In MemoriamIn
In Memoriam
Le Professeur Grzegorczyk est mort au mois de décembre dernier. Il a été mon professeur dès ma première année à l’Université et il a été membre de mon jury de thèse. En fait, il a été présent tout au long de ma formation universitaire, et c’est même à lui que je dois d’avoir donné mon premier cours magistral. Beaucoup de choses personnelles donc pourraient être dites puisque, le travail universitaire étant souvent une manière d’aborder le monde, il est rare qu’on ne noue pas des liens personnels avec ceux qui partagent cette démarche. L’homme était comme beaucoup d’entre nous : multiple, étonnant, résolument contradictoire. Il emportait presque toujours avec lui ses différentes personnalités. S’il semblait surtout aimer « plaire », et « apparaître » comme un « grand intellectuel » aux jeunes étudiants que nous étions, il avait en réalité un goût authentique pour la réflexion et l’élaboration intellectuelle de haut niveau. Je ne sais s’il pouvait s’agir d’un aboutissement ou d’une frustration mais, vers la fin de sa carrière, Christophe Grzegorczyk était parvenu à fédérer des étudiants apprentis-chercheurs qu’il réunissait périodiquement chez lui pour des fins de journées et soirées de « recherche », sans finalité particulière autre que le plaisir d’élaborer ensemble des théories sur le droit. A force de discussions, un thème avait été cerné (les « concepts pratiques »), et nous savions certainement que jamais nous ne parviendrions à « en tirer » quoi que ce soit, mais cela n’avait aucune importance. D’ailleurs, sa culture et son expérience remettaient souvent « les pendules à l’heure » lorsque nous nous enflammions – et lui parfois le premier – à l’idée d’une vraie trouvaille intellectuelle. Mais, encore une fois, cela n’avait aucune importance. Il me semble que cette période est aujourd’hui très éloignée de moi, et je ne sais exactement si elle l’était pour lui aussi. Ce qui me touche, c’est que, j’ai beau penser que la professeure que je suis aujourd’hui a peu en commun avec l’étudiante et l’apprentie-chercheure que je fus, Christophe Grzegorczyk semblait déjà savoir un peu de ce mystère. Ami, portes-toi bien.
L.F.