de la Constitution)
[18] La Cour constitutionnelle se compose de quinze juges nommés pour un tiers par le Président de la République, pour un tiers par l’Assemblée nationale et pour un tiers par le Sénat (article 135 de la Constitution).
[19] Le président, le vice-président, six autres membres titulaires et trois membres suppléants de la cour constitutionnelle sont nommés par le président fédéral sur proposition du gouvernement fédéral. Les six autres membres et les trois autres membres suppléants sont nommés par le président fédéral, sur proposition du Conseil national, qui soumettra les noms des candidats aux postes de trois membres titulaires et de deux suppléants, et du Conseil fédéral, qui soumettra les noms des candidats aux postes de trois membres titulaires et d’un suppléant (article 147 de la Constitution).
[20] Trois membres de la Cour constitutionnelle sont nommés par le président de la République, trois sont élus par le Parlement, trois sont nommés par la Cour suprême (article 88 de la Constitution).
[21] Trois juges sont nommés par la Chambre des députés, trois par le Sénat et trois par le président de la Roumanie (article 144 de la Constitution).
[22] La Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature (article 158 de la Constitution).
[23] L’article 92 de la Constitution de 1980 prévoit que trois membres de la Cour constitutionnelle sont élus par le president de la République, quatre sont élus par le Congrès (chacune des deux assemblées élisant deux membres) et trois sont élus par la Cour supreme. L’article 378 du projet de Constitution remis au Président le 4 juillet 2022 rejeté par par le referendum du 4 septembre 2022, prévoyait que quatre membres de la Cour constitutionnelle étaient désignés par les deux chambres du Parlement réunies, trois par le Président de la République et quatre par le Conseil de Justice.
[24] Par exemple, en Slovaquie, le parlement soumet une liste de noms au Président de la République (le double du nombre de juges à nommer). Cette liste se base elle-même sur les propositions faites, dit la loi sur la cour constitutionnelle du 24 octobre 2018 (article 15), par les différents organes de pouvoir (les membres du parlement, le gouvernement, le président de la cour suprême, le premier procureur général, les associations professionnelles de juristes, les institutions académiques, et le président de la Cour constitutionnelle
[25] Les membres de la cour constitutionnelle sont nommés à la majorité absolue des membres de la chambre basse, sur proposition du président (article 163 de la Constitution).
[26] Les neuf juges sont nommés par le Président sur l’avis et avec le consentement du Sénat (section 2 de l’article II de la Constitution).
[27] Le Seimas (parlement monocaméral) choisit trois candidats à la fonction de juge a la Cour constitutionnelle parmi ceux proposés par le Président de la République, trois autres parmi ceux proposés par le président du Seimas et trois autres parmi ceux proposés par le président de la Cour suprême ; et ils sont nommés juges par le Seimas (article 103 de la Constitution).
[28] Les treize juges composant la cour constitutionnelle sont élus à la majorité des deux tiers par les députés du Parlement croate (article 126 de la Constitution).
[29] Les quinze juges de la Cour constitutionnelle sont nommés par le président de la République avec l’accord du Sénat (Article 84 de la Constitution).
[30] Les membres de la Cour suprême sont nommés par le Président avec l’accord des 2/3 des membres du Sénat (article 99. 4 de la Constitution).
[31] Les membres de la cour constitutionnelle sont nommés par le Grand Khoural d’Etat, c’est-à-dire le Parlement, trois sur proposition du président, trois sur proposition de la Cour suprême, et trois sur sa proposition (Article 65 de la Constitution)
[32] Certains membres de la Cour constitutionnelle le sont par statut (comme le président de la Cour supérieure de justice et le president et la Cour administrative, ainsi que deux conseillers à la Cour de Cassation : voyez plus loin la question de la conception d’une procédure de désignation judiciaro-compatible), mais cinq magistrats sont nommés par le Grand-Duc sur l’avis conforme de la Cour supérieure de justice et de la Cour administrative (article 112 de la Constitution).
[33] Le Riigikogu (parlement monocaméral) nomme, sur proposition du Président de la Cour d’État, les membres de la Cour d’État, qui est la Cour suprême d’Estonie (article 65 de la Constitution).
[34] Article 186 de la constitution : le Président de la République désigne quatre membres à la Cour constitutionnelle, la Cour suprême élit un membre, le Conseil d’Etat un membre et les professeurs de droit six membres parmi eux.
[35] Les membres de la Cour suprême sont désignés par le représentant de la Reine sur la proposition du Premier ministre après consultation du gouvernement et sur la suggestion du Procureur général qui a lui-même consulté les procureurs généraux des différents Etats fédérés, article 72 de la constitution et section 6 du High Court Act de 1979.
[36] Le contrôle de constitutionnalité est diffus et la Cour suprême est composée de magistrats de carrière nommés par le pouvoir exécutif assisté par le pouvoir judiciaire.
[37] Le Président nomme formellement les juges de la Cour suprême sur proposition du Gouvernement qui lui-même s’appuie sur les recommandations du Conseil consultatif sur les nominations judiciaires présidé par le président de la Cour suprême (site de la cour, www.supremecourt.ie).
[38] Les juges de la Cour suprême sont nommés par le gouvernement après un processus de consultation publique, site de la Cour, www.domstol.se.
[39] Le Roi en son conseil – le gouvernement – nomme les juges de la Cour suprême suivant l’avis – public – du Comité des nominations judiciaires après audition des candidats sélectionnés, voy. Iris Nguyên-Duy et Jean-Baptiste Pointel, « La Cour suprême et le contrôle de constitutionnalité des lois en Norvège », Les nouveaux Cahiers du Conseil, 2016, n°53.
[40] Le contrôle diffus est exercé par les différentes hautes cours – Cour de cassation, Conseil d’Etat et Cour des comptes – et par la Cour supérieure spéciale depuis 2001, composée de membres des premières, dont les plus hauts-magistrats sont désignés par le pouvoir exécutif et tous les autres par décision du Conseil supérieur de la Magistrature.
[41] Vademecum sur la justice constitutionnelle, op. cit., p. 9.
[42] Le chef de l’Etat a un pouvoir formel de nomination des membres qui n’en fait pas une force politique à même de peser sur le choix du Parlement. Néanmoins, dans les pays où le chef de l’Etat opère une mue vers la qualité d’autorité politique, avec plus ou moins de réussite selon la personnalité du chef de l’Etat, ce dernier peut vouloir utiliser son pouvoir formel de nomination comme un pouvoir d’empêcher, ainsi que l’a fait par exemple le président de la Pologne à partir de la fin de l’année 2015.
[43] Douze juges nommés formellement par le Roi sur une liste double présentée alternativement par la Chambre des représentants et le Sénat. Cette liste est adoptée à la majorité des deux tiers au moins des suffrages des membres présents.
[44] C’est l’Assemblée nationale (parlement monocaméral) qui nomme les membres de la cour constitutionnelle (article 1er de la Loi Fondamentale).
[45] Les quinze juges sont désignés par la Diète et nommés par le Président qui ne dispose en principe que d’une compétence formelle (Article 194 de la Constitution).
[46] C’est la Saeima (parlement monocaméral) qui nomme les membres de la cour constitutionnelle à la majorité absolue de ses membres (article 85 de la Constitution).
[47] Les membres du Tribunal Fédéral sont nommés par l’Assemblée fédérale, c’est-à-dire par les deux chambres du Parlement réunies, le Conseil national, chambre basse, et le Conseil des États, chambre haute (articles 168 et 157 de la Constitution).
[48] Dix juges du Tribunal constitutionnel sont désignés par l’Assemblée de la République (chambre unique du Parlement) et trois autres sont cooptés par les premiers (article 222 de la Constitution)
[49] Les membres de la Cour constitutionnelle sont élus par le Congrès de la République (chambre unique du Parlement, article 201 de la Constitution).
[50] Voy. par exemple Stefan Ulrich Pieper, Verfassungsrichterwahlen [L’élection des juges constitutionnels], Duncker & Humblot Gmbh, 1998.
[51] BVerfGE 131, 230 « Bundesverfassungsrichterwahl », 19 juin 2012.
[52] Dans une tribune du 17 octobre 2012, publiée dans la rubrique Staat und Recht de la version électronique de la Frankfurter Allgemeine Zeitung (wwx.faz.net), référé par Maria Kordeva, « Section 2 : La justice constitutionnelle ou la garantie juridictionnelle du principe de séparation des pouvoirs », Revue générale du droit, site de la chaire de droit public français de l’Université de la Sarre, 2020, numéro 53192 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=53192).
[53] Anna Chmielarz-Grochal, Marzena Laskowska, Jarostaw Sutrowsk, « Selección de magistrados constitucionales. Aspectos legales y políticos… », op. cit., p. 500.
[54] Marc Uyttendaele dans une opinion publiée le 18 mai 2020 sur le site Le Vif (www.levif.be).
[55] Voy. Benjamin G. Engst, Thomas Gschwend et Sebastian Sternberg, Who reaches the Bench?..., op. cit.
[56] Voy. Bettina Schöndorf-Haubold, Etude du Service de recherche du Parlement européen, – PE 593.504, Bibliothèque de droit comparé, Novembre 2016, p. 6.
[57] Werner Reutter, « German State Constitutional Courts: The Justices », German Politics & Society, 2021, vol. 39, Issue 2, p. 122.
[58] Voy. par ex. Jose Julio Fernandez Rodriguez, La justicia constitucional european ante el siglo XXI, Madrid, Tecnos, 2002, p. 42.
[59] CDL-AD (2017) 001-f République slovaque – Avis sur des questions relatives à la nomination des juges à la Cour constitutionnelle, §58. Pour un tour d’horizon de ces mécanismes, voy. plus haut dans la première partie de cette étude « Les maigres solutions techniques et juridiques aux blocages de la nomination ».
[60] Voy. Guillaume Tusseau, Contentieux constitutionnel comparé, op. cit., n°509, p. 487.
[61] Voy. mon ouvrage La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel, op. cit. Voy. aussi l’intéressante étude sur la Haute Cour de Justice d’Israël et la question du rapport entre l’homogénéité des autorités de nomination et celle des juges et de la jurisprudence qui s’ensuit, Gad Barzilai, Maoz Rosenthal, Assaf Meydani, « The Personalization of Judicial Review…», op. cit.
[62] House of Lords, Select Committee on the Constitution, Judicial Appointment Process…, op. cit, point 237.
[63] Propos rapportés par Owen Bowccott, “Lady Hale: supreme court should be ashamed if diversity does not improve”, The Guardian, November 6, 2015.
[64] Erin Delaney, « Searching for Constitutional Meaning in Institutional Design… », op. cit., p.763.
[65] Commission de Venise, La composition des cours constitutionnelles, op. cit., p. 29.
[66] Sauf exception signalée, toutes les informations qui suivent sur la présence effective des femmes dans les différentes cours constitutionnelles et suprêmes du monde sont à jour au 24 août 2022.
[67] Il est prévu que « La Cour est composée de juges de sexe différent, à raison au moins d’un tiers pour le groupe le moins nombreux, étant entendu que ce groupe doit être représenté dans les deux catégories professionnelles précitées ».
[68] Commission de Venise, La composition des cours constitutionnelles, op. cit., p. 12.
[69] Débat évoqué par le site de Süddeutsche Zeintung à l’occasion de la présentation des différents juges composant la Cour constitutionnelle, « Die Richter im Porträt », 19 avril 2008 (www.sueddeutsche.de).
[70] Voy. par exemple Sally J. Kenney, Gender and Justice: Why Women in the Judiciary Really Matter, Routledge 2012 ; Ulrike Schultz et Gisela Shaw, Gender and Judging, Hart Publishing, 2013 ; Rosemary Hunter, « More than Just a Different Face? Judicial Diversity and Decision-making », Current Legal Problems, 2015, p. 1.
[71] Amy Coney Barrett est née en 1972 et Ketanji Brown Jackson en 1970, Elena Kagan en 1960 et Sonia Sottomayor en 1954. Sauf accident, la Cour suprême américaine est donc assurée d’une représentation féminine pendant encore quelque temps.
[72] Beverley McLachlin de 2000 à 2017.
[73] Selon Capucine Cannone, en 2018, seules 73 juges sur les 670 juges siégeant dans les différentes Hautes Cours du pays sont des femmes, soit à peine 11 % (« Les femmes juges encore trop peu nombreuses en Inde », Lepetitjournal.com, 30 juillet 2021 (lepetitjournal.com).
[74] Article 4 al. 4 de la loi organique, n° L/2020/0011/AN portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle de la République de Guinée : « La composition de la Cour doit tenir compte du genre ».
[75] Dont fait partie la Cour constitutionnelle.
[76] Commission de Venise, La composition des cours constitutionnelles, op.cit., p. 11.
[77] Chiffres au 24 août 2022.
[78] https://www.bger.ch/fr/index/federal/federal-inherit-template/federal-richter.htm.
[79] Loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
[80] Mais, sur ce point, Guillaume Tusseau rapporte qu’on a pu identifier deux coutumes à travers l’histoire : celle d’un siège réservé à l’État de New York entre 1806 et 1894, à la Nouvelle-Angleterre entre 1789 et 1932, qui n’ont pas perduré, « Façonner le ‘gardien de la conscience’… », op.cit., p. 64.
[81] Varalika Dev, « Judicial diversity in India: exploring the ‘unwritten’ criteria of gender, religion, caste and regionality in appointments to the Supreme Court », The Leaflet, 21 avril 2022 (www.theleaflet.in).
[82] Quatre juges sont désignés par le parlement de la Fédération (dont deux par les représentants bosniaques et deux par les représentants croates), et deux juges sont désignés par le parlement de la République Srpska (la République serbe de Bosnie).
[83] Voy. not. Eugénie Brouillet et Yves Tanguay, « The Legitimacy of the Constitutional Arbitration Process in a Multinational Federative Regime: The Case of the Supreme Court of Canada », UBC Law Review, vol. 45, 2012, p. 47-101.
[84] Cette dernière nomination intervient dans le cadre d’un siège à pourvoir par un candidat de l’Ontario : voy. le site internet du Commissariat à la magistrature fédérale, www.fja.gc.ca.
[85] Voy. le cas de la Bolivie exposé plus haut et le projet de Constitution du Chili en juillet 2022, néanmoins rejeté par référendum le 4 septembre 2022.
[86] Le juge Clarence Thomas lui-même n’avait été confirmé que par 52 voix mais ce chiffre est essentiellement dû aux accusations de harcèlement sexuel dont il a fait l’objet.
[87] AFP, « Première nomination d’un juge musulman à la Cour suprême », 21 février 2002, site de L’Orient-Le Jour (www.lorientlejour.com). Par ailleurs, des juges chrétiens arabes avaient déjà siégé à la Cour suprême.
[88] « Egypte: un chrétien copte devient président de la Haute Cour constitutionnelle pour la première fois », site de I24 news, 9 février 2022 (www.i24news.tv).
[89] Voy. Guillaume Tusseau, « Façonner le ‘gardien de la conscience’… », op.cit., p. 64.
[90] Le sénat a confirmé la nominaiton par 47 voix contre 32, le plus mauvais score jamais obtenu pour ce type de nomination.
[91] Varalika Dev, « Judicial diversity in India… », op. cit.
[92] George H. Gadbois Jr, Judges of the Supreme Court of India. 1950–1989, Oxford University Press, 2011 et Abhinav Chandrachud, The Informal Constitution. Unwritten Criteria in Selecting Judges for the Supreme Court of India, Oxford Université Press, 2020. Ces deux études sont citées par Varalika Dev, « Judicial diversity in India… », op. cit.
[93] Ibid.
[94] Parshuram Babaram Sawant, Judicial Independence : Myth and Reality, Mulnivasi Publications, 2005.
[95] Varalika Dev note qu’« à ce jour, au moins quatorze des quarante-huit juges de la Cour suprême étaient des brahmanes et au total près de 30% des juges étaient membres des castes supérieures, ce qui est un chiffre très supérieur à ce qu’elles représentent dans la population.
[96] A l’instar du siège « SC » pour Scheduled Caste : deux juges actuellement en sont issus, soit 6% de la composition de la Cour, alors qu’elle représente plus de 16% de la population, ibid.
[97] Voy. Alexis Blouet, « Le Conseil constitutionnel dans le système politique libanais : éclairage sur une institution ‘discrète’ », Revue Française de Droit Constitutionnel, 2021, vol. 127, n° 3, p. e9.
[98] L’expression se trouve chez Guillaume Tusseau, « Façonner le ‘gardien de la conscience’… », op.cit., p. 66.
[99] Stéphanie Chouinard et François Larocque, « Bilinguisme et diversité à la Cour suprême, pour en finir avec un faux débat, site de La Presse, 6 juin 2021 (www.lapresse.ca).
[100] Guillaume Tusseau, « Façonner le ‘gardien de la conscience’… », op.cit., p. 66.
[101] A l’occasion du 100ème anniversaire de la Cour suprême d’Islande en 2022 a été publié un document dans lequel figurait un article cherchait à répondre à la question « comment la Cour suprême serait-elle composée si elle reflétait la société islandaise 100 ans après sa création ? », mettant en application la clause de non-discrimination de la constitution à propos du sexe, de la religion, de l’opinion, de l’origine nationale, de la race, de la couleur, de l’économie ou de l’ascendance. Ainsi, conclut l’étude, il devrait y avoir un immigrant parmi les sept juges composant la Cour suprême, puisqu’un citoyen sur sept appartient maintenant à ce groupe, le ratio hommes-femmes des juges serait égal ou presque, et l’un des juges aurait un handicap. Voy. « Hæstiréttur 100 ára: Jafnrétti og fjölbreytni við skipun dómara » [100 ans de la Cour suprême : Égalité et diversité dans la nomination des juges], site du Cabinet Réttur (www.rettur.is).
[102] Commission de Venise, CDL-AD (2004)024, Avis sur le projet d’amendements constitutionnels relatifs à la Cour constitutionnelle de la Turquie.
[103] A noter en Argentine que la condition d’être éligible au Sénat implique aussi, selon l’article 55 de la Constitution, de « jouir d’une rente annuelle de deux mille pesos ou d’un revenu équivalent ».
[104] Certains pays précisent qu’il faut être citoyen « de naissance », par exemple le Paraguay, le Pérou, le Vénézuéla.
[105] Article 60 de la Constitution.
[106] Voy. par ex. Lee Epstein, Jacques Knight et Andrew D. Martin, « The Norm of Prior Judicial Experience and Its Consequences for Career Diversity on the U.S. Supreme Court », California Law Review, july 2003, vol. 91, n° 4, p. 903. Voy. aussi Susan Swaim Daicoff, Lawyer, Know Thyself. A psychological Analysis of Personnality Strengths and Weakeness, Americain Psychological Association, APA PsycBooks, 2004.
[107] Voy. pour une analyse de cet effet, Adrian Vermeule, Law and the Limits of Reason, Oxford University Press, 2009 et l’article précité, Lee Epstein, Jacques Knight et Andrew D. Martin, « The Norm of Prior Judicial Experience… », op. cit..
[108] Ibid. p. 908.
[109] Commission de Venise, La composition des cours constitutionnelles, op. cit., p. 13.
[110] Où il est précisé que cette expérience ne soit pas avoir été interrompue pendant plus de deux ans.
[111] Expérience réduite à cinq années au Rwanda s’agissant des docteurs en droit.
[112] Voy. Guillaume Tusseau, « Façonner le ‘gardien de la conscience’… », op. cit.
[113] Voy. plus loin la partie 3.2.2. Le choix impossible entre la prévalence des opinions et les qualifications juridiques.
[114] La moitié des membres de la Cour constitutionnelle doivent être choisis parmi les parlementaires tandis que l’autre moitié sont désignés parmi les juristes dont la liste est fixée par la loi spéciale sur la Cour constitutionnelle.
[115] L’article 155 de la constitution indique que sur sept membres trois sont magistrats, deux des « juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens du droit » et deux sont des « personnalités de haute réputation professionnelle ».
[116] Deux sièges sur neuf sont attribués à des « personnalités reconnues pour leur probité et leur sagesse », les autres membres étant magistrats, avocats et universitaires.
[117] Lee Epstein, Jacques Knight et Andrew D. Martin, « The Norm of Prior Judicial Experience… », op. cit., p. 960.
[118] Ibid. p. 957.
[119] Ainsi le président de la Cour suprême britannique, David Neuberger, estime que « le plus grand déficit en termes de diversité et le principal problème d’inclusion pour la profession juridique concernent ceux issus d’un milieu éducationnel, social et économique moins privilégié », cité par Tristan de Bourbon, op. cit.
[120] Rosemary Hunter, « More than Just a Different Face?… », op. cit., p. 126.
[121] Ibid.
[122] Commission de Venise, CDL-AD (2005) 039, Avis sur une proposition de règles de vote de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, §13.
[123] Fernando Muñoz León, “Not Only ‘Who Decides’: The Rhetoric of Conflicts over Judicial Appointments”, German Law Journal, vol. 14, 2013, p. 1198.
[124] Voy. par ex. Allison P. Harris et Maya Sen, « Bias and judging », Annual Review of Political Science, 2019, vol. 19, p. 241.
[125] Voy. par ex. Jacques Faget, « L’art de juger et ses biais », Délibérée, 2018, vol. 5, p. 27.
[126] Jorge Bercholc, « La designación de los magistrados de Tribunales y Cortes Constitucionales por su procedencia regional. Los casos de España, Canadá y Argentina. Appointment of judges in Constitutional Courts by regional origin. The cases of Spain, Canada and Argentina », Revista Argumentos, 2015, n° 1 p.71.
[127] Lee Epstein, Jacques Knight et Andrew D. Martin, « The Norm of Prior Judicial Experience… », op. cit. pp. 956-957. Les auteurs renvoient aussi à Lee Epstein et Lynn Mather, « Bervely Blair Cook : The Value of Eclecticism », in Nancy Maveety ed., The Pioneers of judicial behavior, 2002 et Michael E. Solimine et Susan E. Wheatley, « Rethinking Feminist judging », Indiana Law journal, vol. 70, 1995 ; p 891.
[128] Mary Jane Mossman, « Feminism and Legal Method: The Difference it Makes », Wisconsin Women’s Law Journal, 1987, vol. 3, p. 147.
[129] Voy. par ex. toutes les contributions de l’ouvrage dirigé par Ulrike Schultz et Gisela Shaw en 2003, Women in the World’s Legal Professions, Hart Publishing.
[130] Rosemary Hunter, « More than Just a Different Face?… », op. cit., p. 122.
[131] Ibid. p. 123.
[132] Ibid. p. 124.
[133] Ibid. p. 140.
[134] Ibid. p. 141.
[135] Ibid. p. 136.
[136] Pour les résultats précis de cette expérience voir l’émission qui en a été retirée pour la Radio (« Do male and female judges judge differently? », BBC 4, 8 juin 2015, et Erika Rakley, « Judgment day for gender: is diversity crucial in court? », The Conversation, 18 juin 2013 (theconversation.com).
[137] Cité par Rosemary Hunter, op. cit., p. 125.
[138] Erika Rakley, « Judgment day for gender: is diversity crucial in court? », op. cit..
[139] Cité par Tristant de Bourbon, op. cit.
[140] Commission de Venise, CDL-AD(2005) 039, Avis sur une proposition de règles de vote de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, §13 et 3.
[141] Il faut néanmoins préciser que la mesure de l’impartialité est particulièrement délicate à déterminer : il est en effet impossible qu’un juge fasse abstraction de la totalité de sa subjectivité, sauf à faire du juge un robot (à travers par exemple l’usage des algorithmes). En quoi, par exemple, dans une affaire d’agression sexuelle, le biais est-il nécessairement plus grand lorsqu’on a été soi-même agressé que quand on ne l’a pas été ? On peut avoir des idées très arrêtées sur cette question qui « biaisent » le jugement, autant, voire plus que lorsqu’on a été victime d’une agression sexuelle. Voy. en ce sens la très intéressante analyse de Rebecca Solnit sur le site de The Guardian, « Does experiencing harm make you biased and untrustworthy? Some think so », 22 novembre 2021 (www.theguardian.com).
[142] Erin Delaney, « Searching for constitutional meaning in institutional design… », op. cit, p. 761. Voy. aussi Varalika Dev, op. cit. : « la question de la diversité et celle du mérite ne sont pas contradictoires. Il est toujours possible de garantir un seuil minimal de compétence et de mérite tout en laissant la place à l’inclusion ».