C’est peu de dire que la rubrique « Evénéments- Annonces » était faite pour ce qui suit…
L’Association Ars dogmatica, sous l’impulsion du travail de Cécile Moiroud, a édité ce coffret :
« Le cinéma de Pierre Legendre.
Introduction à l’anthropologie dogmatique ».
Ce coffret contient les trois films qu’il a conçus et réalisés, accompagnés des textes écrits et parfois dits par lui dans les films.
Bulletin de commande :
Order form :
Voici quelques éléments de la biographie et de la pensée de Pierre Legendre communiqués par Cécile Moiroud. Pierre Legendre demeure assez peu connu du grand public, et malheureusement aussi de beaucoup de juristes. Cela est sans doute lié à son écriture jugée parfois difficile. Plus fondamentalement, ses écrits exigent de chacun non seulement attention, lenteur et méditation mais aussi capacité de s’interroger sur les ressorts profonds de la Loi et de la reproduction de la vie humaine. A l’instar de l’ancien professeur de droit reconverti en cinéaste-documentariste, Frederick Wiseman, Pierre Legendre est aussi un homme d’images.
Pierre Legendre a été Professeur d’histoire du droit à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes en sciences sociales (Vème section, sciences religieuses), jusqu’en 1998. Il a publié une œuvre magistrale, et en particulier ses « Leçons » parues chez Fayard ou encore, en dernier lieu, « L’animal humain et les suites de sa blessure ».
La source première de ses travaux a été constituée par une thèse réalisée sous la direction de Gabriel Le Bras, en 1957, intitulée La pénétration du romain dans le droit canonique classique de Gratien à Innocent III (1140-1254). En 2009, dans les Leçons IX. L’Autre Bible de l’Occident : Le Monument romano-canonique, Pierre Legendre rend compte de l’approfondissement continu de son étude initiale, pendant une cinquantaine d’années, depuis sa thèse précitée en passant par L’amour du censeur (1974) ou De la société comme texte (2001). Il élargit l’analyse de cette construction de textes (reposant sur le Décret de Gratien) qui a scellé le destin de la civilisation ouest-européenne et l’inscrit dans l’espace mondial des Textes. Ses expériences en Afrique, dans le milieu économique des années 1960 ou auprès de l’Unesco, sa proximité avec des auteurs tels qu’Hampaté Ba ou Borges, sa connaissance de l’oeuvre de Freud, sa fréquentation des poètes et des artistes lui ont permis de sortir de la stricte érudition historique, de réfléchir et de mettre à nu ce qu’il appelle l’architecture dogmatique de l’homme et des sociétés.
En résumé, Pierre Legendre montre que l’Occident se caractérise par la séparation qui a été faite aux XII-XIIIè siècles, entre la théologie (les règles du croire) et le droit (les règles du vivre). En effet, l’Evangile étant dépourvu de règles sociales pratiques – à la différence du Coran ou de la Torah -, les canonistes ont fait appel au droit romain pour combler ce vide. Le pape, interprète souverain ou juge suprême joua, par ses décisions de casuistique appelées Décrétales, le rôle de cheville, de conciliation et de coordination de la théologie et du droit, comme le titre du Décret de Gratien Concorde des canons discordants l’annonce. Tout cela est ignoré de l’enseignement du droit depuis des décennies. Les études passent de l’Antiquité à la Renaissance puis aux Lumières tandis que le Moyen Age si brillant est négligé.
Or, les Etats occidentaux ont repris à leur compte tout le montage juridique, et notamment le dispositif juridictionnel commun au Roman law (droit codifié) et au Common law (droit anglo-saxon). Les cours suprêmes exercent un rôle de juge identique à celui du pape.
Plus encore, le droit, en Occident s’est coupé des fondements théologiques, mystiques ou mythiques qui portent la raison humaine partout dans le monde, dans toutes les civilisations. La science, ou plus exactement le scientisme, a pris la place divine et, c’est au nom de la science que les fantasmes de toute puissance deviennent réalité (cryogénisation, gestation par autrui, transhumanisme …). Le scientisme a pris la suite du marxisme ou du maoïsme.
Très attentif à la réaction des autres civilisations (Russie, Japon, Afrique), Pierre Legendre, fin connaisseur de la chrétienté, a souvent mis en lumière la richesse de la culture orthodoxe restée attachée aux rituels, aux liturgies soignées, au culte des icônes et résistant à la rationalité occidentale et son abstraction sans limite liée au clivage excessif du corps et de l’esprit. Cela au sein même de l’Union Européenne avec l’Etat grec.
Enfin, ami proche du producteur Anatole Dauman, c’est en familier du cinéma qu’il a rédigé les textes de présentation des films tels que Baby Doll d’Elia Kazan, L’Arnaqueur de Robert Rossen, Le Faussaire de Volker Schlöndorff, Sans Soleil de Chris Marker, Les Ailes du désir de Wim Wenders, Le Sacrifice de Tarkovski…
Ces quelques lignes ne peuvent rendre compte de la richesse inépuisable de l’oeuvre mais invitent les lecteurs du Droit De La Fontaine à satisfaire leur curiosité sur les sentiers de la danse, de l’histoire, de la théologie, de la mythologie, de la philosophie, de l’architecture, de la peinture et du cinéma parcourus par Pierre Legendre. Le coffret « Le cinéma de Pierre Legendre » n’est qu’une première étape de la découverte d’une pensée prodigieuse !
Cécile Moiroud
Le 30 oct. 2016