Ce billet a été rédigée au titre de la newsletter du site en mars 2025.
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Bonjour à tous,
Il m’a été récemment dit que ces petites lettres que je vous envoie de temps en temps seraient de moins en moins « accessibles » ou « lisibles ». Je m’interroge donc. L’interrogation n’est pas synonyme de soumission, elle permet parfois de conforter des choix, parfois de les ajuster.
Mon travail passe par l’ambition d’offrir une parole claire et néanmoins juste et précise, et entend notamment placer une parole sur le droit dans le vaste espace du public qu’il concerne, c’est-à-dire tout le monde. Pari semble-t-il en partie réussi lorsqu’il m’est témoigné que la lecture de mes deux derniers ouvrages n’a pas seulement été « simple », mais a aussi relevé d’un certain plaisir. Récemment, Thaïs, une libraire a même émis cette idée que j’étais aussi un « écrivain »… ce qui pourrait me donner des idées. Pari réussi aussi lorsque mes propos dans une émission de radio ou de télévision parviennent à faire s’imaginer aux auditeurs-visionneurs qu’ils pourraient peut-être quand même comprendre quelque chose à ce qui relève de la matière juridique. Ce serait la moindre des choses d’ailleurs.
Mais il est vrai que le statut de mes petites lettres reste à définir, notamment dans le ou les publics à qui je m’adresse, tout autant d’ailleurs que dans les contenus auxquels ils renvoient. Car il y a vraiment « de tout » sur Le droit de la Fontaine : des renvois aux émissions ou tribunes lorsque j’en écrit, des textes rédigés dans un contexte universitaire (à la suite d’un colloque par exemple), et parfois des textes sans origine, sinon l’envie de les composer. Je suis ainsi tombée récemment sur un texte écrit en 2017, à la suite d’une inclinaison à réagir à un propos repéré dans un grand quotidien d’information, inclinaison partagée avec mon compagnon psychanalyste, qui nous incita à rédiger chacun un texte sur ce propos, sans nous concerter sur son contenu (Le café du commerce et le marc de Bruno, mon texte, Fonction métoymique, son texte). A lecture, je fus assez étonnée de ce texte, car visiblement écrit sans aucune considération pour le lecteur « tout venant » qui, comme le dirait Orelsan, n’aurait pas les bases. C’est autant dans l’articulation des idées que dans le vocabulaire et les référents intellectuels que peut se situer la barrière d’accès au contenu d’un texte. Au moment où ce texte s’écrivait et dans les conditions dans lesquelles il s’écrivait, il est probable que pour dire ce que je voulais dire, il n’y avait pas d’autre solution d’écriture. Je ne peux pas dire que je ne réécrirai pas ce texte de la même manière, mais je peux dire que je pourrais en écrire un autre, qui aurait peu ou prou vocation à dire la même chose, c’est-à-dire que, non, les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes, et que c’est à la fois de la supercherie et de la paresse que de prétendre le contraire au soutien de sa décision.
Vous qui me lisez aujourd’hui, y avez-vous peut-être trouvé quelque chose que vous n’y aviez pas trouvé dans un écrit précédent, ou quelque chose de semblable, ou quelque chose que vous ne retrouverez pas dans un prochain envoi : c’est selon chacun, et c’est très bien comme ça.
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Des nouvelles un peu denses pour ce nouvel envoi, en imaginant que vous pourrez venir et revenir plus tard, car l’espace du site vous est toujours ouvert.
* Un petit évènement personnel d’abord, je me suis inscrite sur LinkedIn il y a 3 semaines! Vous pouvez donc m’y retrouver, vous abonner et avoir des nouvelles plus « fraîches » que l’envoi de mes newsletters selon un rythme aléatoire, même si je n’y posterai pas tout tout le temps évidemment.
* Les étudiant.e.s sont formidables ! Ainsi ai-je nommé le post par lequel j’annonçais la mise en ligne de deux des travaux reçus à l’automne par des étudiants inscrits à l’un de mes enseignements. Je vous conseille vivement d’en prendre connaissance, c’est tout simplement formidable.
* Encore le Conseil constitutionnel… oui parce que son état végétatif s’inscrit désormais dans la durée :
– vous vous souvenez peut-être que Laurent Fabius avait eu des mots de menace à peine voilée envers les avocats ayant décidé d’organiser et/ou de participer à un colloque en mars 2024 sur le thème « Le Conseil constitutionnel : la nécessité d’une refonte complète ? », dont il est vrai que les thèmes de travail étaient tout droit sortis de La Constitution maltraitée. Anatomie du Conseil constitutionnel (Amsterdam, 2023), ouvrage qui, de ce point de vue, n’avait peut-être pas sans raison reçu un prix éthique de la part de l’Association Anticor en janvier 2024, et dont Mediapart avait fait état en juin 2024 (Le coup de sang de Laurent Fabius, en accès libre).
Je rappelle ces faits car, en dehors du fait qu’il me semble nécessaire de saisir la portée de la lettre de Laurent Fabius (ce que bien peu d’universitaires juristes ont fait à mon avis, les mêmes qui s’indignent aujourd’hui avec la foule des atteintes portées à l’Etat de droit et à la liberté d’expression), les images du colloque où tous les intervenants ont été de très bonne tenue, sont disponibles sur Youtube.
– Les récentes nominations au Conseil m’ont incité à revenir un peu sur quelques plateaux, pour constater qu’on n’a pas vraiment avancé depuis la dernière fois :
* Mon billet sur Mediapart, ou Les nominations au Conseil constitutionnel, ou comment neutraliser le texte constitutionnel, le 1er février 2025
* La question du jour, France culture, invitée de Marguerite Catton, oui les nominations envisagées, et singulièrement celle du président du Conseil, sont un réel problème politique,10 février 2025
* Questions du soir, France culture, invitée de Quentin Lafay, La conception de l’indépendance des membres du Conseil constitutionnel est contraire à l’éthique du droit et de la justice, 18 février 2025.
* Sens public, Public Sénat, invitée de Thomas Hugues, émission dans laquelle essayer de penser le Conseil autrement que comme un simple rouage de la vie politique relève de la gageure,19 février 2025
Mais comme il y a d’autre chose dans la vie que le Conseil constitutionnel, je vous propose aussi :
* Penser Droit et décroissance. Il y a eu un petit texte collectif rédigé à l’initiative principale de David Hiez, Professeur à l’Université du Luxembourg, intitulé « Droit et décroissance : l’exploration des possibles juridiques », qui était paru dans le Recueil Dalloz à la fin de l’année 2023 (n° 44, pp.2250 – 2257), et dans lequel j’avais un tout petit peu trempé. Depuis, il y a eu un événement organisé à l’Université de Montréal, en Octobre 2024 (une journée de colloque avec plénières et ateliers, une journée de restitution, et une demi-journée de prospection). J’y avais introduit les travaux, en compagnie du sociologue Yves-Marie Abraham et du philosophe du droit Arthur Moury. Voici le texte légèrement modifié de ma communication : Droit et décroissance : où est-ce que ça coince ?
* une toute petite plongée dans « le droit n’est pas aussi formidable » qu’on voudrait qu’il soit :
– ainsi le rappelait Rainer Maria Kiesow (à qui l’on doit notamment un travail, plutôt à charge scientifique, sur la pensée des juristes allemands dans la période précédant immédiatement l’arrivée au pouvoir des nazis) à propos de l’ouvrage de Jacques Krynen, Le théâtre juridique. Une histoire de la construction du droit (Gallimard, 2018), dont le fantasme d’un droit bienfaiteur perdu peut laisser pantois au regard des horreurs commises en son nom. Un juste rappel du Professeur Kiesow.
– L’ouvrage de Grégoire Chamayou, Les Chasses à l’homme (La Fabrique, 2010), est un petit trésor d’histoire et de réflexion autour de cette manie proprement humaine – et de toute évidence atemporelle – d’exclure, de chasser, d’éliminer son semblable, en lui déniant précisément cette qualité.
– L’ouvrage récent d’Eugénie Mérieau, Géopolitique de l’état d’exception. Les mondialisations de l’état d’urgence(Le Cavalier bleu, 2024), qui pointe la constance des modernes à justifier l’exception par la règle, pour, finalement, aliéner, exclure, chasser, éliminer… c’est toujours la même histoire.
* Une petite plongée dans l’expérimental, le « dur », l’inconnu, l’incertain, l’assumé, l’inutile, le totalement subjectif, le rigolo parfois, l’absurde peut-être,… bref, tout ce qui pourrait ne pas répondre aux critères du sérieux et du « scientifique », mais qui fait pourtant le lit de nos travaux, à la condition de le savoir : Au pied de la lettre, une série de conversations entre une juriste et un psychanalyste, sur la chaîne You tube du même nom (fréquence de publication : environ toutes les deux semaines)
* Enfin, vous pouvez toujours retrouver sur cette page les rendez-vous qui ont eu lieu ou qui auront lieu à la suite de la publication de La Constitution au XXIè siècle. Histoire d’un fétiche social paru il y a exactement deux mois chez Amsterdam, et qui semble tranquillement faire son chemin, celui de, au moins, susciter la discussion. J’essaie de tenir cette page à jour autant que je le peux.
Merci pour cette lecture !
Lauréline Fontaine, mars 2025