Quelques éléments de discussion autour de l’état de droit dans l’Europe contemporaine
Par Lauréline Fontaine
Ce texte est une version un peu remaniée d’une communication faite au colloque « Les démocraties illibérales en Europe » qui s’est tenu le 13 septembre 2018 en salle Colbert à l’Assemblée Nationale[1]. Ce colloque a été organisé par des parlementaires marcheurs et par le Collectif Europa Nova. Aux yeux des intéressés, ma participation était motivée par la perspective d’entendre des « professeurs de droit inspirant », ce qui suppose pour moi d’être indépendant de qui que ce soit qui le sollicite, sans pour autant être détachée de quoi que ce soit qui anime le mouvement de ma pensée.
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Faut-il se résoudre à ce que le droit soit impuissant à contrarier les ambitions des hommes ? Cette interrogation est évidemment celle sur laquelle l’Europe semble aujourd’hui buter, qui trahit tous les malentendus et mauvaises pistes à propos du droit. Ce qui est décrit dans le processus actuel à l’œuvre dans les régimes qualifiés ou revendiqués « illibéraux » c’est, si on accepte de faire un pas de côté, un mouvement historiquement continu, à savoir, au plan du droit, un accompagnement juridique, et spécialement constitutionnel, des actions et réformes des autorités politiques, dans quelque pays que ce soit. De toute évidence, le droit ne s’impose pas de lui-même. Il n’est pas une loi physique. Le principe de primauté du droit est nécessairement médiatisé par l’adhésion à une thèse, une théorie, une morale, une philosophie ou même une religion, qui voudrait qu’il est bien ou bon que les autorités politiques respectent le droit et qui donne un contenu spécifique à ce droit. De Saint Augustin à Montesquieu en passant par Thomas d’Aquin ou Luther, tous ont formulé une préférence, une théologie, une morale, en cohérence avec leur manière de penser le droit, manière de penser le droit qui a souvent été la conséquence d’une manière de penser la relation de l’homme à Dieu, à la nature, à lui-même, aux autres. Autrement dit, il en va de l’état de droit comme d’autres théories sur ou à propos du droit : l’adhésion préalable, même implicite, à la théorie, est nécessaire pour qu’elle puisse produire effet et cette théorie, si on y adhère, emporte avec elle un ensemble de propositions et de conceptions à propos desquels les acteurs concernés ne paraissent pas toujours éclairés. Or, la théorie de l’état de droit repose fondamentalement et depuis ses origines sur une conception du droit qui fait de celui-ci un instrument, l’instrument de l’organisation politique dans laquelle les hommes seraient en quelque sorte libres. Il me semble que cette conception instrumentale du droit sur laquelle l’état de droit s’est déployé a, depuis, prospéré largement au-delà de la théorie, faisant du droit, tant dans le vocabulaire courant que dans le vocabulaire spécialisé, plus qu’un outil, une véritable « arme »[2]. Si le droit est au moins un instrument, quelle que soit la manière dont on le qualifie, le tout est de savoir au service de qui ou de quoi. C’est exactement la question qui se pose aujourd’hui aux institutions politiques et administratives nationales, européennes et internationales qui, ayant largement promu la théorie de l’état de droit en en faisant un « standard » universel, ont du même coup normalisé l’idée de droit comme outil.
Le principe de l’état de droit.
Boîte à outils et ingénierie constitutionnelle.
La malléabilité constitutionnelle en question.
L’instrumentalisation de la règle de droit.
Les effets du caractère instrumental de la théorie de l’état de droit : un cas.
La lutte pour le droit plutôt que l’état de droit.
Le principe de l’état de droit.
Depuis le XIXè siècle, il y a eu bien des conceptualisations et bien des expressions de l’état de droit[3]. Dans l’Europe de l’après-seconde Guerre mondiale, et encore plus dans celle de l’après Guerre froide, le principe de l’état de droit auquel il est le plus communément référé s’appuie implicitement sur l’idée qu’un régime politique est bon pour l’homme s’il repose sur le respect de mécanismes juridiques selon lesquels les autorités respectent le droit qu’elles ont élaboré (contrôle de légalité et contrôle de constitutionnalité), selon lesquels les sujets de droit ont droit au respect de ce droit (droit au juge), et selon lesquels plusieurs libertés et droits de l’homme (liberté d’expression ou de réunion par exemple) font partie de ce droit à respecter. À regarder l’ensemble des documents produits par les institutions internationales et européennes[4] sur le sujet de l’état de droit ces trente dernières années (des documents très clairement destinés à irriguer les élites et les institutions des pays nouvellement entrés dans l’espace international et européen de la démocratie), il en ressort bien que l’état de droit repose presque exclusivement sur une panoplie de règles et de dispositifs juridiques[5] destinés à satisfaire les exigences de liberté des hommes dans le cadre politique : l’état de droit tel qu’il est invoqué et défini par tous n’est pas un mode d’être, mais plutôt un empilement de règles et de mécanismes techniques spécifiques. Il me faudrait beaucoup de temps pour montrer que, au-delà de toutes les discussions et élaborations politiques et philosophiques autour de la démocratie et de l’état de droit, ces deux notions ont, dans les différents régimes politiques européens, une réalité quasi-exclusivement d’ordre juridique : c’est parce que les principes sont posés dans des règles juridiques et que des règles juridiques sont présentées comme en étant les conditions de réalisation que les régimes se disent ainsi démocratiques, et les Etats qui les organisent des états de droit[6]. Le droit se présente comme une sorte de boîte à outils destinée à permettre l’établissement d’une organisation politique et sociale considérée comme la plus souhaitable pour l’homme.
Boîte à outils et ingénierie constitutionnelle.
On croit, ou on a cru longtemps à la possibilité d’une ingénierie constitutionnelle, c’est-à-dire d’une science de la règle constitutionnelle telle que, avec un agencement spécifique de règles, on obtiendra presque nécessairement un certain résultat. C’est ainsi que, forts de l’adoption de leurs constitutions « modèles », élaborées avec l’aide des « pèlerins constitutionnels » européens et américains, beaucoup des pays de l’Europe centrale, orientale et de l’Est ont pu, dans les années 1990 et 2000, revendiquer leur appartenance à l’état de droit et à la démocratie. Ce processus historiquement récent laisse très bien apparaître la nature profonde du droit telle que considérée dans la doctrine de l’état de droit : le droit est en fait un instrument au service de l’homme, qui veut remplir un dessein particulier, c’est-à-dire une organisation politique et sociale déterminée. Mais les visées de l’état de droit étant considérées comme philosophiquement acquises, celles-ci n’étant pas loin d’être devenues indiscutables au plan de la « morale », c’est sur la règle exclusivement que s’est portée la réflexion, détachée de son origine, pour ne devenir que technique « au service de ». La pensée sur le droit, la pensée constitutionnelle notamment, s’est donc déployée presque séparément de la pensée sur le politique, l’économique, le social ou le culturel, parce que seconde par rapport à elle, tout en maintenant la référence constante et auto-suffisante du bon gouvernement. Comme technique, le droit, dans la théorie de l’état de droit, est sans cesse à améliorer et sophistiquer au service d’une ambition plus grande. Plus, depuis l’avènement de la théorie de l’état de droit au rang de principe nécessaire de gouvernement dans les régimes de l’Ouest se revendiquant de la démocratie, le droit n’est intéressant comme droit que s’il contribue à la construction d’un état de droit. Droit et société n’auraient ainsi de destin commun pensable et acceptable que dans la mesure de l’état de droit. Depuis longtemps maintenant, donc, la « science du droit » ne présenterait un intérêt sociétal que s’il paraît possible d’identifier des mécanismes techniques qui permettent ou empêchent tel ou tel type de résultat, à l’instar d’autres sciences sociales d’ailleurs[7]. Le droit constitutionnel est envisagé la plupart du temps comme une science de résultat. Peut-on alors s’étonner de ce que les uns et les autres, politiques et gouvernants, oeuvrant pourtant à des destinées sociales et politiques diverses, utilisent le droit, le même droit souvent ? Le discours des politiques tend ainsi partout à faire de la constitution un instrument « au service de », permettant que tous souhaitent adapter la norme à leurs ambitions, qu’elles puissent être indifféremment considérées comme bonnes ou mauvaises. Et en matière constitutionnelle, l’instrumentalisation est facilitée par sa malléabilité intrinsèque et surtout l’adhésion du politique à une norme qu’il veut pouvoir changer.
La malléabilité constitutionnelle en question.
Plagiant le titre d’un ouvrage, notre civilisation est devenue morale[8] et, dans les dites démocraties historiques de l’ouest, il y a encore une « gêne » à réaliser certains changements constitutionnels. Mais il n’y a guère de doute sur le fait que, dans ces régimes, tous les discours des autorités politiques (investies ou prétendant à l’être) manifestent une croyance dans la nécessité que la règle puisse évoluer, changer, être réformée pour être adaptée à leur volonté nouvelle, esprit nouveau ou réel du corps social représenté. L’évidence est telle que personne ne songe ni à contester la nécessité que la constitution puisse s’adapter ni donc à en interroger les conséquences du point de vue de la signification profonde du droit constitutionnel. Il est certain que la croyance dans l’autorité d’une règle constitutionnelle per se a fait son temps : la sacralisation de la Constitution relève du seul registre de l’incantation et n’a aucune réalité pratique. Depuis toujours la norme constitutionnelle a suivi ses acteurs. Aujourd’hui, du fait notamment du contrôle de constitutionnalité, la norme constitutionnelle en vigueur s’applique certes, mais, il n’est pas question qu’elle ne puisse pas être changée si nécessaire[9]. Il n’existe pas de supra ou de super constitutionnalité qui en contraindrait l’usage ou même la révision. L’hypothèse même de la supra ou super constitutionnalité, dépend toujours de la Constitution elle-même qui pose le principe de la primauté de certaines règles, et de l’interprétation des différentes autorités constitutionnelles à un moment donné, et notamment du « juge » constitutionnel. Or, non seulement la primauté posée par la Constitution est elle-même la victime potentielle d’une révision de la Constitution[10], mais en plus la fragilité du juge constitutionnel est apparue au grand jour dans des régimes d’Europe centrale et orientale (le Pologne et la Hongrie surtout) qui, par des réformes successives, affaiblissent le juge constitutionnel dans sa capacité à constituer un véritable organe de contrôle distinct du gouvernement et/ou du parlement, par ailleurs maîtres de la révision constitutionnelle. La structure intrinsèquement malléable de la Constitution est considérée comme une vertu – et l’a toujours été, moyennant quelques débats – à laquelle adhèrent de fait tous les gouvernements en place, qu’ils souscrivent ou non à la théorie de l’état de droit comme bon mode de gouvernement. C’est la règle pour elle-même qui est ainsi valorisée, détachée de toute interrogation sur ses fondements.
Le droit et le contexte
Intrinsèquement fragile, la règle juridique constituerait pourtant l’alpha et l’oméga de l’état de droit parce que, surtout, il semble qu’on ne parvienne pas à s’accorder sur autre chose que la règle. C’est sans doute parce que cet « autre chose » comprend tous les imaginaires, les théories, les philosophies, les économies et les fantasmes divers à partir desquels et avec lesquels les hommes vivent. Il y a sans doute autant de manières de vivre les normes que d’occasions qu’elles soient adoptées et appliquées. Cela relève de l’évidence et personne ne le nie vraiment d’ailleurs. Mais cela n’a en rien empêché qu’on veuille résolument toujours passer par la règle, technique censée avoir été éprouvée au service d’une cause non discutée. La difficulté est que la réalité montre toujours qu’apprécier l’ « effet » d’une règle n’est possible que si on prend son contexte économico-social au sérieux[11]. Mais une autre réalité, celle de la pensée, aussi bien politique (à travers les différentes institutions) qu’universitaire, est que, dans l’immense majorité des cas et des analyses, la prise en compte du contexte est expédiée, ou traitée à la façon d’un « décorum chic »[12]. Cette manière d’ignorer le contexte sans le dire a – inévitablement ? – pour effet de faire basculer la science du droit constitutionnel dans le lot des idées inutiles, car en quelque sorte pensées « pour rien », ou, du moins, pour quelque chose qui n’est pas ce qu’on prétend penser. Sans doute est-il impossible de faire une science exacte – et donc parfaite ou pure ? – du contexte du droit et du droit constitutionnel en particulier, tant ce contexte comprend de choses : de l’histoire, de la culture, de la psychologie, de l’économie, etc.. Mais cette impossibilité doit-elle conduire les juristes à préférer une science élaborée autour des seuls énoncés normatifs, quitte à être condamnés à la misère heuristique ?
Des travaux existent pourtant, mais la plupart du temps « à la marge » du discours du droit et sur le droit. Par exemple, il y a eu dans les années 1980, 1990 et 2000 des travaux comparatifs qui ont été faits sur les processus de socialisation juridique en France, en Pologne, en Hongrie et en Russie, sous l’égide et la direction de Chantal Kourislky. A propos de la Pologne, cette dernière rappelle[13] que « bien que l’enseignement de l’histoire dans les établissements scolaires français et polonais enquêtés » en 1987 « aient, dans les deux pays, diffusé une notion classique similaire de l’Etat faisant appel aux trois éléments de territoire, de population et de gouvernement, l’intériorisation par les élèves d’une représentation sociale de l’Etat prépondérante dans chaque culture juridique nationale a entraîné chez eux la formation de représentations de l’Etat assez différentes »[14]. « L’on voit dans les réponses que le poids de l’histoire, de l’expérience et sans doute aussi de la conception politique dominante aboutit à faire privilégier par les jeunes français la notion de pouvoir politique exercé par le chef de l’Etat et le Gouvernement cependant qu’en Pologne, la notion d’Etat donne le premier rôle à la communauté nationale (…) »[15]. Ces travaux, s’il était besoin, ont bien montré qu’un même type d’éducation au droit, ou ici à l’Etat, ne donne pas toujours les mêmes résultats, ne produit pas les mêmes valeurs, ou l’attachement à un même contenu[16]. Un tel constat emporte avec lui une exigence quasi morale, celle que, si l’on veut penser la règle, penser aussi la société est une nécessité. Mais cette exigence est presque toujours sacrifiée sur l’autel des antiennes du moment, à l’instar du temps dont on ne dispose pas, et qui conduit à privilégier, toujours ou presque, une analyse de la règle seule. Par exemple, répondant en 2015 à la saisine du président de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur la question des restrictions constitutionnelles, légales ou réglementaire à l’exercice de la liberté d’expression des juges en droit comparé, la Commission de Venise indique qu’elle « se bornera à présenter les dispositions législatives et constitutionnelles nationales relatives à la liberté d’expression, à la liberté d’association, au droit de réunion pacifique et aux droits politiques des juges, et à analyser de façon abstraite la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression des juges ». Ce « bornage » n’est pas anodin puisque la saisine demandait notamment si « le contexte – crise démocratique ou renversement de l’ordre constitutionnel –» est « pertinent pour déterminer l’applicabilité de ces restrictions », ce à quoi la Commission n’entend donc pas vraiment répondre, invoquant surtout une question de temps[17]. De temps il est vrai, et de moyens correspondants, la Commission manque certainement. Mais c’est la priorisation des tâches impliquée par ce manque de temps qui peut être discutée, car elle aboutit donc toujours à la même chose : on fait comme si, a minima, penser la règle seulement était un préalable, tandis qu’il me semble au contraire que règle et société ne peuvent être que pensées dans un même mouvement. Une telle démarche a des conséquences : penser d’abord les règles de l’état de droit hors contexte permet surtout qu’elles puissent le servir ou le contrarier.
L’instrumentalisation de la règle de droit.
L’Europe s’affiche ainsi relativement troublée par les changements institutionnels et normatifs se produisant depuis quelques années dans les pays du groupe dit de Visegrád emmenés par le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, en enclenchant à l’encontre de la Pologne (en 2017), puis de la Hongrie (2018) une procédure menant au constat d’une infraction à l’état de droit[18]. Hélas, s’il s’agit de pointer la situation de la Pologne, et surtout de la Hongrie, vis-à-vis de l’état de droit, par l’instrumentalisation du droit, rappel peut être fait de ce que cette conception instrumentale de la règle de droit qui permet son dévoiement est pourtant propagée très clairement par les différentes institutions de promotion de la notion. La chose est connue depuis longtemps, s’agissant des règles de droit en général[19], et s’agissant de la constitution en particulier[20], quoique l’idée d’instrumentalisation soit le plus souvent articulée dans le but de montrer une « mauvaise » instrumentalisation et non son principe même. Mais quelques exemples spécifiques peuvent facilement conforter l’idée avancée ici : ce document produit en 2017 par le Haut-Commissariat des Nations Unies en 2017 est très clair par exemple en s’intitulant « Les instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit »[21]. On trouve aussi dans la Liste des critères de l’état de droit établie en 2016 par la Commission de Venise précitée l’idée que cette liste « pourrait constituer un outil précieux d’évaluation qualitative des indicateurs de l’Etat de droit dans le contexte des ODD (Objectifs de Développement Durable). Sur le site français vie-publique.fr (Au cœur du débat public), une page datant du 30 juin 2018 sur l’état de droit exprime également les choses très clairement : « En faisant du droit un instrument privilégié de régulation de l’organisation politique et sociale, il (l’état de droit) subordonne le principe de légitimité au respect de la légalité »[22]. La Commission européenne, très friande des « instruments », a elle-même créé en 2006 L‘« Instrument Européen pour la Démocratie et les Droits de l’Homme » – acronymisé IEDDH comme il se doit – qui consiste à « fournir une aide au développement et à la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit », l’instrument étant en fait financier. La doctrine n’est pas en reste, qui peut dire par exemple que les « seuils minimaux » de respect des différents critères de l’état de droit « sont des exigences absolues du concept d’État de droit ; ils relèvent d’un devoir, qui est satisfait ou pas »[23] et qualifier l’état de droit d’instrument du point de vue de la philosophie du droit : « Formel, l’État de droit n’est pas une valeur, mais il est l’instrument de réalisation d’une valeur »[24]. Plus clairement encore, Dominique Rousseau indique à l’occasion d’un article paru dans le quotidien Libération le 17 août 2016 que dans le travail de construction de l’Etat « qui permet aux hommes de sortir du communautarisme «naturel» et de se percevoir dans une relation politique d’égalité », « le droit, et en particulier la Constitution, est et reste l’instrument le plus efficace »[25].
La notion d’instrumentalisation du droit est trop souvent considérée comme le fait d’user de celui-ci à des fins peu avouables, mais il faut bien comprendre que, strictement, on peut parler d’instrumentalisation à partir du moment où le droit et les règles sont assimilés sans beaucoup de discussions à des instruments et des outils, ce qui est le cas très clairement aujourd’hui, et l’est depuis que s’élaborent différentes propositions autour de la notion d’état de droit. Cela emporte comme conséquence nécessaire que tout ou presque puisse être dit ou fait au nom des mêmes principes et règles.
Les effets du caractère instrumental de la théorie de l’état de droit : un cas.
Une analyse du processus aboutissant à une quatrième révision constitutionnelle de la constitution de la Hongrie (tout juste entrée en vigueur) est très éclairante à ce sujet. Le gouvernement hongrois est alors en proie à toutes sortes de critiques sur sa constitution et les révisions qu’il y a déjà apportées. Les critiques sont formulées par des institutions de l’Union Européenne, certains des Etats membres de l’Union, le Conseil de l’Europe et en particulier la fameuse Commission dite de Venise dont l’activité consiste précisément à convaincre d’établir une démocratie par le droit[26]. La Cour constitutionnelle hongroise d’alors avait elle-même été conduite à la critique en censurant des dispositions des premières révisions constitutionnelles (pour des questions de procédure) ainsi que des dispositions législatives au motif qu’elles ne relevaient pas de la loi. Reprenant certaines des dispositions censurées par la cour constitutionnelle, l’Assemblée nationale a donc adopté un 4ème amendement à la constitution le 11 mars 2013. Au regard des critiques formulées de toute part, le Premier ministre hongrois à l’initiative de la révision décida de recourir à l’avis technique et scientifique d’éminents juristes issus du monde européen pour statuer sur la conformité du projet de révision aux normes et standards européens[27]. Les standards auxquels il est fait référence correspondent aux résultats des évolutions de l’ingénierie constitutionnelle, boîte à outils juridiques de la démocratie et de l’état de droit, en Europe et ailleurs, qui ont ainsi permis aux institutions nationales, régionales et internationales, de formuler des règles en forme de « mode d’emploi » pour parvenir à des situations politiques souhaitées : la démocratie et l’état de droit. Le recours à la notion de standard est courant aujourd’hui, et son principe compris, en ce sens qu’un non respect des standards est analysé comme le signe tangible de la non conformité du régime aux principes de la démocratie et de l’état de droit[28]. C’est ainsi que les pays entrants dans l’Union européenne à partir de la fin du XXè siècle ont été observés à l’aune de la conformité de leurs organisations politiques et de leurs normes à ces standards de l’état de droit élaborés par les différentes institutions européennes. La non conformité de la pratique gouvernementale hongroise à ces standards a été souvent pointée du doigt en Europe depuis plusieurs années. A cet égard, l’avis rendu par les trois experts sollicités en 2013 contient une analyse très fouillée des différentes situations constitutionnelles en Europe, normes par normes, qui les conduit à trouver, en quasiment tous points de la réforme constitutionnelle envisagée un « équivalent » dans un pays Européen, auquel rien vraiment n’a été d’ailleurs reproché du point de vue du droit. Certaines dispositions sont ainsi « validées » analytiquement, et quelques autres discutées, ouvrant la voie du « contexte », auquel toutefois il n’est pas vraiment recouru. Par cette comparaison presque exclusivement « technique », la conformité peut être établie, et on se demande si une autre démonstration n’aurait pas pu être menée à l’identique. D’ailleurs la Commission de Venise par ailleurs saisie de la question par le secrétaire général du Conseil de l’Europe[29] formula des conclusions différentes[30], en mentionnant au passage l’importance du contexte[31], dont la portée réelle dans l’avis reste à interroger[32]. La délivrance des deux avis sur les mêmes questions, et aux réponses sensiblement distinctes, tend à donner corps à la mythologie incarnée par le dialogue du dramaturge Jean Giraudoux dans La guerre de Troie n’aura pas lieu. Dans une scène célèbre de la pièce, Busiris, le « plus grand expert vivant du droit des peuples », est invité par Hector à donner de ce qu’il a vu dans le port de Troie une interprétation « juridique » exactement inverse à celle qu’il vient de formuler, la chose étant permise par le fait que – outre la menace que subit directement Busiris – selon une formule maintes fois citée par les juristes, « le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination ». Les avis distincts des experts sur le projet de révision constitutionnelle en Hongrie ne sont que le résultat de l’idéologie du droit comme science objective et du droit constitutionnel comme détachable de tout contexte. Si donc la Commission de Venise parle de l’instrumentalisation de la Constitution par les autorités hongroises[33], elle semble ignorer que la théorie de l’état de droit qu’elle promeut s’appuie elle-même sur une instrumentalisation de la Constitution, mais à son service.
La lutte pour le droit plutôt que l’état de droit.
Le droit dans les sociétés humaines n’emprunte ni les mêmes voies ni ne dit toujours les mêmes choses, ni d’ailleurs ne se nomme ou ne se conçoit de la même manière[34]. C’est bien en tant que composante d’une communauté humaine que l’on peut l’identifier ici et là, sans qu’il réponde aux mêmes formes ni aux mêmes ambitions, sans qu’il soit même toujours aperçu comme droit. Mais, si le droit est pensé comme outil, l’homme alors lui enjoint certaines formes, qui le font alors être ou ne pas être, être utile ou inutile, efficace ou inefficace. La construction occidentale de l’Etat moderne s’est faite autour de cette idée de droit-outil qui a entraîné que l’organisation politique se présente d’abord comme un ensemble de règles[35]. Ce faisant, l’outil du droit, présenté comme premier, est « survalorisé » dans ses effets de structure. Le droit constitutionnel, en tant qu’ensemble de normes qui instituent et règlent l’exercice du pouvoir, est en fait une instrumentation, c’est-à-dire la réunion et l’organisation d’un ensemble d’instruments. L’existence de règles propres à constituer techniquement – voire mécaniquement – l’état de droit, peut ainsi ne constituer en rien un frein à une action ou une évolution contraire de l’exercice du pouvoir, qui le conduirait à ne pas respecter certains droits de l’homme considérés comme fondamentaux au regard d’un ensemble de valeurs. L’instrumentation moderne qu’est le droit ne comprend pas, en elle-même, de principes ou d’énoncés relatifs aux ambitions que les hommes poursuivent par et avec le droit, mais traduit peut-être elle-même une certaine vision des choses. Si une taxation sur les toilettes publiques établie par un empereur romain nous a légué l’idée que l’argent n’a peut-être pas d’odeur, il est possible que le droit n’en ait pas vraiment non plus. Bon à tout faire, le droit est perçu comme toujours à imaginer pour remplir des objectifs identifiés. Mais on constate encore d’assez grandes différences d’appréhension et d’analyse de ce phénomène : tandis que les institutions de promotion de l’état de droit ne paraissent pas toujours percevoir assez clairement qu’elles s’appuient sur une perception du droit comme outil, d’autres acteurs ont parfaitement intégré cette logique. L’idée d’arme du droit a ainsi fait florès, celle d’instrumentalisation aussi à partir de laquelle s’élaborent des stratégies d’usages du droit[36], donnant lieu à ce phénomène maintenant bien connu de forum shopping et de marché du droit[37]. Une conséquence de l’illusion de l’ingénierie juridique a été de passer sous silence les conditions dans lesquelles le droit se déploie et par quels biais. Or, un regard sur les évolutions des principes agissant dans la société contemporaine, qui valorisent le « tout technique » et les normes techniques d’efficacité et de productivité – le constat est à la fois ancien et récurrent – jette la lumière sur un grand paradoxe : la primauté du droit qu’énonce l’état de droit en l’érigeant au rang d’outil premier a favorisé mécaniquement l’usage instrumentalisé du droit. Et, désormais, les normes juridiques doivent elles-mêmes passer des tests d’efficacité et de bilans coûts-avantages[38]. Il s’agit de faire un droit efficace, et d’assurer une bonne gestion de la norme, celle-ci étant évaluée, époque oblige, en vertu d’un ensemble d’indicateurs – et d’instruments – élaborés par des experts[39]. Il n’y a pas loin à pouvoir considérer la conception du droit contemporain comme une main d’œuvre que l’on souhaite bon marché : indispensable, le droit ne représente pourtant aucune valeur en lui-même et doit se plier toujours aux nécessités du commerce, de la religion ou d’autre chose encore. Le droit est partout promu, érigé en valeur sacrée, là où il est partout discuté aussi, sans cesse soumis aux pressions. Interroger et approfondir la question des bons fondements et de la bonne place du droit dans l’espace social, politique et économique apparaît aujourd’hui presqu’impossible tant d’autres impératifs occupent l’espace d’une réflexion réduite de plus en plus souvent à l’urgente nécessité. Le droit, ainsi pensé en second, toujours, est voué à la contestation, à son inutilité, à sa manipulation, à sa ringardise même. Réduit à un outil, d’autres valeurs ont alors le champ libre pour s’imposer, éventuellement en passant par le droit qu’elles colonisent : ce peut-être l’économie, la religion ou le nationalisme, qui ne sont pas des outils mais des manières d’être dans lesquelles il semble que l’homme se reconnaisse plus volontiers et auxquelles il demande au droit de se plier. Pourtant, on continue de feindre de croire que l’homme pourrait se plier au droit dont on feint de croire qu’il serait bon en lui-même ou que, agencé comme ceci ou comme cela, et comme détaché de toute question sociale, il remplirait la promesse de liberté. Le refus à la fois dogmatique et pragmatique de cette liberté dans les régimes revendiqués « illibéraux » est le signe le plus tangible de l’idéologie jusqu’à présent largement ignorée du droit et de l’état de droit.
Lauréline Fontaine, Octobre 2018
[1] Vous pouvez retrouver les images et le son de l’ensemble du colloque à l’adresse suivante : https://www.facebook.com/DelphineODeputee/videos/vb.148315195709347/1922416541173541/?type=2&theater. Je remercie Guerric Cipriani et Jean-Thibaut Fouletier encore une fois pour leur relecture et leurs conseils.
[2] Voy. l’ouvrage qui a popularisé l’expression, L. Israël, L’arme du droit, 2009, la création en 2017 de la chaîne You Tube du Syndicats des avocats de France, L’arme du droit (…), et le discours de l’ancien vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé, à l’Unesco en 2010, L’arme du droit (en ligne : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-Interventions/L-arme-du-droit).
[3] Voy. pour une recension intéressante des théories de l’état de droit E. Millard, “L’état de Droit, idéologie contemporaine de la démocratie”, Bol. Mex. Der. Comp. vol.37 no.109 México ene./abr. 2004, en ligne : http://www.scielo.org.mx/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0041-86332004000100004)
[4] Au premier plan de ces institutions on cite le Conseil de l’Europe (et en particulier la Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit), Les Nations Unies (et en particulier le Comité des Droits de l’Homme), l’Union Européenne et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (et en particulier le Bureau des Institutions Démocratiques et des Droits de l’Homme). Parmi les documents récents de ces institutions sur l’Etat de droit, voy. not. Indicateurs de l’état de droit des Nations Unies. Guide d’application et outils de gestion de projet, 1ère éd., 2012 (en ligne : http://www.un.org/fr/peacekeeping/documents/rule_of_law_indicators.pdf) et Liste des critères de l’Etat de droit, Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit, 2016 (en ligne : https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD%282016%29007-f).
[5] A l’instar de la Liste des critères de l’état de droit de la Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit précitée : le premier critère qui est celui de la « légalité » comme par une série de questions auxquelles une réponse partout positive présume de la conformité au standard : « La primauté du droit est-elle reconnue ? i.Existe-t-il une constitution écrite ? ii.La constitutionnalité de la législation est-elle garantie ? iii.La législation est-elle adoptée dans les délais prescrits par la constitution ? iv.Le pouvoir exécutif se conforme-t-il dans son action à la constitution et aux autres normes de droit ? v.Les textes réglementaires sont-ils adoptés dans les délais exigés par la loi ?vi.Existe-t-il un contrôle juridictionnel effectif de la compatibilité des actes et décisions du pouvoir exécutif avec la loi ?vii.Ce contrôle juridictionnel s’applique-t-il aussi aux actes et décisions des organismes indépendants et des acteurs privés remplissant des missions de service public? viii.Les droits de l’homme bénéficient-ils d’une protection juridique effective contre les atteintes émanant de personnes privées. »
[6] Les régimes constitutionnels en Europe se déclarent presque tous démocratiques, même lorsque le régime est constitutionnellement monarchique (l’article 1er de la Constitution espagnole indique que « L’Espagne constitue un État de droit, social et démocratique »). Au-delà de l’auto-proclamation, l’important est de déterminer comment ces régimes donnent substance à la notion. Or, un examen un peu approfondi montre que c’est le suffrage qui constitue le socle des démocraties et que celui-ci s’accomplit en suivant un ensemble de règles juridiques constitutionnelles et législatives sans lesquelles les différents régimes considèreraient qu’il n’y a pas de démocratie. La démocratie en Europe aujourd’hui, comme l’état de droit, est un dispositif d’ordre juridique.
[7] Claude Lévi-Strauss lui-même dans son recueil de textes constituant son Anthropologie structurale (Plon, 1958) n’est pas loin de penser la nécessité pour l’anthropologie de déterminer des causalités, tandis que récemment, lors de sa leçon inaugurale au collège de France en 2016, l’économiste Philippe Aghion explicite son intention de faire des « instruments » par la transformation d’un lien en causalité (Repenser la croissance économique, Fayard, 2016).
[8] Nicolas Baumard, Comment nous sommes devenus moraux, Odile Jacob, 2010.
[9] Voy. récemment l’entretien avec Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel français depuis 2016, publié par Le Monde du 27 septembre 2018, titrant ainsi à partir d’une phrase de l’interviewé : « Si les révisions sont bloquées, la Constitution peut s’affaiblir ». Le plus intéressant est la force symbolique de cette affirmation qui contraste avec la relative faible portée de l’exemple qui le soutient. Le président du Conseil constitutionnel indique en effet que « de nouvelles problématiques qui n’existaient pas en 1958 peuvent en effet surgir, comme par exemple, le fait que les anciens présidents de la République ne devraient plus siéger au Conseil constitutionnel » (je souligne). Or, la portée de cette disposition, aussi bien pratique que considérées dans l’ensemble normatif constitutionnel, est particulièrement limitée. Vestige de 1958, le mécanisme ne constitue cependant pas vraiment à ce jour un frein à la logique des institutions ou même à la prétendue justice constitutionnelle qui aurait bien besoin d’autre chose pour s’accomplir que d’une suppression symbolique d’une disposition à l’effet limité. Malgré mention de ce qu’il ne s’agit ici que d’un exemple, il constitue à la fin de compte le « tout » de l’argumentation de l’interviewé.
[10] C’est une question logique connue (qui n’échappe pas aux juristes) : ce qui est inscrit dans la Constitution, même pour dire qu’il ne pourrait être question de révision en raison d’une supra-constitutionnalité ainsi affirmée, peut faire l’objet d’une révision et ainsi son esprit être réduit à néant.
[11] Voy. not. ce texte : Le texte constitutionnel est toujours un contexte. Quels outils pour « lire » les Constitutions ? (http://www.ledroitdelafontaine.fr/le-texte-constitutionnel-est-toujours-un-contexte/)
[12] C’est aussi bien souvent le cas du recours au « droit comparé », qui conduit bien des universitaires à égrener les règles qu’il trouve ici et là dans différents pays, sans s’interroger sur l’apport de cet égrenage, qui serait constitué de lui-même. Toute réflexion est ainsi évitée, et toute interrogation autour de l’espace du droit dans l’univers social ainsi écartée, par la force des choses.
[13] Ch. Kourilsky, « Socialisation juridique et identité du sujet », Droit et Société, n°19, 1991, p. 259 et s.
[14] Ibid. p. 261.
[15] Ibid. p. 265.
[16] Voy. not. Ch. Kourilsky-Augeven (dir.), Socialisation juridique et conscience du droit. Attitudes individuelles, modèles culturels et changement social, LGDJ, 1997.
[17] Avis n°806/2015, Rapport sur la liberté d’expression des juges, juin 2015, en ligne : https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD%282015%29018-f
[18] C’est, en vertu de l’article 7 du Traité sur l’Union Européenne, la Commission Européenne qui a demandé au Conseil de l’Union Européenne en décembre 2017 de procéder à la constatation du « risque clair de violation grave des valeurs visées à l’article 2 » (dont celle de l’état de droit), et le Parlement Européen qui en a fait de même concernant la Hongrie en septembre 2018. Dans les deux cas, le Conseil n’a pas encore procédé à cette constatation (qui requiert la majorité des quatre cinquièmes des Etats membres) ni même ne l’a mis encore à l’agenda de ses réunions.
[19] Voy. par exemple P. Lascoumes et P. Le Galès (dir.), Gouverner par les instruments, Presses de Sciences Po, 2004.
[20] Voy. par exemple D.-G. Lavroff, « L’instrumentalisation de la Constitution », dans La constitution dans la pensée politique, Actes du colloque de Bastia, 7-8 septembre 2000, Aix -en-Provence, PUAM, 2001, p. 440.
[21] En ligne : https://www.ohchr.org/Documents/Publications/RuleoflawVettingfr.pdf . Le « double langage » tenu par les institutions doit bien être compris : « ce document ne saurait dicter le choix des stratégies et des programmes, lequel doit se faire sur le terrain à la lumière des circonstances propres à chaque situation postconflictuelle ; le présent instrument est néanmoins conçu pour fournir aux missions de terrain et aux administrations de transition les données de base requises pour les conseiller utilement quant à la mise au point de processus assurant que les personnes dont l’intégrité est déficiente sont exclues des institutions publiques, et ce conformément aux normes et aux meilleures pratiques internationales en matière de droits de l’homme. La création de ces instruments n’est que le début d’un engagement de fond du HCDH pour la formulation de politiques concernant la justice de transition » (je souligne).
[22] http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/qu-est-ce-que-etat-droit.html
[23] D. Godefridi, “État de droit, liberté et démocratie”, Politique et Sociétés, 2004, 23(1), pp. 143 et s., en ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/ps/2004-v23-n1-ps771/009510ar/
[24] Ibid. Voy. aussi André Moine, « L’État de droit, un instrument international au service de la paix », Civitas Europa 2016/2 (n° 37), p. 65-93 , en ligne : https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2016-2-page-65.htm
[25] Je souligne. D. Rousseau, « Mon plaidoyer pour l’état de droit », Libération, 17 août 2016, https://www.liberation.fr/debats/2016/08/17/mon-plaidoyer-pour-l-etat-de-droit_1473037
[26] Sa mission lui ayant donné son véritable nom de « Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit ».
[27] Avis sur le quatrième amendement de la Constitution de la Hongrie, par F. Delpérée, P. Delvové et E. Smith, 2013.
[28] Je rappelle que la notion de « standard » relève originellement du registre langagier de la normalisation industrielle. Le Dictionnaire Larousse ne laisse aujourd’hui aucune ambiguïté sur les effets de la standardisation en disant qu’il s’agit d’une « réduction de la diversité des conduites à des comportements conformes aux normes sociales ».
[29] La Commission avait été saisie de la compatibilité du 4ème amendement avec les normes de l’institution et elle avait aussi été saisie par le ministre des affaires étrangères hongrois sur la question spécifique des « engagements internationaux découlant de l’appartenance de la Hongrie du Conseil de l’Europe ».
[30] Commission Européenne pour la Démocratie par le Droit, Avis 720 / 2013, juin 2013, en ligne : https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD%282013%29012-f
[31] « En droit constitutionnel plus que dans d’autres domaines juridiques, il est nécessaire de prendre en considération non seulement l’intérêt apparent d’une disposition, mais aussi le contexte constitutionnel dans lequel elle s’inscrit. Le simple fait qu’une disposition figure dans la constitution d’un autre pays ne signifie pas qu’elle convienne aussi dans une autre”, p. 33 de l’Avis précité.
[32] Il y a un véritable effort réalisé en ce sens et quelques réflexions éclairantes sur la portée d’un contexte, à l’instar de ce qu’il n’est pas possible de comprendre de la même manière des mesures de lustration adoptées à des époques très différentes, immédiatement après ou plus de 20 ans après la transition démocratique (p. 7 et s. de l’Avis). Mais l’importance du dispositif juridique « en soi » réapparaît lorsqu’il s’agit de trouver un moyen de contourner le fait que, techniquement, les dispositions envisagées correspondent à ce qui plusieurs fois a été admis au titre de la légalité démocratique, par la Cour Européenne des Droits de l’homme par exemple, à l’instar de la question de la réglementation de la publicité concernant les partis politiques (p. 11 et s. de l’Avis)
[33] p. 32 de l’Avis. On note que Eivind Smith, l’un des auteurs de l’ « autre » avis – en quelque sorte « privé » puisque rendu au nom propre de ses auteurs – est aussi celui d’un ouvrage intitulé The Constitution as an Instrument of Change, Stockholm, Författarna och SNS Förlag, 2003.
[34] Voy. not. L. Assier-Andrieu, Le droit dans les sociétés humaines, Nathan, 1996.
[35] Voy. pour les meilleures pages à ce sujet chez Michel Foucault, Histoire de la sexualité. 1. La volonté de savoir, tel Gallimard, 1976 (partie IV sur Le dispositif de sexualité).
[36] Voy. note 2, à laquelle il convient d’ajouter les références suivantes, à titre d’exemple :A. Masson, H. Bouthinon-Dumas, V. de Beaufort (dir.), Stratégies d’instrumentalisation juridique et concurrence, Larcier, 2013 ou A. Masson, L. M. Shariff, (Eds.), How Corporations Use Law to Improve Performance, Springer, 2009.
[37] L’expression n’a peut-être pas encore envahi les facultés de droit mais elle est aujourd’hui usuelle chez beaucoup d’acteurs économiques qui font usage de stratégies d’instrumentalisation du droit (voy. pour un exemple parmi de nombreux autres, les propos du Président du projet « Open Law » : « Lorsque l’on considère le marché « classique » du droit, il y a fort à parier que de plus en plus de juristes vont se lancer dans des projets entrepreneuriaux, des projets LegalTech, et vont faire du droit l’objet du service proposé », http://guidedubigdata.com/jean.html) . Pour une analyse sérieuse du « droit sur le marché des normes », voy. A. Supiot, « Le droit du travail bradé sur le marché des normes », Droit social, 2005, pp. 1087-1096.
[38] Voy. mon texte sur « Effectivité et Droit de l’Union Européenne sous le regard d’une analyse sociétale », in A. Bouveresse et D. Ritleng, L’effectivité du droit de l’Union européenne, Bruylant, 2018 (en ligne : http://www.ledroitdelafontaine.fr/effectivite-et-droit-de-lunion-europeenne/)
[39] C’est ainsi que, dans le cadre de la mission parlementaire d’évaluation des politiques publiques (une notion absente de la version initiale de la Constitution de 1958 et inscrite par la révision du 23 juillet 2008 dans les articles 24 et 48 et créant spécifiquement les articles 47-2 et 51-2), ceux-ci envisagent la création d’un « organe d’expertise propre » et définissent l’opération ainsi : « Lorsque l’examen du Parlement porte sur l’ensemble d’une politique publique, on parle désormais, au moins depuis la révision constitutionnelle qui a élevé ce concept au rang constitutionnel, d’évaluation, notion qui fait appel à la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance et qui requiert une approche méthodologique inspirée des sciences exactes, reposant sur un grand volume de données. L’évaluation s’attachera notamment à mesurer l’adéquation et l’économie des moyens consacrés à l’atteinte des objectifs, afin de statuer sur l’efficacité ou l’efficience de l’action publique » (je souligne), Pour une nouvelle Assemblée nationale. Les rendez-vous des réformes 2017-2022. Première conférence des réformes. Propositions des groupes de travail, Les moyens de contrôle et d’évaluation, Rapport, décembre, 2017, en ligne : http://www2.assemblee-nationale.fr/static/reforme-an/contr%C3%B4le/Rapport-1-GT4-contr%C3%B4le.pdf.