Bilan et réflexions sur une éthique de la justice constitutionnelle à la lumière de ce qu’en font et de ce qu’en disent ses acteurs. Que doit-on attendre d’une réforme – nécessaire – du conseil constitutionnel ?
Cette étude paraît dans l’ouvrage dirigé par Elina Lemaire et Thomas Perroud, Le Conseil constitutionnel à l’épreuve de la déontologie et de la transparence, éditions de l’IFDJ, mai 2022, pp. 151- 197. Je remercie les deux auteurs d’avoir accepté sa publication sur ce site.
En 2020, à l’occasion d’une séance d’un séminaire de Master que j’anime à la Sorbonne Nouvelle et portant sur la question de l’organisation et du statut du Conseil constitutionnel et de ses membres, un étudiant scrupuleux qui s’était rapproché de deux d’entre eux, se vit finalement signifier par l’un d’eux qu’il mettait fin aux échanges en raison de ce qu’il ne relevait pas de son rôle de faire « polémique », et l’autre ne donna plus de nouvelles. L’origine de cela est le texte que lui avait envoyé l’étudiant et intitulé « Qui a peur d’une juridiction constitutionnelle ? »[1], faisant état des lacunes entourant la composition et le fonctionnement du Conseil constitutionnel considérés d’après les exigences de l’État de droit et de la démocratie désormais standardisées au niveau des institutions internationales et de la doctrine[2]. L’avantage de qualifier un débat de « polémique » est de le dissoudre, puisqu’il n’est pas seulement question d’attitude critique mais aussi d’une attitude « agressive », donc inadmissible dans le milieu institutionnel et académique. Le problème que pose l’invocation de la notion de « polémique » est ici d’opérer une confusion entre la critique et son éventuel caractère polémique. En effet, la fonction critique relève du sens même de l’activité scientifique qui s’est construite sur l’héritage cartésien du doute systématique, et plus récemment sur l’ambition bachelardienne de dépasser les premières idées.
Et de fait, les premières idées à propos du Conseil constitutionnel sont celles dispensées dans le cours de première année de droit constitutionnel à l’Université ou d’initiation au droit constitutionnel dans d’autres établissements, faisant que, pendant plusieurs décennies, la question de l’examen du statut et du fonctionnement du Conseil constitutionnel n’a constitué un « sujet » que pour les grincheux et autres saboteurs de la justice constitutionnelle. Bien que chacun puisse s’en défendre – les uns et les autres n’étant pas toujours avares de remarques « critiques » à l’égard du Conseil constitutionnel il est vrai -, l’effet de groupe a plutôt été de conforter la légitimité conférée à la justice constitutionnelle française[3] et à l’institution censée la rendre, enfin à l’œuvre en France. A l’exception de la possibilité pour les anciens présidents de la République de venir siéger au Conseil constitutionnel, aucune autre question n’a vraiment fait l’objet de tribunes des professeurs dans l’espace public, et on n’a ainsi pendant longtemps rien dévoilé des insuffisances crasses de l’institution. L’invocation encore aujourd’hui d’une « polémique » concernant le Conseil constitutionnel prend donc à la fois acte de ce que le stade de l’exercice de la fonction critique à son propos est encore embryonnaire, et de la collusion entre deux mondes, celui institutionnel du sujet d’observation et celui institutionnel du sujet observant : l’un et l’autre, conseil et doctrine s’entendent fort bien.
Ça n’est en soi pas une mauvaise chose, et ça le serait encore moins si on ne pouvait faire le constat des graves anomalies juridiques, statutaires et démocratiques qui affectent le Conseil constitutionnel français. Mais ce constat existe aujourd’hui, et le présent colloque en fait – enfin – un véritable sujet scientifique. Dans cette ligne, il eut été ainsi plus acceptable que la fin de l’échange initié par notre étudiant fut fondée sur l’impossibilité, en tant que sujet d’observation, de participer à sa propre observation scientifique[4]. Au-delà de l’évidente maladresse de la personne siégeant au Conseil constitutionnel qui refuse d’entrer dans une polémique qui est en réalité un débat scientifique d’intérêt général, sa posture est le résultat de ce qu’il est impossible de parler du statut et du fonctionnement du Conseil constitutionnel sans être amené à s’interroger sur le sens de l’occupation d’un siège en son sein. A mon sens, siéger aujourd’hui au Conseil constitutionnel sans se préoccuper véritablement de ces questions est une faute éthique pour qui veut bien considérer avec sérieux la qualité d’Etat de droit et de démocratie du régime français, même s’il est vrai que ces deux notions, et singulièrement la première, se voient de plus en plus fréquemment ringardisées au regard de la supériorité invoquée de la nécessité de gérer les « crises ». En la matière, le « droit » s’avère tout simplement un frein inacceptable.
Quoi qu’il en soit, les missions et les compétences du Conseil constitutionnel font théoriquement partie d’une organisation politique ainsi labélisable d’« Etat de droit » et de « démocratie »[5]. En principe, les conditions d’exercice de ces missions et compétences sont déterminantes pour obtenir le « label ». Qu’on y songe en effet : contrôle de la constitutionnalité des lois, a priori depuis 1958 et a posteriori depuis 2010, examen de conformité des traités internationaux à l’ordre constitutionnel, régulation de la répartition des compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, contrôle de la constitutionnalité du fonctionnement des assemblées (par le contrôle de leur règlement intérieur et par la justice de leurs élections), autant de missions du Conseil constitutionnel dont l’ensemble des institutions internationales et européennes et de la doctrine des différents pays qui y participent, considèrent aujourd’hui que, pour caractériser un Etat de droit libéral et démocratique, elles ne peuvent être exercées que par un organe à la fois indépendant des autres pouvoirs et présentant des garanties entourant habituellement l’organisation de la justice. Autrement dit, un véritable juge pour exercer la justice.
Il n’est qu’à observer la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’homme à propos de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, pour apercevoir que, « dans le cadre d’une société démocratique » comme elle l’indique, les exigences formelles et matérielles qui rendent un juge légitime à juger sont assez nombreuses[6], et que le Conseil constitutionnel ne les réunit pas. De l’ensemble de ces exigences découle d’ailleurs une philosophie assez claire sur l’idée que l’on se fait d’un véritable juge, et on peut être étonné de ce que la France, qui a depuis longtemps connu un mouvement visant à organiser un système judiciaire par lequel le droit sera mis en œuvre par des juges théoriquement compétents, indépendants et impartiaux, se satisfasse, s’agissant de la justice constitutionnelle, d’un organe dont l’indigence en la matière est patente, surtout comparé aux autres cours constitutionnelles et suprêmes exerçant les mêmes missions. A cet égard, on ferait bien de ne pas rester satisfaits de la situation au regard de ce que la justice constitutionnelle se détériore dans des pays proches, à l’instar de la Pologne dont les déboires relativement à la composition et au fonctionnement de sa cour constitutionnelle agitent les débats en Europe sur l’Etat de droit depuis 2015[7]. Le « il y a toujours pire ailleurs » implicitement agité n’est pas un argument digne dans une organisation qui se revendique de l’Etat de droit et de la démocratie.
Puisque le sujet en France ne faisait jusqu’à aujourd’hui pas véritablement sujet, ne suscitant que des études isolées[8], l’illusion est depuis longtemps donnée que la justice constitutionnelle y est conforme aux principes de l’Etat de droit et de la démocratie[9]. La répétition de tribunes médiatiques depuis quelques années n’a pas suffi à mobiliser sur cette question[10], sans doute aussi parce qu’elles ne paraissaient que manifester un « sentiment » de certains professeurs, et ne semblaient pas traduire une préoccupation doctrinale majeure. Comme l’indiquait Guillaume Drago en 2003 dans la revue Pouvoirs, « Traiter ici de la réforme du Conseil constitutionnel pourra sembler irrévérencieux à l’égard d’une institution aujourd’hui très largement acceptée dans le paysage constitutionnel français »[11] et, lorsque Xavier Magnon plaide pour que le Conseil constitutionnel devienne une « cour constitutionnelle », il concède tenir des « propos iconoclastes »[12]. A bon entendeur. Il ne pouvait donc y avoir de mouvement de fond. Sans doute le présent colloque symbolise-t-il une autre ère d’évaluation doctrinale de la justice constitutionnelle en France à partir de la critique sérieuse et approfondie de l’institution qui exerce cette mission.
S’il s’agit de considérer l’importance du projet constitutionnel – et à la condition de la considérer -, nul doute que presque tout aujourd’hui dans la composition, le statut et le fonctionnement du Conseil constitutionnel, est de nature à jeter un doute sur la qualité de l’administration de la justice constitutionnelle (1). Si d’ailleurs il est vrai qu’il y a de nombreuses raisons de considérer qu’elle est en effet mal administrée par le Conseil, il n’est pas possible de l’affirmer sans revenir sur ce qui est censé faire l’intérêt de la justice constitutionnelle dans un régime comme le nôtre : aux questions « qu’est-ce qu’une bonne justice constitutionnelle ? » et « pourquoi ? », les réponses apportées ou non apportées sont la manifestation de l’impasse des postures doctrinales, à la fois politiques et épistémologiques, qui ne permettent pas d’entretenir un débat de fond sur la justice constitutionnelle. D’où il résulte la nécessité de repenser les outils d’évaluation de la justice constitutionnelle (2). Si l’on veut bien se détacher de ces postures traditionnelles et s’engager dans ce débat, on est conduit à faire cet intrigant constat que les effets de l’institution d’une « justice constitutionnelle » dans les régimes qui sont comparables au nôtre sont, peu ou prou, toujours les mêmes, indépendamment de la qualité de l’organisation de la justice constitutionnelle : intrigant et peut-être décevant constat, mais pas sans raisons (3).
1. Les différents fronts (trop) persistants pour la critique portant sur l’institution gardienne de la constitution française.
S’il s’agit donc de défendre l’idée que le contrôle de constitutionnalité est réellement pris au sérieux par les institutions politiques françaises qui en ont la responsabilité – et on peut douter qu’il le soit[13]-, l’ignorance persistante des problèmes structurels du Conseil, en premier lieu par ses propres membres, fait basculer celui-ci hors du bain de l’éthique. La légitimité institutionnelle des membres du Conseil constitutionnel, leur indépendance vis-à-vis des autres pouvoirs ou groupes d’intérêts, la légalité de leur rémunération, le respect du principe d’impartialité des juges, ou encore leur conception des incompatibilités avec la mission juridictionnelle qu’ils assurent, sont autant de fronts possibles et persistants pour la critique, autant d’anomalies qui continuent, en 2021, d’interroger l’idée même que le Conseil constitutionnel puisse être autre chose qu’un « conseil » et rendre la « justice » en matière constitutionnelle. Car si tout semble avoir été dit et ces questions largement balayées, l’institution demeure presque en l’état et même aggrave son cas au fil des années. Il est vrai que les critiques sur le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel apparaissent à beaucoup comme ringardes, mais leur pertinence demeure d’actualité. Le contexte change, notamment l’« ambiance sociétale », et les même paroles peuvent prendre des significations nouvelles, d’où la nécessité toujours d’y revenir, encore et encore (a). L’exigence encore formulée de nommer au Conseil constitutionnel des personnalités aux compétences juridiques éprouvées ne relèvent ainsi pas que d’un « apparent » bon sens et constitue clairement une condition de leur indépendance (b). A défaut, le Conseil constitutionnel continuera d’être un lieu de collusions entre différents acteurs (c) dont les conséquences sur le mode d’administration de la justice constitutionnelle sont désastreuses, analysées à la lumière de la complaisance qui l’entoure encore actuellement (d).
a) Le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel : les enjeux de la « dé-ringardisation » de la critique
Léon Duguit pourrait avoir définitivement sapé les espoirs de trouver une « bon » mécanisme de désignation des juges constitutionnels. En effet,« quand on y réfléchit, dit-il, on hésite et on se demande si véritablement il y aurait là une heureuse institution. D’abord, comment serait composée cette haute juridiction et comment ses membres seraient-ils nommés ? S’ils sont nommés par le Gouvernement ou le Parlement, il n’est à craindre qu’ils n’aient aucune indépendance. S’ils sont élus par le peuple, au suffrage direct ou à deux degrés, cette haute juridiction deviendra un corps politique et ne présentera pas les garanties d’impartialité qu’on lui demande. Si elle se recrute par cooptation, elle deviendra vite une sorte de corps aristocratique incompatible avec la démocratie moderne »[14]. Pragmatique, Jean-Marie Denquin, estimant que « le droit comparé montre qu’il n’est jamais possible de couper tout lien entre les dirigeants (…) et le mode de désignation des juges constitutionnels », conclut que le mieux que l’on puisse attendre « est un système qui exige, sinon un consensus des acteurs politiques, du moins l’accord de plusieurs tendances (élection par les assemblées à la majorité des deux tiers par exemple) et un choix limité à des juristes qualifiés »[15]. Le Conseil de l’Europe note ainsi qu’il y a plusieurs modes de désignation des juges constitutionnels, sans parfaitement établir de hiérarchie entre eux, mais en soulignant leurs qualités et défauts respectifs[16].
Abondamment critiquée depuis 1959[17], la désignation des membres du Conseil constitutionnel français pose néanmoins toujours problème : depuis 2008, la désignation des membres du Conseil par les présidents de deux assemblées parlementaires (chacun est responsable de la nomination de trois membres) est subordonnée à une audition préalable devant une commission de parlementaires ayant pour objet de valider les propositions faites, ce qui a été une avancée significative, mais il n’y pas eu encore de réelle manifestation qu’une proposition d’un président d’assemblée parlementaire pouvait faire « débat », lui laissant encore semble-t-il une très grande latitude dans ses choix[18]. Disons que, pour le moment, la voix des représentants ne pèse pas sur le choix des membres du Conseil constitutionnel. Le Président de la République nomme lui aussi trois membres. Soumis, eux aussi, à une audition devant une commission de chaque assemblée (à ce jour d’une faible portée), c’est parmi eux que le Président de la République nomme discrétionnairement le président du Conseil constitutionnel dont le rôle est décisif pour la marche de l’institution. Notamment, il désigne les rapporteurs pour chaque dossier, dont l’avis pourra être déterminant[19]. De l’aveu de Pierre Joxe qui est resté neuf ans au Conseil constitutionnel, il n’a été désigné rapporteur que trois fois, façon ainsi de neutraliser la portée de sa présence au sein du Conseil[20]. Comme le fait élégamment remarquer Constance Grewe, « on insinuerait moins la complicité entre le président du Conseil et celui de la République si ce dernier ne désignait plus le premier »[21]. Enfin, la persistance de l’existence de « membres de droit », qui a suscité depuis les débuts de l’institution le plus de commentaires, ne cesse pas de nous interroger quant à la manière qu’a le personnel politique de comprendre le rôle de la justice constitutionnelle[22]. C’est là le point majeur : maintenir ce mécanisme dit beaucoup du peu d’estime dans laquelle la justice constitutionnelle est tenue par le personnel politique et c’est suffisant pour continuer d’en parler.
b) Les compétences et qualités des membres du Conseil constitutionnel : au-delà de « l’apparent » bon sens, une condition de l’indépendance[23]
Il est également toujours remarquable que, majoritairement, compris ou non d’ailleurs les anciens présidents de la République, les membres du Conseil constitutionnel ne soient pas de véritables juristes au même titre que la plupart de leurs homologues étrangers. Afin de prévenir les contre-arguments, je précise que j’entends ici par « véritables » juristes, à la fois ceux qui détiennent des compétences acquises au titre d’une formation complète en et au droit, souvent longue, et une expérience significative de l’exercice de ces compétences mettant le droit au premier plan. Dans cet esprit, l’exercice du droit aura été privilégié à toute autre fonction ou mission par les autorités en charge de désigner les gardiens de la Constitution, impliquant en outre une forme d’indépendance structurelle de ces derniers : les fonctions de magistrat, d’avocat ou de professeur de droit confèrent ainsi le plus souvent à leur titulaire un statut d’indépendance vis-à-vis de tout pouvoir ou hiérarchie[24]. Alors même d’ailleurs qu’il ne défendait pas spécifiquement l’exigence de compétences au sein d’une cour constitutionnelle – en raison de l’exemple français qu’il fallait promouvoir – Louis Favoreu rappelle incidemment que la forte présence de professeurs d’université dans la plupart des cours constitutionnelles européennes soulignée comme une singularité et une spécificité européenne s’explique « par le fait que c’est dans leurs rangs que l’on a plus facilement trouvé des personnalités indépendantes lors du passage des régimes autoritaires aux régimes démocratiques »[25]. Ceci explique cela. S’agissant de la connaissance du droit, compétence et indépendance vont donc ensemble, et c’est là un fait assez peu souvent souligné. Si l’indépendance du juge constitutionnel doit sans doute être recherchée à partir de son statut, une expérience précédente de l’indépendance est loin d’être négligeable et elle apparaît même comme une garantie : l’indépendance s’apprend, elle se cultive même, ainsi que l’a relevé Noëlle Lenoir, ancienne membre du Conseil : « L’indépendance, comme l’honnêteté intellectuelle, est une condition de la légitimité morale de la fonction. C’est une exigence qu’il faut cultiver en permanence »[26]. La qualité d’indépendance est une « bonne » raison pour que l’on puisse considérer comme hautement souhaitable que les membres des cours constitutionnelles et suprêmes soient des hauts magistrats, des avocats de longue expérience, des professeurs de droit, également d’expérience. C’est d’ailleurs ainsi que se composent effectivement la plupart des cours constitutionnelles et suprêmes[27].
Indépendamment de leur mode de désignation et de leur politisation, les juges constitutionnels des cours constitutionnelles et suprêmes des régimes politiques comparables doivent donc leur légitimité à être d’abord de véritables juristes capables même, en raison de leur indépendance, de formuler des préférences politiques sans se décrédibiliser dans l’exercice de leur fonction, au moins idéalement. Que cela soit ou non exigé par les textes, on peut estimer qu’il y va de la manière dont on considère la justice constitutionnelle : politique sans doute (voyez plus loin cette question), mais pas sans une haute capacité à entrevoir, à travers la règle juridique, sa technique et parfois sa complexité, les enjeux sociétaux qui la traversent. C’est la raison pour laquelle la technique juridique est nécessaire mais insuffisante, qui conduit les autorités de nomination, dans les régimes comparables, à désigner en général des juristes en vertu de leurs opinions politiques, philosophiques et sociétales déclarées. Cela paraît en effet un minimum, même si des solutions mixtes peuvent être proposées[28].
Tel n’est pas le cas du Conseil constitutionnel français où le politique submerge la compétence juridique : quoi qu’on en dise, les « véritables » juristes y sont minoritaires (actuellement deux hautes magistrates, le cas de Michel Pinault posant difficulté puisque, en tant que telle, sa formation en droit est restreinte)[29], et l’expérience des autres membres a consisté à participer pleinement à l’exercice des pouvoirs (exécutifs, administratifs et/ou législatifs), dont ils doivent désormais assurer le contrôle, et ce alors donc qu’ils n’ont dans leur carrière que peu goûté à l’exercice indépendant de leurs fonctions. Ce point demeure fondamental à mon sens, et on doit constater que cette tendance s’est renforcée au fil des années. Lorsque même un professeur de droit est nommé, c’est en quelque sorte à la condition qu’il se soit caractérisé dans le passé par l’exercice durable de fonctions « au service » du politique plus que par l’exercice de sa qualité de professeur de droit indépendant[30]. Magistrat et docteur en droit, l’ancien président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, était par ailleurs fils d’un ancien Premier ministre et commence une carrière politique avant même d’exercer ses fonctions de magistrat (pendant 6 ans seulement), carrière qui le mènera jusqu’à la présidence de l’Assemblée nationale, puis à celle du Conseil constitutionnel. Le témoignage de Dominique Schnapper, qui a la particularité d’avoir été plutôt étrangère au monde politique, est très clair : « A mon arrivée dit-elle, j’ai d’abord été absorbée par mon apprentissage intellectuel – étudier la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel ».[31] Témoignant au moins de ce que la connaissance de la Constitution et de la jurisprudence est une nécessité, c’est néanmoins, et rapporté aussi à la lecture de son ouvrage, manifester la faiblesse de l’institution : en effet, ce qui est décrit du droit constitutionnel dans l’ouvrage est ni plus ni moins qu’une bonne introduction au droit constitutionnel[32], ce qui abaisse la valeur estimée de l’expertise. Alain Juppé, lors de son audition avant d’être nommé au Conseil constitutionnel en 2019, semblait même trouver sympathique, tout comme les parlementaires visiblement, de ne pas être un fin connaisseur de la Constitution[33].
c) Le Conseil constitutionnel : un lieu de collusions à plusieurs variables
La proximité quasi structurelle des membres du Conseil constitutionnel avec le pouvoir (on trouve dans ce corps des anciens Premiers ministres, des anciens ministres, des anciens parlementaires ou des titulaires des plus hauts postes administratifs des institutions politiques de la République), supplante donc, et de très loin, l’éventualité d’une compétence et d’une expérience en droit autant que l’indépendance que l’exercice d’une fonction de justice exige. Comme l’a relevé Thomas Perroud, « les collusions entre le Conseil et l’exécutif sont documentées depuis longtemps »[34], mais elles ne paraissent pourtant toujours pas susciter plus d’oppositions que cela. Au contraire même, cette situation est très souvent justifiée, par le personnel politique, par les membres du Conseil constitutionnel, et souvent aussi par les observateurs, comme découlant de la nature fondamentalement « politique » de la justice constitutionnelle, puisqu’il s’agit de se prononcer directement sur des lois adoptées par les représentants issus d’élections démocratiques. C’est toujours de ce point de vue que la justice constitutionnelle est présentée par le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, et toujours pas comme une garantie que la norme politique fondatrice du régime, la Constitution, est bien respectée par les organes institués : il y ainsi un « pouvoir considérable, dit-il, confié au Conseil constitutionnel, de censurer la loi votée par les représentants de la Nation »[35]. Présenter les choses ainsi permet d’éviter la question des enjeux plus grands de la justice constitutionnelle, alors même d’ailleurs que la qualité de « juge » est parfaitement revendiquée[36].
Les réticences anciennes du personnel politique français à l’égard de la justice constitutionnelle se sont presque toujours appuyées sur une lecture légitimiste et exclusive de l’élection : ce qui est décidé par les représentants élus au suffrage universel ne saurait être contrôlé et éventuellement censuré, même au nom de la Constitution de laquelle on ne considère pas que le juge tire seul sa légitimité. Un ancien membre du Conseil constitutionnel, Michel Ameller, exprime parfaitement une forme de subordination du travail du Conseil constitutionnel au travail parlementaire (pourtant très souvent d’abord un travail administratif et gouvernemental), en se référant à Montesquieu : la main tremblante qu’intime Montesquieu au législateur dans la révision de la loi au regard de la liberté, « doit, dit-il, s’imposer a fortiori au juge constitutionnel, doté du pouvoir plus considérable encore d’invalider sans appel l’œuvre des Représentants du peuple »[37]. Plus explicite encore est le témoignage de Jacques Barrot, ancien membre également, qui insiste sur l’idée que « ce serait une erreur de transformer le Conseil en cour constitutionnelle. Le juge constitutionnel ne doit pas se prendre pour le législateur mais corriger les éventuels excès d’une majorité »[38]. Pour le coup, la timidité décisionnelle du Conseil constitutionnel peut se justifier d’autant plus que ses membres ne disposent pas de compétences suffisantes[39] !
On a pu souligner que cette insuffisance de compétences en droit était aussi le cas de la plupart des parlementaires qui font les lois, et que, dès lors, si on n’en faisait pas le reproche aux parlementaires, il n’y avait pas de raison non plus de le faire au juge constitutionnel[40]. Ce débat marque « l’impossibilité récurrente de situer l’exercice de ces fonctions dans une doctrine des fonctions de l’État »[41].
Les arguments articulés autour du caractère politique de la justice constitutionnelle suscitent plusieurs commentaires. En premier lieu, le travail d’élaboration de la loi relève de choix politiques à faire, tandis que la fonction de contrôle de la conformité ou de la compatibilité de la loi avec la Constitution, si elle porte indéniablement sur des questions politiques, consiste théoriquement et pratiquement à prendre acte de choix qui ont déjà été faits lors de l’acte constitutionnel. Théoriquement, c’est bien de cela dont il s’agit. Noëlle Lenoir indique en ce sens que « le métier de juge constitutionnel est passionnant car il confère le privilège d’avoir à s’intéresser à tous les grands choix de société en les rapportant aux valeurs exprimées par la Constitution »[42]. A proprement parler, le juge constitutionnel ne choisit pas, il vérifie que les choix qui sont faits respectent ceux dont on a admis qu’ils s’imposaient au législateur pour l’avenir. Autrement, la justice constitutionnelle perdrait de son sens. En second lieu, ce travail de vérification suppose une connaissance approfondie et toujours renouvelée par la discussion, des choix fondamentaux qui ont été faits par le texte constitutionnel : il ne peut donc être confié aux mêmes personnes qui font profession de faire la loi. En troisième lieu, l’absence de compétences juridiques des parlementaires, si on devait la comparer à celle des membres du Conseil constitutionnel, doit être relativisée par le fait que, très souvent, le texte initial de la loi a été rédigé par des hauts fonctionnaires, qui sont parfois des juristes, et par le fait que beaucoup de juristes exercent la profession de collaborateur parlementaire et tiennent ainsi leur plume. Chacun des parlementaires – près de 1000 – dispose de deux collaborateurs à temps plein, tandis que les membres du Conseil constitutionnel, au nombre minimal de 9 si l’on ne compte pas la présence ponctuelle d’anciens présidents de la République, n’en disposent d’aucun ! Contrairement à la plupart des cours constitutionnelles et suprêmes dans le monde, ils n’ont pas d’assistants, clerks ou legal advisers, eux-mêmes en général de « véritables » juristes[43] et on n’est pas choqué de constater que le Conseil constitutionnel, comme n’importe quelle entreprise, est doté d’un « service juridique », qui en plus ne comprend que quelques personnes[44] ! Le rôle du service juridique du Conseil, fortement souligné ces dernières années[45], et qui comprend des chargés de mission, docteurs en droit ou maîtres de conférences, montre tout à la fois que le travail n’est pas toujours réalisé par les conseillers (et on doit d’ailleurs se demander, si tel est le cas, pourquoi les décisions sont toujours aussi mal motivées), et que celui-ci n’est pas encore complètement considéré avec suffisamment de sérieux au regard de ses effectifs, comparés par exemple avec celui du tribunal constitutionnel allemand dont les membres sont pourtant de « véritables » juristes, chacun également assisté d’autres « véritables » juristes.
Compte tenu du travail à effectuer, la justification de la composition du Conseil constitutionnel apparaît plus relever de la complaisance que d’une conception sérieuse de la justice constitutionnelle. A cet égard, Pierre Castera, dans sa thèse de doctorat, rapporte ce que l’on sait depuis longtemps, à savoir « qu’il arrive encore que les interventions des professeurs de droit au Conseil constitutionnel soient sollicitées directement par la juridiction, au titre d’une expertise nécessaire à la résolution d’un problème juridique susceptible de s’élever au cours d’un contentieux particulièrement technique »[46]. Que le Conseil ait recours à des expertises dans le domaine médical, de la technologie ou du climat n’étonnerait pas, mais que ce soit en matière juridique prouve l’étendue de ses lacunes intrinsèques. Le Conseil constitutionnel considère son travail à la manière d’un parlementaire[47], alors qu’il est un juge. Est ainsi quand même laissé penser qu’un travail de justice peut se faire sérieusement lorsque le Conseil doit examiner en quelques jours ou même un mois un texte parfois long et dont les intrications et implications nécessitent beaucoup d’expérience et de professionnalisme pour être mises au jour.
« Politique » signifie qui intéresse la cité, et non qui intéresse les politiciens, faut-il hélas le rappeler. De là il découle qu’on a du mal à saisir les raisons qui font que, tout de même, chacun pense toujours trouver sa juste place dans l’institution. Beaucoup même se sont déclarés « heureux » d’avoir siégé au Conseil constitutionnel[48].
Un article, que l’on doit à une journaliste, fait ainsi état de la déclaration d’un avocat selon laquelle « « Le contrôle a priori du Conseil constitutionnel (…) vit dans un climat d’une grande pauvreté intellectuelle »[49]. L’examen de la composition du Conseil constitutionnel et de la conception qu’en ont ses membres pouvait déjà conduire presque logiquement à cette conclusion. Peu étonnant alors et subséquemment de constater la superficialité de la plupart des contrôles opérés, et l’absence de motivation substantielle de ses décisions[50]. Parfois – mais pas toujours – le Conseil justifie son absence de contrôle par l’obligation qu’il a de laisser un nécessaire « pouvoir d’appréciation » au législateur auquel le « juge » ne peut pas se substituer, préservant ainsi, en apparence tout du moins, la démocratie fondée sur l’élection[51]. Discutée parfois dans ses modalités, cette justification n’a néanmoins jamais véritablement été remise en cause par la doctrine, comme s’il suffisait, parce que le Conseil constitutionnel est théoriquement un juge, qu’il affirme son incapacité à contrôler la loi, pour que ça soit considéré comme un principe d’interprétation valide, alors que, précisément, son incapacité à contrôler est en partie la conséquence de ce qu’il n’est pas un véritable juge.
Plutôt que de donner une véritable légitimité institutionnelle au Conseil constitutionnel et à sa mission, c’est la justice constitutionnelle qui est sacrifiée sur l’autel revendiqué de la légitimité démocratique. Pourtant, dans notre système, ce n’est pas l’élection qui fonde la légitimité du juge mais le processus par lequel il accède à cette fonction. Un magistrat ne tire pas seulement sa légitimité de ce qu’il a été institué pour juger mais de ce que ses compétences pour le faire ont été validées par un processus public (le concours). Or, Louis Favoreu lui-même a contribué à enkyster la situation, en prétendant que « la légitimité du juge constitutionnel tient à sa mission »[52], si bien qu’aujourd’hui encore, le Conseil constitutionnel peut centrer sa communication[53] sur cette idée : il tire profit de l’importance et de la noblesse de sa mission sans essayer jamais de se hisser à sa hauteur. Faut-il le répéter, les membres du Conseil constitutionnel ni ne sont élus ni ne disposent de compétences spécifiques, et ce n’est pas seulement un bon sens « apparent » que de souhaiter qu’il en soit autrement. Faire la loi ce n’est pas la même chose que d’en vérifier la conformité avec la norme constitutionnelle : une compétence « politique », même exceptionnelle, n’est pas, au moins à elle seule, un gage pour remplir la fonction de juge constitutionnel[54].
La spécificité du regard français sur la justice constitutionnelle, qui conduit Olivier Jouanjan à parler avec un certain humour et en recourant à la fiction (au sens littéraire du terme), de « modèle franco-syldavo-africano-khmer »[55], demeure encore invoquée par ses membres comme une qualité à préserver plutôt que comme une lacune à combler. Pour l’auteur d’une thèse sur Les professeurs de droit membres du Conseil constitutionnel en 2015, leur présence demeure encore une « intrigue »[56].
En bref, comme l’indique Maria Kordeva, « la prétendue incompatibilité de la justice constitutionnelle avec le principe de séparation des pouvoirs ne réside pas dans ses compétences. La difficulté se situe au niveau de la légitimation du juge et de la tendance à politiser ses décisions »[57]. Si ce processus de légitimation du juge passe par une mise en lumière des incohérences de notre système juridique[58], il n’est pas certain qu’on doive continuer à s’échiner à fonder scientifiquement la critique de la désignation et de la compétence des membres du Conseil constitutionnel, quand, décidément, c’est d’abord sur le plan de l’éthique que cela se joue : pourquoi est-ce que les autorités politiques de désignation persistent à nommer des personnalités qui n’ont pas les qualités requises pour exercer la justice constitutionnelle, et pourquoi est-ce que ces personnalités n’y trouvent pas non plus à redire ?
d) Un mode d’administration de la justice constitutionnelle désastreux analysé à la lumière de la complaisance entourant (encore) le Conseil constitutionnel
Quoi que sans doute un peu éculée, la référence à Pierre Bourdieu n’est cependant toujours pas inutile. Dans La force du droit, il constate que « Les juges et autres diseurs de droit sont saisis comme des acteurs animés d’intérêts ‘divergents’, voire ‘opposés’ et qui, de ce fait, sont en concurrence dans leurs activités législatrices ou légitimatrices respectives, tout en étant objectivement complices et se servant mutuellement »[59]. Le plus intéressant est que les différents acteurs de la justice constitutionnelle n’ont même pas eu besoin de paraitre « opposés » ni même d’ailleurs véritablement divergents. La complaisance cumulée du personnel politique, des médias et de la doctrine à l’égard du Conseil constitutionnel a d’ailleurs sans doute permis que se développent au sein du Conseil des pratiques peu compatibles avec l’exercice de leur mission, puisque, de fait, la plupart de ses membres en ignorent les fondamentaux.
C’est par exemple le cas de la légèreté avec laquelle le Conseil constitutionnel considère depuis tant d’années les règles du « déport », qui consiste pour un ou plusieurs membres d’une juridiction à ne pas siéger au sein du collège qui doit juger une affaire avec laquelle, d’une manière ou d’une autre, ils peuvent avoir un lien personnel ou professionnel. Un juge ne peut ainsi juger quelqu’un qu’il connaît personnellement ou dans une affaire dans laquelle il a été impliqué, même de manière secondaire, ou dans un litige qui concerne ses intérêts. S’agissant du Conseil constitutionnel composé de membres connaissant personnellement ou professionnellement celles et ceux impliqués à différents titres dans les textes ou affaires à juger, cela laisse d’emblée entrevoir la difficulté. La « succession » des fonctions peut ainsi faire qu’un ancien premier ministre, président de l’assemblée nationale et ministre d’Etat, devenu président du Conseil constitutionnel, doive contrôler une loi dont il avait adopté le projet en tant que membre du conseil des ministres, et sans que cela paraisse inopportun au Conseil qui fixe ses propres règles en la matière[60]. En effet, inconcevable dans une autre démocratie, le règlement intérieur indique pourtant que « le seul fait qu’un membre du Conseil constitutionnel a participé à l’élaboration de la disposition législative faisant l’objet de la question de constitutionnalité ne constitue pas en lui-même une cause de récusation ». Comme nous le soulignions avec Alain Supiot dans une précédente étude, « une fois posé qu’un membre du Conseil peut être ainsi à la fois juge et partie, l’impartialité est renvoyée à sa conscience individuelle », expliquant ainsi qu’on n’ait pas d’explications sur les raisons pour lesquelles certains membres estiment parfois ne pas devoir siéger[61]. On peut donc, à l’inverse, voir plusieurs membres siéger dans une instance où est impliqué l’un de leurs anciens collègues et jeter le discrédit sur la décision qui le fait échapper à toute condamnation pénale pour les faits pour lesquels il était poursuivi[62] : deux des membres du Conseil qui ont jugé pouvaient être soupçonnés de partialité vis-à-vis du requérant, en raison de ce qu’ils avaient fait partie du même gouvernement, ou plus largement de la même équipe présidentielle, quatre si on compte les anciens présidents de la République[63]. Sans doute d’autres exemples peuvent-ils être trouvés[64], qui n’en finissent pas de saper la crédibilité institutionnelle du Conseil constitutionnel français et sa capacité à faire parler la Constitution[65].
Contraires encore à la pratique exigée des juges et à celle des cours constitutionnelles et suprêmes des régimes politiques comparables, les liens institutionnels, officiels et non officiels, que le Conseil constitutionnel entretient, tant avec les pouvoirs qu’il s’agit de contrôler comme on l’a déjà souligné, qu’avec les représentants de différents intérêts concernés par les textes législatifs soumis au contrôle du Conseil. De ces deux points de vue, et comme l’a relevé encore récemment Thomas Perroud, il demeure étonnant que les pratiques juridictionnelles du Conseil d’État et de la Cour de cassation aient été passées à la moulinette du droit européen des droits de l’homme et que le Conseil constitutionnel soit totalement resté à l’écart[66].
Étonnant donc le relatif silence de la doctrine devant le rôle et le développement des « portes étroites »[67], dont il faut toutefois dire qu’elle en a été l’un des architectes[68]. Ce n’est pas seulement le fait que des groupes d’intérêts ont envoyé des argumentations en faveur ou contre les lois soumises à l’examen du Conseil constitutionnel qui est problématique, c’est le fait que non seulement cela se faisait hors des canaux habituels d’un procès (que sont les amici curiae ou les tierces interventions), mais aussi que les membres du Conseil saisis d’une affaire pouvaient à cet égard recevoir les représentants des intérêts ainsi défendus ou le professeur de droit qui en avait rédigé l’argumentation par exemple. Ces pratiques dans l’ombre ont pourtant assis une apparente louable volonté de dialogue entre le Conseil constitutionnel et ces groupes d’intérêts, dont le président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré a explicité le principe et vanté publiquement les mérites : dans un livre publié postérieurement à l’exercice de son mandat, il indique ainsi avoir organisé des déjeuners réguliers avec les dirigeants du principal syndicat patronal, discutant ainsi de la jurisprudence du Conseil à propos des lois passées et à venir portant réglementation des affaires et du travail. Ces propos, déjà évoqués ou rapportés dans d’autres études[69], demeurent encore aujourd’hui confondants quant à la conception qui anime les principaux acteurs du procès constitutionnel : « Déjeuner avec une dizaine de chefs d’entreprise, que j’avais rencontrés pour la préparation de notre décision sur la loi de finances 2012. Ils ne cachent pas leur grande inquiétude quant aux perspectives économiques en France, mais aussi pour l’Europe et la Chine dont l’endettement les inquiète. Ils me remercient de les avoir invités et de régulièrement les écouter. Naturellement je ne peux qu’en être satisfait. Preuve qu’il y a quelque chose de déréglé dans nos institutions, ce n’est pas au Conseil qu’ils devraient venir plaider leur cause et exprimer leur crainte quant à l’évolution de la fiscalité des entreprises, mais auprès du gouvernement et du Parlement »[70]. Transposé à la justice judiciaire, c’est le président d’une juridiction qui déjeunerait avec une partie impliquée dans une affaire qui lui est soumise.
C’est le monde médiatique et associatif qui a le premier soulevé la problématique de la trop grande politesse de certaines institutions de l’État avec les lobbys[71], dont celle du Conseil constitutionnel, en cela renforcée par le phénomène des « portes étroites » qui se trouvaient soustraites à la discussion publique[72]. Alors que les portes étroites ont « ouvert un marché qui s’est développé dans l’ombre »[73], certains ont pu souligner un rapport avec le manque de moyens, de personnels et de compétences au sein du Conseil constitutionnel[74]. L’intérêt médiatique pour cette question et une attention sociétale particulière à la transparence sont sns aucun doute les causes des évolutions dans la pratique du Conseil constitutionnel : après en avoir publiquement admis l’existence en 2017[75], il a commencé à en publier systématiquement la liste avec la décision n°2017-7 DC du 23 mars 2017, Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, avant que, finalement, leur contenu le soit aussi[76]. Mais si le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est publié avant la décision[77], celui des contributions extérieures ne l’est qu’après, avec la décision. On peut ainsi estimer que l’institutionnalisation des portes étroites n’est pas complètement achevée et qu’elle aurait le mérite de faire admettre, dans le cadre d’une société démocratique, que « l’interprétation de la Constitution est une question politique qui nécessite la confrontation des idées, des intérêts »[78]. La question de la portée des contributions extérieures et de leur éventuelle hiérarchisation par le Conseil conserve ainsi toute son actualité et se pose ainsi : que va chercher le Conseil dans ces documents qu’il ne peut trouver en son sein ? De fait, compte tenu du travail qui devrait être effectué sur la connaissance de la Constitution, les moyens humains et techniques restent insuffisants au Conseil comparés aux services et structures d’autres cours constitutionnelles[79].
La béance de ces différentes lacunes s’agrandit encore plus avec l’affaire de l’illégalité du régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel, dont l’étonnante issue est une légalisation de ce qui ne l’était pas[80]. Que l’on estime ou non pouvoir concevoir une cour constitutionnelle cochant toutes les cases d’une juridiction[81], que le contrôleur se comporte en France comme le contrôlé n’a longtemps pas semblé incompatible avec la mission de justice constitutionnelle à la plupart, toujours recouverte du voile de spécificité politique de la justice constitutionnelle. De ce point de vue, je ne pense pas du tout que la question de la juridictionnalisation du Conseil constitutionnel soit dépassée[82] : qu’elle ait été abondamment traitée par la doctrine est un fait, notamment sous l’ « ère Badinter » ; mais qu’elle n’ait pas conduit aux réformes suffisantes en est un autre ; et si on accorde encore un tant soit peu d’importance au rôle que peut avoir la justice constitutionnelle dans la réalisation d’un projet politique, économique et social collectif, la question demeure d’une brûlante actualité[83].
Il est manifeste que le personnel politique, et notamment gouvernant, n’estime avoir aucune raison de réformer le Conseil constitutionnel. Tout au plus consent-il régulièrement à vouloir effectuer un toilettage esthétique de l’institution, en supprimant la participation de droit des anciens présidents de la République, sans jamais toutefois que la réforme ne se fasse. A entendre les différents membres du Conseil constitutionnel, anciens et actuels, et particulièrement leurs présidents, la présence au sein de l’institution des anciens présidents de la République ne représente pas un handicap et n’a pas pesé véritablement sur les décisions, ce que l’on veut bien croire. En soi, l’effet d’affichage serait bon mais ça ne changerait guère l’institution, du moins pas substantiellement. Très clairement, si le personnel politique peut ponctuellement formuler des critiques à l’encontre du Conseil constitutionnel, soit en dénonçant sa trop forte politisation[84] soit au contraire en invoquant le rôle excessif du droit qui apparaîtrait comme un frein à la volonté démocratique[85], on peut considérer que cela fait partie du jeu politique dans la mesure où elles ne conduisent pas à faire du statut du Conseil et de celui de ses membres une question sociétale majeure. A certains égards, ces critiques, lorsqu’elles sont formulées, sont même une invitation pour le Conseil à mesurer un peu plus sa jurisprudence, entendre restreindre le champ du droit au profit du politique. Pour des raisons qui leur sont propres, les membres du Conseil ont toujours paru trouver intérêt à y siéger, et ne sont ainsi « sages » que par artifice : l’intérêt public gagnerait d’ailleurs à voir définitivement supprimé des arènes doctrinale et médiatique ce bienveillant qualificatif. De ce fait, certains témoignages sont encore une fois confondants quant à l’estime qui est portée à la justice constitutionnelle : « comme les autres conseillers, indique Dominique Schnapper, je n’engageais pas vraiment mon identité professionnelle et personnelle dans ma participation au Conseil »[86].
De leur côté, les constitutionnalistes ont été trop préoccupés de choyer le principe même de la justice constitutionnelle, craignant « pire » s’ils bougeaient le petit doigt dans le mauvais sens. Nécessairement au fait de l’anomalie organique que constitue le Conseil constitutionnel dans le cadre d’un État de droit libéral et démocratique, ils n’ont pourtant pipé mot de cette question dans le débat public, réservant la critique aux rencontres et publications scientifiques. Tellement qu’uneancienne membre du Conseil constitutionnel peut écrire que les universitaires « sont les seuls à n’entretenir aucune réserve à l’égard de l’institution »[87] ! Les spécialistes d’une institution considérée comme fondamentale dans un État de droit et pourtant complètement défaillante, n’ont pas souhaité pendant longtemps en faire un sujet dont les politiques, la presse et les citoyens auraient pu se saisir.
Leurs craintes de paraître aller dans le sens des critiques politiciennes renforçaient paradoxalement le peu de poids de leurs analyses et jugements scientifiques. S’ils ont dit quelque chose, c’était donc bien souvent à mots couverts, ou, dans un pur style académique[88], avec le ton de ceux qui n’entendaient pas jeter le bébé avec l’eau du bain[89]. Ils ont donc souvent validé le fonctionnement, la composition et le statut des membres du Conseil constitutionnel dans son ensemble[90], concédant ici ou là quelques imperfections, notamment sur la nomination des membres, et lorsqu’ils étaient plutôt critiques, ils n’avaient que peu vocation à alerter au-delà de leur cercle. Cette dernière posture, qui consiste à jouer le rôle d’alerte dans l’espace public, est plus tardive, qui concerne d’abord quelques universitaires[91], et ouvre la voie pour que l’organisation du présent colloque, dont la fonction est essentiellement critique, entre bien dans le giron intellectuel de l’activité scientifique et non politique, bien que traitant d’une chose politique.
La réserve dont ont fait preuve beaucoup d’universitaires avait aussi sans doute des raisons moins avouables, tenant à la proximité importante, réelle ou espérée, qu’ils avaient avec l’institution elle-même, cette dernière ayant à son tour alimenté cette proximité, pour ne pas dire cette connivence. Les présidents successifs du Conseil ont ainsi eu souvent recours à des conseillers-experts venus de l’université[92], de nombreuses portes étroites sont rédigées par des universitaires, et certains s’entretiennent régulièrement avec les membres du Conseil ; ils organisent des rencontres « scientifiques » communes, et le Conseil, ayant bien compris son intérêt, a créé une revue destinée à ce que les universitaires parlent de lui et de la justice constitutionnelle[93]. Enfin, et pour couronner une stratégie bien éprouvée, le Conseil finance désormais lui-même la recherche scientifique sur la justice constitutionnelle, faisant des universitaires ses collaborateurs les plus précieux. Vue d’autres horizons, et même de ceux des « autres » juristes, la crédibilité de la discipline « droit constitutionnel » a du plomb dans l’aile.
Comme j’ai pu le dire ailleurs en parlant du contenu de l’ouvrage précité de Jean-Louis Debré, Ce que je ne pouvais pas dire, « La révérence souvent obséquieuse, ou même simplement stratégiquement intellectuelle vis-à-vis du Conseil constitutionnel est le signe d’un inintérêt réel pour ce que pourrait apporter cette institution : en portant selon toute vraisemblance crédit à ces propos énoncés pour ainsi dire ‘au nom de l’institution’, sans s’en émouvoir, même à mots feutrés, ils propagent l’indignité et s’en font même les porte-parole »[94]. A grand renfort de moyens, le contrôle de constitutionnalité effectué par le Conseil constitutionnel a été encensé, promu, avec peu d’esprit critique, faisant dire à un analyste que « Faire entrer une idée au Conseil constitutionnel passe évidemment par la doctrine »[95]. Et inversement donc[96].
C’est toujours le politique qui s’est chargé de le critiquer, sans grandes conséquences puisque relevant de la polémique politicienne[97]. La modération, voire l’absence réelle de critique devant une situation indigne a primé, le plus souvent au prétexte de la fragilité de l’institution[98].
Si le Conseil a été touché dans le cadre de la vogue de la transparence, il reste encore très épargné et le monde médiatique ne s’est encore emparé que très modérément[99], comme l’illustre récemment l’affaire de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel[100]. On doit sans doute d’abord attribuer ce lent mouvement au manque de relai véritablement scientifique et doctrinal : tant que le monde du droit et des constitutionnalistes semblait globalement se satisfaire de la situation et promouvait la justice du Conseil, la question de sa légitimité institutionnelle restait l’affaire du monde politique exclusivement. On doit aussi sans doute attribuer ce relatif retard à l’allumage au fait que, à partir des années 1990, le Conseil constitutionnel est devenu pour les médias « une ressource d’objectivité » comme l’a très bien analysé Bastien François. Selon ce dernier, on ne doit pas prendre à la légère « la figure journalistique des ‘neuf sages du Palais Royal’ utilisée pour désigner le Conseil constitutionnel. Elle indique bien ce qu’est le Conseil constitutionnel pour les médias : une ressource d’objectivité, qui autorise de surcroît à occuper cette position en surplomb que permet la ‘noblesse’ juridique des arguments utilisés, à mille lieux, selon toutes les apparences, des luttes politiciennes »[101].
2. Repenser les outils d’évaluation de la justice constitutionnelle pour éviter l’impasse scientifique
On ne doute pas qu’il n’y a aucune neutralité dans le fait de nommer des personnalités dont la principale activité a été politique, et que cela a un lien avec la justice que l’on en attend[102] ; mais cela ne signifie pas qu’il existe une corrélation systématique entre les modes de désignation des juges constitutionnels, leurs compétences et qualités, et la justice constitutionnelle qu’ils vont effectivement rendre. Cette corrélation doit très certainement être questionnée. Si désormais les choses se sont mises en place pour poser les bases d’une autre conception de la légitimité institutionnelle du Conseil constitutionnel[103], cette conception « autre » ne doit pas être pensée en termes exclusivement organiques, c’est-à-dire pas séparément de la manière dont on pense la justice constitutionnelle. Il s’agit de savoir ce qu’on en attend, quant à un certain ordre social des choses auquel aspire le projet constitutionnel[104].
Je ne tenterai donc pas ici un exposé des conséquences quasi-mécaniques des défauts affectant les modalités de désignation, de composition et de fonctionnement du Conseil constitutionnel (problèmes dans la motivation des décisions, dans l’étendue du contrôle opéré et dans la détermination des questions de droit), mais, ayant imaginé que faire du droit constitutionnel c’était s’intéresser au destin d’un pays, à ce qu’il pense vouloir pour lui-même et sur quelles bases les relations sociales se construisent, je pense utile de revenir sur les ambitions implicites et explicites du projet constitutionnel (a). Penser les modalités d’évaluation de la justice constitutionnelle suppose donc d’interroger l’articulation explicite et/ou implicite entre l’organisation de la justice constitutionnelle et les ambitions assumées du constitutionnalisme, non seulement du point de vue des institutions politiques mais aussi du point de vue de la science du droit constitutionnel. Si on veut réformer la composition, le statut et le fonctionnement du Conseil constitutionnel, il importe de déterminer ce qu’on en attend, c’est-à-dire ce qu’on attend, dans un régime donné, de l’effectuation du contrôle de la constitutionnalité (b).
(a) Penser la Constitution pour penser la justice constitutionnelle : une difficulté épistémologique et un problème éthique
Les prescrits contemporains d’une « bonne » organisation de la justice constitutionnelle portent nécessairement avec eux l’idée qu’elle seule est de nature à assurer ce qu’on attend de la justice constitutionnelle. Ainsi, s’il advenait que l’on réformât le Conseil constitutionnel de telle sorte qu’il ne soit plus sujet aux critiques que l’on a exposées tout à l’heure, faudrait-il pour autant croire qu’adviendrait alors, par une sorte d’effet mécanique, une « bonne » justice constitutionnelle ? Au-delà de la satisfaction de constater l’effectivité des principes de l’organisation de la justice constitutionnelle en France, pourrait-on aussi être satisfait de la justice rendue en la matière ? Cela suppose évidemment de déterminer ce qu’est une « bonne » justice constitutionnelle.
Une difficulté apparaît d’emblée parce qu’on trouve en réalité peu de choses sur ce qui constitue le lien entre organisation de la justice constitutionnelle et justice constitutionnelle elle-même. A en croire les organisations internationales contemporaines, notamment européennes, et, dans leur sillage, la doctrine scientifique grâce à laquelle parfois elles déploient leur activité (à l’instar de la fameuse Commission de Venise[105]), l’organisation de la justice constitutionnelle apparaît tellement déterminante que rien vraiment n’est dit sur ce qui constitue une « bonne » justice constitutionnelle. De ce fait, une « parfaite » cour constitutionnelle – c’est-à-dire celle qui serait organisée selon tous les critères qu’ont posés les « pourvoyeurs » des standards de la démocratie et de l’État de droit, impliquerait qu’il n’y a plus grand-chose à dire sur le fond, sauf à définir la « bonne » justice constitutionnelle par les solutions successives données par une cour répondant en tous points aux standards de son organisation, l’un définissant, voire prédéterminant l’autre.
Le fonds jurisprudentiel des différentes cours constitutionnelles et suprêmes se trouve du même coup légitimé par leur organisation et, surtout, se trouve quasi exclu, sinon de l’observation, au moins de la discussion scientifique. Au mieux analyse-t-on les motivations des décisions de justice, même quand celles-ci sont indigentes, au mieux en cherche-t-on la cohérence, sans parfois se soucier des bienfaits ou méfaits éventuels de cette cohérence. Dans le cadre du travail d’observation scientifique auquel prétend la doctrine, la jurisprudence d’une cour constitutionnelle est bien plus souvent analysée au titre de l’explicitation légitimatrice qu’au titre de la confrontation avec les principes, règles et valeurs fondamentaux de la norme constitutionnelle. Il est plutôt rare que la jurisprudence se discute au-delà de considérations somme toute secondaires au regard des enjeux véhiculés par la norme constitutionnelle dans l’organisation politique d’un État contemporain. On préfère s’en tenir à des certitudes sur lesquelles on peut assez aisément tomber d’accord : il suffit bien que, formellement, l’organisation de la justice constitutionnelle soit conforme aux principes et techniques que l’on pense être les mieux à même d’assurer une implicite « bonne » justice constitutionnelle, supposément bonne parce que promue. Parfois, comme dans le cas du Conseil constitutionnel français, il n’est même pas besoin d’un véritable juge pour que l’on considère quand même qu’il y a bien une justice constitutionnelle, dès lors qu’elle se manifeste avec toutes les apparences de la cohérence.
Il est vrai que pousser la réflexion sur ce qu’est une « bonne » constitution parait vertigineux puisque cela suppose qu’on s’interroge sur ce qu’on pense être « bon ». Le mot, attaché au jugement qu’il contiendrait, n’est pas très en vogue dans le vocabulaire scientifique. Le terme « bon » (et ses dérivés) est en effet un gros mot de la littérature « scientifique », qui ne pourrait se vanter de ce qualificatif que parce que précisément elle écarte tout jugement de valeur formulé sur le mode du « bon », du « juste » ou de leurs antonymes (quoique ceux-ci soient plus facilement employés : on ne peut dire ce qui est bon mais on peut plus souvent être certain de ce qui est mauvais). Là s’arrêterait le travail des juristes face au politique, et il faudrait donc se résoudre à laisser la réflexion au politique, aux citoyens et aux philosophes. Si on argue que, conformément à l’idée formulée par l’article 16 de la Déclaration française de 1789, la constitution d’un État libéral, et plus tard démocratique, est celle dans laquelle les pouvoirs sont séparés et les droits et libertés garantis, ce qui implicitement définirait une « bonne » constitution, cela ne fait que décaler le débat car les juristes ont trouvé là aussi des solutions formelles : ils ne discutent que peu de quels pouvoirs, réfléchissant à partir des catégories du XVIIe siècle qu’ils prennent pour des données de fait[106], et s’étendent peu sur les droits dont il s’agit[107]. Mieux, ils définissent la garantie des droits par l’existence d’un contrôle de constitutionnalité. Retour à la case départ.
Plus, pour valider politiquement et juridiquement la qualité de norme suprême de la Constitution et ainsi en faire un objet d’étude, il faut en réalité qu’elle soit à l’abri de l’évaluation doctrinale, ce qui conduit à une impasse épistémologique. Au titre d’une prétendue science, on ne s’interroge que très rarement sur la pertinence même de ce qui est inscrit dans la constitution et qui pourtant, en tant qu’acte humain, est destiné à déterminer un certain mode d’organisation sociale, et, surtout, on n’interroge que peu la constitution dans son texte même pour ne l’appréhender qu’au travers de la jurisprudence qui est censée la dire[108]. Cette apparente absence d’ambition tout à la fois morale, éthique et scientifique, qui ferait toute sa vertu, condamne la doctrine à des insuffisances substantielles. Est ignorée aussi la question de savoir si un contrôle de constitutionnalité fondé sur une mauvaise constitution est, par exemple, souhaitable[109], question qui, si elle était véritablement posée, obligerait à se poser plus souvent celle de savoir, non pas de quoi doit parler une Constitution[110], mais si elle porte de véritables ambitions sociales et économiques dont elle entend assurer la réalité.
Cette posture n’est pas universelle, puisque c’est là un trait qui caractérise plus volontiers la tradition européenne, et singulièrement la tradition juridique, puisque plus attachée à une possible « vérité » (la vérité du droit) qu’à la simple nécessité de régler les conflits de manière la plus sociétalement acceptable, ce qui est le propre de la justice anglo-saxonne. Les décisions de la Cour suprême américaine sont ainsi volontiers discutées sur leur fond sociétal, y compris par les universitaires[111]. Il n’y a pas de vérité judiciaire mais une participation au débat toujours constant sur ce que dit la Constitution. Même si ses membres peuvent parfois s’en défendre[112], et si les critères politiques et philosophiques font aujourd’hui débat dans la désignation des membres de la Cour suprême[113], celle-ci participe bien au débat politique, et les commentateurs aussi, sans qu’on puisse y voir là une grossièreté du système.
Si elle n’est pas universelle, la posture non critique n’est pas non plus immuable parce que, dans les pays dont le droit est issu de la culture juridique européenne, l’eau commence à entrer : les trois objets de bouleversements politiques qu’ont constitué la crise économique, la crise sécuritaire et la crise sanitaire, ont conduit les différents gouvernements à très sensiblement infléchir leurs normes juridiques, sans qu’aucune cour constitutionnelle, même parfaitement constituée, n’ait opposé une véritable résistance, ce qui ne manquera bientôt pas d’être analysé. En (presque) rien, ce qu’on appelle le droit constitutionnel, tel qu’appliqué par les cours constitutionnelles et suprêmes, n’a constitué un frein ou un obstacle aux manières dont les uns et les autres ont pensé les crises. Qu’ils l’aient adoptée de manière plus ou moins démocratique[114], en prenant des mesures plus ou moins restrictives ou exclusives de l’exercice des droits et libertés[115] et de manière plus ou moins cohérente[116], aucune politique de gestion de crise n’a été véritablement freinée par les institutions ayant en charge le contrôle de constitutionnalité et, en ce sens, il y a convergence entre les différentes jurisprudences des cours constitutionnelles et des cours suprêmes, quelles que soient les modalités de leur organisation, de leur composition, de leurs compétences et de leur fonctionnement.
La Cour européenne des droits de l’homme elle-même n’y a pas vraiment trouvé à redire, en se mettant également à l’écart d’un débat qui semble par presque tous considéré comme exclusivement politique, comprendre hors le droit. S’agissant spécifiquement du Conseil constitutionnel français, certaines « crises » même ont été étouffées dans l’œuf, à l’instar de l’affaire de la validation des comptes de campagnes lors des élections présidentielles de 1995, à propos de laquelle, si on peut émettre des doutes sur la collusion entre personnes (entre l’alors président du Conseil constitutionnel et le Président de la République en exercice), c’est au moins une certaine conception des affaires de l’État qui a primé sur la règle constitutionnelle[117]. Les témoignages sont clairs, qui interrogent forcément la raison d’être de la justice constitutionnelle dans un État de droit, qu’on soit d’accord ou non avec cette décision. Si on l’est, il faut en tirer les conséquences : quelle est la place véritable de la règle constitutionnelle et du contrôle qui s’exerce en son nom ? En tous les cas, pas en haut de la hiérarchie des normes d’État.
(b) « Bonne » justice constitutionnelle ou « bon » juge constitutionnel ? L’impensé de la doctrine.
On formule donc ici l’hypothèse que, au-delà même des crises qui accentuent le phénomène, il n’y a pas de corrélation mécanique entre l’organisation de la justice constitutionnelle et le sens des décisions prises par ceux qui assument la mission de la rendre, parce que d’autres éléments entrent en jeu, dont certains, selon les cas, surdéterminent ces décisions[118]. Si on peut remarquer, à l’aune de ce qui se passe aujourd’hui au sein de la Cour suprême américaine, que la personnalité politique et philosophique des juges a assurément un impact sur les décisions prises sur les grands sujets dits « de société », à l’instar de l’avortement[119], et si on peut constater, à l’exemple de la Pologne, que les modalités de nomination et les conditions d’exercice du mandat de juge peuvent réduire à néant les espoirs portés par l’idée de justice constitutionnelle en matière de limitation du pouvoir, cela ne suffit pas pour conclure qu’une « bonne » justice constitutionnelle est garantie par une « bonne » organisation de celle-ci, c’est-à-dire répondant à tous les critères d’une démocratie et d’un État de droit.
Ainsi, voudrait-on réformer la composition, le mode de désignation et le statut des membres du Conseil constitutionnel français – ce qui demeure une nécessité absolue, comme une sorte de « minimum syndical » – que l’on ne serait pas nécessairement assuré d’une meilleure « justice » constitutionnelle. Et encore cette idée suppose-t-elle qu’on considère que la justice constitutionnelle française n’est pas bonne, notamment parce qu’elle ne serait pas rendue dans de bonnes conditions. Or cette conclusion est très loin d’être certaine. Il semblerait même que beaucoup la considèrent comme une bonne justice, même si ce n’est pas toujours pour les mêmes raisons.
Le cas de la décision du 4 mai 2012 abrogeant la loi sur le harcèlement sexuel alors en vigueur est à cet égard emblématique : rendue dans des conditions manifestement et absolument contraires aux exigences minimum de l’apparence d’impartialité, qui doit, selon la Cour Européenne des Droits de l’Homme, caractériser une assemblée, un collège, ou une personne qui rend la justice[120], la décision était néanmoins plutôt considérée comme bonne, voire nécessaire, par beaucoup de juristes, en raison de ce que la loi en question était considérée comme une « mauvaise » loi. De ce fait, si certains tout de même ont relevé l’anomalie et les atteintes graves à l’éthique de cette décision rendue dans ces conditions[121], la plupart se sont tus, parce qu’ils considéraient la décision comme bonne, indépendamment du fait qu’elle eût des conséquences humaines désastreuses : l’abrogation immédiate et non différée de la loi vida ainsi plusieurs contentieux en cours, avec peu de possibilités pour les femmes qui les avaient engagés de trouver d’autres solutions judiciaires à leurs plaintes[122].
Il n’est donc pas du tout certain que l’on veuille réformer la composition et le fonctionnement du Conseil constitutionnel pour des raisons tenant à la justice qu’il rend. Disons qu’on eût préféré que le Conseil constitutionnel soit formellement irréprochable pour rendre cette décision, la question demeurant que s’il l’avait été, aurait-il rendu la même décision ? On ne peut en être certain pour cette décision, mais il est remarquable que l’on puisse tout de même faire le constat d’une justice constitutionnelle comparable entre les différentes cours constitutionnelles et suprêmes des régimes ayant pleinement endossé les principes du constitutionnalisme. L’idée ici n’est pas de dire que toutes les décisions sont identiques ou que les cours élaborent systématiquement des techniques et des solutions identiques. L’idée soutenue tient en plusieurs étapes : 1. Si l’on considère le projet constitutionnel comme la conséquence d’une analyse sociale – que je présenterai plus bas – la justice constitutionnelle a pour fonction de permettre et/ou de conforter ce projet. 2. L’institution de la justice constitutionnelle à la fois porte en elle la philosophie du projet constitutionnel et se trouve insérée dans une organisation politique qui en est l’émanation. 3. Il s’ensuit que son administration a peu de chances de contrarier les ambitions intrinsèques du projet constitutionnel et, qu’ainsi, peut se constater aujourd’hui une relative unité dans la mise en œuvre et l’interprétation de ce projet dans les différents régimes qui le portent, tant par les autorités normatives (parlements et gouvernements) que par les autorités judiciaires (cours constitutionnelles et suprêmes), indépendamment des sophistications propres à chacune.
Les principes qui animent le constitutionnalisme depuis ses origines conduiraient donc les juges institués à se comporter de manière comparable, quels que soient semble-t-il les qualités propres de ces juges et leur statut. Il est particulièrement notable qu’en dépit de ce qu’on relève des différences manifestes entre le Conseil constitutionnel et les cours étrangères quant à la qualité des décisions qui sont rendues[123], ces différences ne semblent avoir que peu d’effets sur le sens des décisions qui sont prises, simplement mieux justifiées ailleurs. On ne peut ainsi être étonné de ce que, alors que le constat de contrariété franche peut être fait entre la composition, le statut et le fonctionnement du Conseil constitutionnel et les principes développés par la Cour européenne des droits de l’homme en matière de justice, celle-ci n’a jusqu’à présent pas, elle non plus, mis le doigt dans l’engrenage qui obligerait nos institutions à s’y conformer. Si cela ne fait théoriquement pas les affaires d’une réforme future du Conseil constitutionnel français, ce que recouvre l’hypothèse selon laquelle elle n’est peut-être pas de nature à affecter le sens de la justice constitutionnelle rendue, doit être examiné de plus près, dans le but de déterminer ce qu’on peut véritablement attendre de la justice constitutionnelle, et ne pas se contenter de la fantasmer.
3. L’intrigant constat que la justice constitutionnelle ferait le juge, toujours un peu le même donc : le constitutionnalisme, un projet sociétal bien assimilé et évolutif
Il est possible que la relative complaisance scientifique vis-à-vis de la jurisprudence des juges constitutionnels, entretenant les meilleurs espoirs à son propos, soit en partie due au fait qu’elle est enserrée dans un système tout à la fois normatif et humain qui exclut de réelles possibilités d’innovation et de changement. Trois types de considérations aboutissent à ce constat que les espoirs en la matière sont peu permis : il existe une « course » à la constitutionnalisation telle que les juges constitutionnels se trouvent de fait réduits au champ restreint du droit constitutionnel politique, laissant place à d’autres normes ou pratiques ainsi « hyper-constitutionnalisées » (a). Cette course, si elle prend des formes neuves, ne doit rien au hasard : le constitutionnalisme dans son principe est son berceau (b). Par suite, l’expansion extraordinaire des principes du constitutionnalisme partout sur la planète est le signe d’un mode de pensée, et surtout de décision, qui s’est instillé de manière très sûre dans beaucoup de sociétés, de telle sorte qu’être proclamé juge constitutionnel revient à en assurer la pérennité (c).
(a) La « course » à la constitutionnalisation et la place étroite du droit constitutionnel politique
C’est devenu une chose banale que de le constater : le monde entier est devenu concurrentiel, et le droit a été touché de plein fouet. Les institutions en charge de dire le droit s’étant multipliées, par l’effet du droit international et de la mise en place d’organisations très intégrées, elles paraissent presque toutes ambitionner, avec plus ou moins de moyens, d’être la boussole constitutionnelle des autres. Si la Cour européenne des droits de l’homme a de son côté indiqué que la Convention de 1950 qu’elle est chargée d’appliquer est « l’instrument constitutionnel de l’ordre public européen »[124], la Cour de justice de l’Union européenne s’emploie depuis les années soixante à faire primer les normes européennes sur toutes les normes nationales des États membres, y compris constitutionnelles, constitutionnalisant ainsi l’Union européenne, voire l’hyper-constitutionnalisant en suivant Dieter Grimm[125]. Cette dernière expression vise chez l’auteur à mettre en lumière la portée matérielle et politique des normes économiques de l’Union : en constitutionnalisant le libéralisme économique, elle lui a conféré un caractère politique et sociétal.
Excluant apparemment les « grandes » questions de société (la police ou le droit de la famille par exemple), pour lesquelles les constitutions nationales resteraient la boussole du droit et de ses juges[126], le spectre des normes européennes est néanmoins très large puisqu’il embrasse presque toutes les autres questions et, en tout état de cause, produit un effet d’attraction quasi insurmontable : la « constitution de l’Europe », par son extension à toute question, tend à faire société. Ce programme ne serait peut-être pas à l’œuvre si, indépendamment de l’organisation européenne, mais quand même aussi par elle, la réussite du paradigme de l’économie capitaliste de marché – cela a été analysé depuis longtemps – n’avait pas fait du monde entier un espace de concurrence ignorant les questions et particularismes culturels et sociétaux. Cela emporte, sinon une adhésion généralisée, au moins une forme de passivité vis-à-vis de ce qui apparaît comme à peu près inéluctable. Ce sont les sociétés tout entières qui sont concernées. D’un double point de vue donc, la portée de la justice constitutionnelle nationale apparaît potentiellement de plus en plus faible, puisque dépendante de normes juridiques elles-mêmes dépendantes de schémas sociétaux que les juges constitutionnels ne peuvent, ou ne s’estiment pas en capacité d’écarter ou d’interpréter, selon une logique qui serait propre à la constitution politique qu’ils sont chargés de mettre en œuvre. Si ainsi toutes les constitutions sont différentes[127], leur spectre potentiel de mise en œuvre s’est rétréci à mesure que s’étendait celui d’autres normes, plus impératives. Les opérateurs privés eux-mêmes sont entrés dans la course à la constitutionnalisation[128], et le juge constitutionnel politique est précisément courtisé pour valider le processus. La cour est aisée, car ce schéma de société couve dans le constitutionnalisme des origines, c’est-à-dire dans l’esprit qui a présidé à la formation de l’idée constitutionnelle, et traverse l’ensemble du corps social. Le constitutionnalisme implique en lui-même la limitation du droit vis-à-vis d’autres normes.
(b) L’assignation limitée du droit constitutionnel politique : l’exclusion intrinsèque de la sphère entrepreneuriale
Dans l’histoire qui se raconte (dans tous – ou presque – les manuels et les cours de droit constitutionnel, en Europe notamment, mais sur les autres continents aussi désormais), le droit constitutionnel limite, et c’est sa vertu. L’exercice d’un pouvoir de manière limitée garantit ainsi à tous le libre exercice des droits individuels et collectifs. Ce qui ne se dit pas, ou moins, sans doute parce que, pour une bonne part, ce n’est pas pensé, c’est que, pour cela, cette limitation du pouvoir est seulement celle du pouvoir politique institué par la Constitution. La garantie qu’il exercera son magistère dans le respect des droits et libertés s’arrête là où s’arrête son magistère. Le droit constitutionnel ne fait pas que limiter, il est lui-même limité aux pouvoirs qu’il a institués. C’est évidemment assez logique mais cela importe pour saisir la portée réelle du droit constitutionnel dans l’ordre social, économique et politique. S’il limite les pouvoirs qu’il institue, y a-t-il et le cas échéant quels sont les pouvoirs qu’il n’institue pas, et quelle est la portée sociale, économique et politique de ces pouvoirs ainsi non limités ? Penser le droit constitutionnel c’est aussi vouloir répondre à ces questions, avec les éléments dont on dispose. Si le droit constitutionnel comme science n’envisage que l’intérieur des pouvoirs institués et classe l’extérieur des pouvoirs non institués comme ne relevant pas de sa compréhension, cela freine profondément la chance de connaître les effets sociétaux du constitutionnalisme en tant que forme politique et juridique. C’est une erreur importante car c’est justement le sens et les raisons de cette ligne de démarcation, limitation décisive de la science, qui permettent de comprendre ce que le constitutionnalisme et le droit constitutionnel font au monde. Dans le cadre du développement extraordinaire du droit constitutionnel dans le monde (presque tous les pays ont une constitution écrite désormais), on ne peut seulement dire qu’il a pour fonction de limiter le pouvoir, et en détailler les modalités, si on ne connaît pas le spectre effectif de ce pouvoir et si on ne pose pas l’une de ses principales fonctions qui est qu’il doit laisser la place à d’autres pouvoirs, et même, en suivant ses évolutions récentes, permettre leur libre développement.
On est aujourd’hui plus ou moins coutumier des affirmations sur l’expansion et les effets du capitalisme, correspondant plus largement à une compréhension néolibérale du monde[129], et que celle-ci est d’ailleurs véhiculée par le droit européen[130] dont la primauté apparaît dès lors à la fois historiquement et principiellement « logique ». Si donc le droit européen porte une philosophie dont le principe est d’être antérieur et explicatif du droit constitutionnel, il le subordonne structurellement. On lit peu souvent ce fait que la dépendance du constitutionnalisme à l’égard d’une autre norme, évolutive depuis les XVIIe et XVIIIe siècles, est consubstantielle à celui-ci. Cette norme c’est très largement la manière dont on comprend et dont on ambitionne d’organiser le monde, qu’on l’identifie comme « raison »[131] ou comme principe « supra-constitutionnel »[132]. Dans sa possible histoire de la norme, Karim Benyekhlef pose simplement le constat que « la philosophie libérale, sous-tendant le constitutionnalisme, selon laquelle, notamment, il importe d’arrêter le pouvoir de l’État pour ménager aux individus une sphère privée de liberté et d’autonomie et permettre au marché son entreprise, constitue un obstacle important à son actualisation »[133].
Que cela ait été formulé clairement ou non par les différents acteurs du constitutionnalisme, l’idée peut être repérée depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui. Pour Déborah Cohen, « Si, pour les physiocrates, l’évidence économique est ce qui limite le pouvoir, c’est qu’une limitation par la liberté des individus est trop cher payée »[134]. L’historien américain Charles Austin Beard avait en son temps analysé les origines économiques de la Constitution américaine[135], en analysant celle-ci comme un « document économique » pour signifier que, ce qui fait la base de l’économie, à savoir le droit de propriété, est également un principe antérieur à l’institution du gouvernement constitutionnel qui de ce fait en découle[136]. Récemment, Karlo Tuori, un constitutionnaliste finlandais, dit, à propos de la constitutionnalisation de l’Union Européenne qu’« il peut paraître naturel que le discours constitutionnel et, par là même, la constitutionnalisation aient débuté dans la sphère économique »[137], parce que l’Union européenne a d’abord été une organisation économique[138]. Ainsi, il apparaît clairement que l’économie est porteuse d’un discours constitutionnel[139], indépendamment de toute formalisation politique en ce sens, mais tout de même avec le support essentiel du droit, ainsi que la jurisprudence – constitutionnelle – de la Cour de justice de l’Union Européenne l’a illustré[140].
La question de l’autonomie du droit constitutionnel se pose donc à la science qui l’étudie, et singulièrement aujourd’hui vis-à-vis de la pratique du capitalisme[141] dont les évolutions font manifestement évoluer en même temps le phénomène constitutionnel. Ainsi par exemple avec la doctrine ordo-libérale et à certains égards avec celle plus générale du néolibéralisme, qui se sont données comme mot d’ordre de mettre en place « un cadre institutionnel et juridique solide »[142], « tel que la possibilité de la libre concurrence est toujours sauvegardée »[143]. Plus récemment, le mot d’ordre du libre-échange, dont l’un des discours symboliques est le fameux consensus de Washington, semble avoir accentué le phénomène, puisqu’on dit désormais qu’il s’agit de « sanctuariser » les libertés économiques en les mettant à l’abri des constitutions politiques par l’édification d’organes internationaux spécifiquement consacrés à cette question[144]. Dans une étude désormais séminale, le constitutionnaliste canadien Ran Hirshl s’est attelé à déconstruire le paradigme politique du constitutionnalisme pour lui substituer une explication plus pragmatique et économique : l’expansion du constitutionnalisme, dit-il, peut être comprise comme le produit d’une interaction stratégique entre des élites politiques mais néanmoins menacées, les acteurs économiques influents et le pouvoir judiciaire[145]. Qui que le juge soit, dans son statut ou dans sa personnalité, son rôle est donc d’assurer l’effectivité d’une norme dont la raison d’être est de découler de ou de laisser place à d’autres normes, dont Ran Hirshl dit cependant qu’il en est l’un des acteurs.
Si donc la structure originelle du droit constitutionnel explique le sens de sa pratique contemporaine, marquant pour certains son impuissance[146], cela ne suffit pas en soi pour expliquer que ses gardiens, quelles que soient leur personnalité et leurs compétences, sont à peu près toujours conduits à prendre le même type de décisions. Si ça ne suffit pas en soi, peut-être que c’est en raison de la « réussite » du constitutionnalisme, c’est-à-dire de la dissémination de ce qui en fait le fond. Ce qui fait la trame du constitutionnalisme fait peut-être aussi désormais la trame d’une société toute entière, qui s’est ainsi lovée autour de cette idée fondamentale, toujours renouvelée, et dont les juges sont les garants. Les rares coups de canifs institutionnels récents, à l’instar de la décision de la Cour constitutionnelle allemande 5 mai 2020[147] sur la politique d’achat de titres de la Banque centrale européenne, le PSPP (Public Sector Purchase Programme), qui avait été jugée conforme au droit européen par la Cour de Justice de l’Union européenne, ou celle plus récente de la Cour polonaise remettant directement et ouvertement en cause la primauté du droit de l’Union européenne[148][149], même s’ils étaient plus nombreux, n’inverseraient pas la tendance.
(c) L’existence institutionnelle et sociétale d’une commune trame décisionnelle
Comme cela a été montré pour d’autres institutions et professions, tout à la fois la formation, l’habituation à un monde de pensée environnant, une certaine difficulté à s’en détacher, renforcée par « l’effet d’investiture dans un rôle »[150], et la volonté de protéger ce rôle, aboutissent, dans une société où les échanges se sont mondialisés, à faire que les membres de l’institution vont peu ou prou adopter des attitudes comparables relativement à ce qui constitue le produit de ces échanges. Les membres des cours constitutionnelles et des cours suprêmes ont le plus souvent été formés dans les grandes universités et les grandes écoles ; souvent, ils ont exercé des activités ou des professions dans un cadre où ils côtoyaient des profils identiques ; ils prennent connaissance du monde et de ses nécessités par les mêmes canaux intellectuels et médiatiques[151] ; ils ont approché de (très) près les gouvernants, les idées et les techniques qu’ils portent. Anne-Laure Cassard-Valembois note ainsi qu’« il n’existe pas réellement de clivages au sein du Conseil entre les juristes et les politiques, les hommes et les femmes et les autres »[152]. Il est indéniable qu’on pourra trouver des différences notables dans l’activité quotidienne d’un ministre et dans celle d’un haut magistrat, dans celle de ce dernier et dans la fonction du Professeur d’Université, de la même manière que les uns et les autres porteront dans leurs discours des idées distinctes. Mais, à peu de choses près, sur les questions politiques, administratives et sociétales, un même « sens » des choses semblent les animer lorsqu’il s’agit de décider, et peut-être au-delà même de ces institutions, alors pourtant qu’ils peuvent manifester de véritables clivages idéologiques comme le souligne encore Anne-Laure Cassard-Valembois[153]. Toute personne qui observe ou participe à des assemblées décisionnelles peut en effet l’apercevoir : il existe un fort hiatus entre la possible diversité de ce qui est dit par les uns et par les autres, et la sensible uniformité de ce qui est décidé. Que les juges élaborent et adoptent des techniques différentes, en fonction de leurs traditions nationales, de la législation qu’ils jugent et/ou de leurs personnalités propres, n’a en réalité que peu d’influence sur l’orientation générale de la justice constitutionnelle au soutien de politiques juridiques, et notamment celles « market friendly » comme on dit, dont la logique est plus entretenue que contrariée par leur interprétation de la Constitution.
Cela peut expliquer que, depuis plusieurs décennies, les jurisprudences des cours constitutionnelles et suprêmes n’aient pas mis de frein au développement tous azimuts des échanges, y compris lorsque ce développement se fait au détriment des normes à visée sociale, par la garantie du principe de la liberté d’entreprendre, de la liberté contractuelle ou de la liberté du commerce. En dépit de ce qu’elle apparaît bien souvent comme spécifique au sein des cours constitutionnelles – et à juste titre – la Cour constitutionnelle allemande a précisément souvent donné le ton de cette manière d’interpréter le projet constitutionnel[154].
Le tropisme « économique » du juge constitutionnel est chose connue[155], mais ses ressorts ne font que rarement l’objet de recherches et d’interrogations telles qu’elles influenceraient la présentation générale du droit constitutionnel. En France, les constitutionnalistes « influents », ceux qui ont l’oreille du Conseil constitutionnel, ont souvent défendu devant lui et de manière décisive, le droit de propriété ou la liberté d’entreprendre, par le biais des portes étroites notamment[156]. Étonnamment, on ne voit pas dans les introductions au droit constitutionnel qui figurent dans les manuels ou dans les cours dispensés dans les facultés de droit, de développements relatifs à l’articulation originelle et intrinsèque entre le « pouvoir » des institutions politiques et le « pouvoir » des opérateurs économiques, qu’ils soient individuels ou collectifs, à travers la conception du constitutionnalisme. Les institutions politiques ne doivent leur légitimité qu’à leur inscription dans la Constitution qui les fonde comme institutions et qui fonde leur action : elles n’ont pas de pouvoir en propre et elles ont notamment pour fonction de garantir la jouissance des pouvoirs propres de ceux qui en sont titulaires.
Au XXe siècle, les jurisprudences, fondées sur les libertés les plus classiques, ont fini par contrarier leur extension au-delà des nécessités du marché : en effet, alors que ces libertés avaient pris une dimension particulière avec la vogue de l’État-providence, et étaient véritablement devenues des « libertés individuelles », elles ont finalement été restreintes lorsque leur respect ne permettait plus le développement de la logique du libre marché[157]. Alors que leur déploiement jusque dans la sphère des individus n’ayant aucun intérêt autre que leur propre préservation avait suscité les plus grands espoirs à propos de la justice constitutionnelle, la prévalence d’une autre logique a emporté avec elle ceux de la justice constitutionnelle. Il semble non seulement qu’on n’ait pas vraiment voulu l’apercevoir[158], mais que, aussi, il y a eu une relative adhésion à cette logique. Ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, Olivier Schrameck observe « que ce ne sont pas nécessairement les lois les plus controversées dans le débat public qui provoquent le plus de contributions officieuses » continuant son propos, « avec quelque malice », pour souligner qu’il y a une « corrélation plus étroite entre l’importance des intérêts économiques et financiers mis en cause et la multiplicité des documents parvenant au Conseil par cette voie dite ‘étroite’ »[159]. Noëlle Lenoir a témoigné de son accord avec le fait que la jurisprudence « a tenu compte de la nouvelle donne d’une société ouverte à la concurrence » et renforcé « la liberté d’entreprendre en tant que liberté constitutionnellement protégée » pour répondre aux nécessités économiques[160].
Si le bain intellectuel et social dans lequel évoluent les juges nommés – qu’ils soient juristes ou non, l’idée est que ce n’est pas « n’importe qui » qui est nommé dans ces instances puisque ce sont les autorités politiques qui les nomment –, les fait décider selon des orientations comparables, il faut ajouter à cela ce que Bastien François appelle « l’effet Becket », du nom de l’archevêque de Canterbury ayant défendu, une fois nommé primat d’Angleterre, une doctrine inverse de celle qui l’avait fait nommer. Cet effet, indique Bastien François, qui se réfère également à Pierre Bourdieu, « rend compte d’une transformation ‘tout à fait réelle en ce qu’elle transforme réellement la personne consacrée’ par une investiture dans un rôle (Pierre Bourdieu, Les rites comme actes d’institution, [Actes de la Recherche en Sciences sociales, n°43, 1982], p. 59) »[161]. « Ainsi, la nomination au Conseil constitutionnel assigne non seulement une fonction, mais aussi, dans le même temps, une posture, celle de (vrai) juge »[162]. Indépendamment du caractère non fondé de cette dernière idée qui a été illustré depuis le début de cette étude, celle selon laquelle les conditions de fonctionnement de l’institution renforcent l’effet Becket est intéressante : Bastien François souligne que « l’absence de publicité des votes et le fait que les opinions dissidentes ne soient pas diffusées, contrairement à la tradition anglo-saxonne, conduit justement à un renforcement de l’effet Becket, c’est-à-dire de l’effet d’investiture dans un rôle »[163], laissant entrevoir une plus grande relativité de cet effet dans les cours anglo-saxonnes où l’opposition entre les juges est plus ouverte, confortant la légitimité de pensée des uns et des autres, ainsi que de nombreux arrêts importants de la Cour suprême des Etats-Unis adoptés à de très courtes majorités ont pu l’illustrer[164].
Le témoignage de Dominique Schnapper est encore exemplaire : sociologue non juriste nommée au Conseil constitutionnel, elle exerce son mandat pendant neuf ans et délivre ensuite son analyse dans Une sociologue au Conseil constitutionnel. Au fil des pages, on découvre qu’elle s’est progressivement lovée dans la logique du droit et surtout de la jurisprudence du Conseil à laquelle d’autres membres de l’institution l’ont initiée, qu’elle l’a elle-même volontairement et progressivement adoptée, jusqu’à expliquer que ce qui lui avait paru choquant avant d’entrer au Conseil, à savoir la décision validant l’élection de Jean Tibéri, n’était finalement pas critiquable, lui faisant même dire qu’elle n’avait pas su lire Tocqueville[165].
On comprend alors que Jacques Chevallier parle de véritable « prêt-à-porter institutionnel, que les nouveaux membres sont invités à endosser »[166] et que, si certaines variables, notamment personnelles, peuvent jouer et « ne sont pas dénuées d’importance, en conduisant à des postures différentes », elles « ne sont cependant pas telles qu’elles compromettent le processus d’intériorisation des disciplines institutionnelles »[167]. Plaidant tout de même pour une relativisation de l’effet Becket et une reconnaissance du rôle de la personnalité de chacun, il achève son article ainsi pour décrire le juge constitutionnel ainsi : « c’est un individu socialement situé, qui est conduit à concevoir son rôle de juge à travers le filtre d’un vécu et le prisme de valeurs préalablement intériorisées »[168]. C’est sans nul doute très juste. Mais, le tout est de comprendre que les conditions sociales et humaines de cette intériorisation, qui laissent les uns et les autres avec des tensions internes plus ou moins fortes (fait-on vraiment ce qu’on a envie de faire ? On prend des décisions à contre-cœur ou au contraire pleinement assumées), conduisent quand même et sensiblement et toujours aux mêmes types de décisions.
Ces mêmes types de décisions invariablement rendues sont-elles la manifestation d’esprits plus avisés que les autres, que leur haut degré de sagesse, de compétences et d’expérience conduiraient à prendre les seules « bonnes » décisions possibles ? Chacun se fera son idée. Mais on peut dire que, très certainement, la plupart des décisions du Conseil, qu’elles soient bien comprises ou non, sont aussitôt rangées par le corps social dans son ensemble comme appartenant à la catégorie des décisions assurant la garantie des droits et libertés. Lorsque même elles valident des restrictions évidentes et importantes des droits, à l’instar de la décision de l’été 2021 sur l’instauration d’un « pass(e) sanitaire »[169], elles reçoivent un accueil plutôt favorable, par l’effet de ce que le Conseil sait bien ce qu’il fait politiquement[170]. Et ce qu’il en est du cas français semble en être de la plupart des pays européens. Qu’elles soient politiques ou non, les cours constitutionnelles et suprêmes se font l’écho d’un projet sociétal auquel on présume que le corps social adhère.
Le phénomène d’alignement de la pensée et des solutions a encore été accentué par les échanges et le partage des pratiques judiciaires au niveau mondial, faisant que les solutions s’échangent autant que les modalités de raisonnement[171]. Sur un marché globalisé et hautement compétitif, ce n’est guère étonnant. Si l’absence de « perméabilité à ceux qui l’entourent » a pu être soulignée à propos du Conseil constitutionnel[172], ce n’est pas le cas s’agissant de ses rapports avec les autres gardiens de la Constitution à l’étranger et les institutions politiques avec qui il échange, dialogue, chemine constamment.
On ne peut à cet égard guère se faire d’illusions quant à l’arrivée de nouvelles pratiques dites d’ouverture, à l’instar du règlement de procédure publié par le Conseil le 11 mars 2022, qui ne sont que des prétextes à conforter ses positions et à instiller la foi dans sa légitimité : l’ouverture en question consiste en réalité dans une série de moyens destinés à assurer la publicité du Conseil constitutionnel et la diffusion de l’idée selon laquelle il est le gardien effectif des droits et libertés constitutionnellement garantis : publication de son rapport annuel d’activité, organisation d’un concours Découvrons notre constitution « afin de sensibiliser sur l’ensemble de notre territoire les élèves de nos écoles et de nos collègues aux grands principes constitutionnels »[173], organisation de sessions du Conseil « en régions »[174]. Tout est prétexte, pour son président actuel, à distiller l’idée que « le Conseil constitutionnel doit être une balise dans une société française anxiogène »[175].
* *
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Epilogue
La part « humaine » de la justice constitutionnelle est irréductible – mais nécessaire ? – et on peut oublier l’idée d’une parfaite justice constitutionnelle, c’est-à-dire la possibilité de l’organiser de telle sorte que se produira exactement ce qu’on souhaite voir se produire, à savoir, la parfaite mise en œuvre de la norme constitutionnelle et de sa philosophie. Cela n’empêche pas néanmoins de se mettre au clair sur les différents facteurs concourant à produire la justice constitutionnelle telle qu’elle se déploie dans les différents pays qui l’organisent.
La question demeure alors de savoir si on veut réformer le Conseil constitutionnel afin qu’il remplisse enfin les conditions pour délivrer une justice constitutionnelle devant caractériser un État de droit libéral et démocratique, ce qui serait déjà une excellente chose, ou si l’on souhaite aussi s’intéresser à ce qui n’en sortira peut-être pas changé, à savoir le sens de ses décisions.
Trouver de bonnes solutions pour réformer les conditions de la justice constitutionnelle actuelle satisfera ceux qui en sont déjà contents, plus encore ceux qui pensent qu’elle doit s’améliorer sur certaines questions, mais sans doute pas ceux qui identifient le problème structurel du droit constitutionnel et son incapacité contemporaine à remplir les espoirs suscités par son émergence et son développement, mais dont la reproduction intellectuelle ad nauseam continue de se faire, sans véritable obstacle.
A la lecture des discours des membres et anciens membres du Conseil constitutionnel et de la doctrine qui les présente, on est assez frappé par leur très grande similarité : l’histoire qu’ils racontent tous à propos du Conseil (sa création, sa prise d’indépendance en 1971, le développement de sa jurisprudence, sa juridictionnalisation, son rôle de gardien des libertés, etc.), est peu ou prou identique et avec les mêmes termes. Cela fait qu’il n’y a, au regard du paradigme à l’œuvre, aucune difficulté, ni intellectuelle ni politique, à ce que le Conseil constitutionnel puisse ainsi encore se vanter sur le site internet de ce que, « Dans la tempête sanitaire, le Conseil constitutionnel a tenu le cap de la protection des libertés fondamentales » (sic)[176]. C’est dans la ligne de la présentation qu’il fait de lui-même depuis longtemps, et notamment depuis l’instauration de la Question Prioritaire de Constitutionnalité, dont Elina Lemaire a souligné que « contrairement à la profusion de références au rôle de gardien des libertés que l’on trouve dans le discours institutionnel officiel […], leurs procès-verbaux sont extrêmement pauvres en assertions de cette sorte »[177].
La bataille de la réforme du
Conseil constitutionnel peut n’avoir pour effet que la seule perpétuation d’un
système dont on serait encore moins fondé à se plaindre. Mille fois oui pour
une réforme du statut du Conseil constitutionnel et de ses membres, mais pas
sans cesser d’interroger le sens de sa mission au regard des conditions économiques
et sociales contemporaines.
[1] Lauréline Fontaine, « Qui a peur d’une juridiction constitutionnelle ? Ou, en quoi la composition et le fonctionnement du Conseil constitutionnel pourraient être améliorés », L’ENA hors les murs. La revue des anciens élèves de l’ENA, 2018, en ligne : https://www.ledroitdelafontaine.fr/qui-a-peur-du-conseil-constitutionnel/
[2] Voy. par exemple les différents documents produits par la Commission européenne pour la démocratie par le droit créée par le Conseil de l’Europe en 1990, dite « Commission de Venise ». La question de savoir si ces exigences sont bonnes ou légitimes sera évoquée dans une deuxième partie s’ouvrant sur une interrogation sur les ambitions poursuivies par l’édification des critères de la justice constitutionnelle.
[3] Voy. Louis Favoreu, « La légitimité du juge constitutionnel », R.I.D.C., 1994, p. 557.
[4] Bien que cette expérience de fonder une enquête sociologique à partir du statut de membre du Conseil constitutionnel fut précisément tentée par Dominique Schnapper, même si ce n’est pas avec cette intention première qu’elle entra au Conseil constitutionnel, Une sociologue au Conseil constitutionnel, Gallimard, 2002.
[5] Voy. en ce sens Georges Vedel, « Options juridiques fondamentales », Rapport dans Le processus constitutionnel, instrument pour la transition démocratique, Actes de la Conférence UniDem organisée à Istanbul du 8 au 10 octobre 1992 en coopération avec le Gouvernement de la République turque et la Fondation turque pour la démocratie, 2012, p. 36 : « sont regardées comme indispensables au fonctionnement d’institutions démocratiques comme ‘gardiennes des droits fondamentaux’, valeur essentielle de la démocratie », en ligne : https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-STD(1992)003-f.
[6] Voy. sur ce point le guide publié par la Cour européenne des droits de l’homme, à jour du 30 avril 2021, sur Le droit à un procès équitable, en ligne : https://www.echr.coe.int/documents/guide_art_6_fra.pdf.
[7] Voy. par exemple la condamnation de la Pologne par la Cour européenne des droits de l’homme pour une nomination « irrégulière » à la cour constitutionnelle, 7 mai 2021, Xero Flor c. Pologne.
[8] On note qu’elles n’émanaient pas de membres actifs de l’Association Française de Droit Constitutionnel : voy. par exemple Danièle Lochak, « Le Conseil constitutionnel protecteur des libertés ? », Pouvoirs, 1986, n°13 et, du même auteur, « Les trompe-l’œil du Palais royal », Plein droit, no 22-23, 1994 ; Patrick Wachsmann, « Des chameaux et des moustiques. Réflexions critiques sur le Conseil constitutionnel », dans Frontières du droit, critique des droits. Billets d’humeur en l’honneur de Danièle Lochak, L.G.D.J., 2007, p. 279. et, du même auteur, « Sur la composition du Conseil constitutionnel », Jus Politicum, 2012, n°7, en ligne : http://juspoliticum.com/article/Sur-la-composition-du-Conseil-constitutionnel-294.html ; Elina Lemaire, « Dans les coulisses du Conseil constitutionnel. Comment le rôle de gardien des droits et libertés constitutionnellement garantis est-il conçu par les membres de l’institution ? », Jus Politicum, 2012, n°7, en ligne :http://juspoliticum.com/article/Dans-les-coulisses-du-Conseil-constitutionnel-403.html ; Olivier Jouanjan, « Sur quelques aspects d’un vaste débat : le Conseil supérieur de la Constitution syldave est-il une ‘cour constitutionnelle’ ? », dans L’architecture du droit. Mélanges en l’honneur de Michel Troper, Economica, 2006, p. 551, en ligne :
https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=sites&srcid=ZGVmYXVsdGRvbWFpbnxvbGl2aWVyam91YW5qYW58Z3g6NDZjYjU1ZjA5OGVlMGE0Zg, et du même auteur, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique », Jus Politicum, n° 2, 2009, p. 20, en ligne : http://juspoliticum.com/article/Modeles-et-representations-de-la-justice-constitutionnelle-en-France-un-bilan-critique-72.html ; et plus tard, voy. aussi Lauréline Fontaine et Alain Supiot, « Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction sociale ? », Revue de Droit social, 2017, n°9, p. 754 ; Thomas Perroud, « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », Revue des droits de l’homme, 2019, n°15, en ligne : https://journals.openedition.org/revdh/5618.; Thomas Hochmann, « Et si le conseil constitutionnel était une ‘cour constitutionnelle de référence’ ? », Revue des Droits et Libertés Fondamentaux, 2019, chr. n°32, en ligne : http://www.revuedlf.com/droit-constitutionnel/et-si-le-conseil-constitutionnel-etait-une-cour-constitutionnelle-de-reference/ ; Paul Cassia, « Le conseil constitutionnel déchire la constitution », Le blog de Paul Cassia, Mediapart, 27 mars 2020, en ligne : https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/270320/le-conseil-constitutionnel-dechire-la-constitution, et « Le nouveau bras d’honneur du Conseil constitutionnel à l’Etat de droit », Le blog de Paul Cassia, Mediapart, 5 février 2021, en ligne : https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/050221/le-nouveau-bras-d-honneur-du-conseil-constitutionnel-l-etat-de-droit, ces 5 derniers auteurs ayant par ailleurs écrit des tribunes à ce sujet (voy. note 10).
[9] Il s’est même trouvé des constitutionnalistes pour valider le caractère démocratique du Conseil constitutionnel, par un montage théorique superficiel mais du même coup aveuglant, auquel nombreux sont ceux ayant voulu y croire. Il était difficile de faire autrement tant la justice constitutionnelle était vantée, tant il fallait l’encourager. Voy. par ex. Michel Troper, « Justice constitutionnelle et démocratie », R.F.D.C., 1990, n°1, p. 31.
[10] Voy. Paul Cassia, « Il est temps de faire du Conseil constitutionnel une véritable juridiction », Le Monde, 17 février 2010 ; Wanda Mastor, « Rénover la gauche : ‘Le Conseil constitutionnel doit être réformé’ », Le Monde, 12 janvier 2017 ; Lauréline Fontaine et Alain Supiot, « Pour une vraie réforme du Conseil constitutionnel », Le Monde, 15 juin 2017 ; Thomas Hochmann, « L’expertise requise est avant tout juridique, pas politique », Le Monde, 21 février 2019 ; Elina Lemaire, « Réformons en profondeur le Conseil constitutionnel », Libération, 21 février 2019 ; Lauréline Fontaine, Pierre Mury, Thomas Perroud, Carole Yturbide, « Cherche éthique désespérément au Conseil constitutionnel », Mediapart, 6 juillet 2020 ; Paul Cassia, « Le Conseil constitutionnel déchire la Constitution », op. cit., et « Le nouveau bras d’honneur du Conseil constitutionnel à l’État de droit », op. cit.
[11] Guillaume Drago, « Faut-il réformer le Conseil constitutionnel », Pouvoirs, 2003, n° 105, p. 73.
[12] Xavier Magnon, « Plaidoyer pour que le Conseil constitutionnel devienne une Cour constitutionnelle », R.F.D.C., 2014, p. 999.
[13] Voy. par ex. l’article de Bastien François relatant qu’ « une enquête auprès des parlementaires a aussi pu montrer, d’une part, que la saisie du Conseil obéit avant tout à des considérations de stratégie politique et non pas à la volonté de faire respecter la Constitution », « La perception du Conseil constitutionnel par la classe politique », Pouvoirs, 2003, n°105, §2.
[14] Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, Tome troisième, La théorie générale de l’État, éd. de Boccard, 1923, p. 665.
[15] Jean-Marie Denquin, « Justice constitutionnelle et justice politique », dans Constance Grewe, Olivier Jouanjan, Éric Maulin, Patrick Wachsmann (dir.), La notion de « justice constitutionnelle », Actes du colloque de Strasbourg de janvier 2004, Dalloz, 2005, p. 75.
[16] Commission Européenne pour la démocratie par le droit, La composition des cours constitutionnelles, Sciences et techniques de la démocratie, 1997, n°20, en ligne :
https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-STD(1997)020-f. Pour un panorama plus large des modes de désignation des membres des cours constitutionnelles et suprêmes, voy. aussi Guillaume Tusseau, Contentieux constitutionnel comparé, L.G.D.J., 2021 ;voy. aussi mon étude à paraître sur « La désignation des gardiens de la Constitution. Enjeux des régimes contemporains ou faux débat ? », dans Le Tribonien, 2022.
[17] Pour un recensement de quelques critiques du mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel, dès 1959, voy. Jean-Pierre Camby, « La nomination des membres du Conseil constitutionnel ou la liberté absolue de choisir. (A propos de l’arrêt du Conseil d’Etat ‘Mme Ba’ du 9 avril 1999), RDP, 1999, n°6, pp. 1573-1574. Voy. aussi les premières pages de l’article de Patrick Wachsmann, « Sur la composition du Conseil constitutionnel », op. cit.
[18] Au contraire des propositions faites pour le Conseil Supérieur de la Magistrature à l’occasion desquelles des désaccords ont déjà pu se produire, obligeant ainsi les présidents des assemblées à tenir compte des composantes des assemblées. Patrick Wachsmann l’a souligné : « On n’est pas sûr, au demeurant, que les auditions en question débouchent sur beaucoup d’oppositions aux choix proposés, alors surtout que ceux-ci portent le plus souvent sur des personnalités issues du monde politique, qui se retrouvent particulièrement à l’aise dans le milieu auquel elles appartiennent », « Sur La composition du Conseil constitutionnel », op. cit.
[19] Sans préjudice de ce qu’on sait du rôle du secrétaire général du Conseil constitutionnel qui de fait prépare les propositions de décision. Voy. Alexandre Ciaudo, « Un acteur spécifique du procès constitutionnel : le secrétaire général du Conseil constitutionnel », R.F.D.C., 2008, n°73 et sa contribution au présent ouvrage.
[20] Pierre Joxe, Cas de conscience, Labor et Fides, 2010.
[21] Constance Grewe, « Le statut du Conseil constitutionnel à la lumière des enseignements du droit comparé », Anuario Iberoamericano de Justicia Constitucional, 2004, n° 8, p. 201.
[22] Si la disposition a paru sans effet pendant des années en raison de ce qu’aucun ancien président de la République n’y avait siégé après René Coty décédé en 1962, elle a été « réactivée » par Valéry Giscard d’Estaing en 2004, entraînant Jacques Chirac dans son sillage à l’issue de son mandat en 2007. Aujourd’hui, plus personne n’y siège de fait, mais le texte constitutionnel inchangé fonde toute velléité d’y siéger de nouveau.
[23] Je fais ici référence au paragraphe que Guillaume Tusseau consacre à cette question dans son ouvrage de Contentieux constitutionnel comparé, op. cit., intitulé « Une exigence de bon sens apparent ». En parlant d’apparent bon sens, il s’agit implicitement de décrédibiliser, ou, à tout le moins, de minimiser les critiques portant sur l’absence de compétences juridiques des membres d’une cour constitutionnelle, et on ne peut s’empêcher de penser que cela concerne essentiellement le Conseil constitutionnel tant les autres cours constitutionnelles des régimes comparables au nôtre ne peuvent être accusées de ce défaut. L’auteur ne cite à cet égard que 4 régimes dans le monde où aucune compétence spécifique n’est exigée : la Suisse, le Kazakhstan, la France et les Etats-Unis (p. 496), sans préciser que, dans ce dernier pays notamment, l’habitude a été prise de ne nommer que de « véritables » juristes, à la fois par leur formation et leur carrière.
[24] Même si tous ne pratiquent pas cette indépendance de la même manière, cela va sans dire.
[25] Je souligne. Louis Favoreu, « La légitimité du juge constitutionnel », op. cit., p. 578.
[26] Noëlle Lenoir, « Le métier de juge constitutionnel. Entretien », Le Débat, 2001/2, p. 185.
[27] A cet égard, les exemples rapportés par Guillaume Tusseau de personnalités politiques membres de cours constitutionnelles ou suprêmes à l’étranger sont relativement « anciens », puisqu’ils se situent tous entre le début du XXe siècle et les années 1960, à l’exception (qui confirme donc la règle) du cas de Sergio Matarella, juge constitutionnel italien élu président de la République, Contentieux constitutionnel comparé, op. cit., n°403 p. 397.
[28] Par ex. Guillaume Tusseau, Contentieux constitutionnel comparé, op. cit., n°527.
[29] Voy. sur ce point l’analyse très claire de Patrick Wachsmann, « Sur la composition du Conseil constitutionnel », op. cit.
[30] Ce fut le cas de Nicole Belloubet, qui d’ailleurs fut « exfiltrée » du Conseil constitutionnel en 2017 pour devenir ministre de la justice. A certains égards, ce fut le cas avant elle de Jean-Claude Colliard.
[31] Dominique Schnapper, « L’expérience-enquête au Conseil constitutionnel. Réflexion sur la méthode », Sociologie, 2011, n°3, vol. 2, § 14, en ligne : https://journals.openedition.org/sociologie/1035. Voy. aussi Noëlle Lenoir, « Le métier de juge constitutionnel. Entretien », op. cit. Au passage, on ne s’étonnera pas que ce témoignage émane de deux femmes, dont l’une est juriste, en vertu de ce qu’il a été constaté sociologiquement une tendance de la part des femmes à sous-estimer leurs capacités et une tendance inverse des hommes à les sur-estimer. Le Conseil constitutionnel ayant été très majoritairement composé d’hommes depuis son installation à la fin des années 1950, on comprend que les témoignages sur la difficulté du travail n’aient pas été plus nombreux !
[32] Dominique Schnapper, Une sociologue au Conseil constitutionnel, op. cit.
[33] Rapporté par Thomas Hochmann, « Et si le Conseil constitutionnel devenait une ‘cour constitutionnelle de référence’ ? », op. cit., note 36.
[34] Thomas Perroud, « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », op. cit., §40.
[35] Laurent Fabius, entretien au journal Le Monde, 1er avril 2016.
[36] C’est intéressant d’ailleurs parce que si le caractère politique de leur mission est mis en avant par les conseillers, ils se qualifient en même temps de « juges », entretenant maladroitement l’accusation de justice politique.
[37] Michel Ameller, « Principes d’interprétation constitutionnelle et autolimitation du juge constitutionnel », à l’occasion d’une rencontre organisée à Istanbul en mai 1998 par l’OCDE, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-membres/principes-d-interpretation-constitutionnelle-et-autolimitation-du-juge-constitutionnel.
[38] Jacques Barrot, propos rapportés dans « Nicolas Sarkozy poursuit la politique d’ouverture au Conseil constitutionnel », Le Monde, 24 février 2010.
[39] Dans son article sur les coulisses du Conseil constitutionnel, Elina Lemaire constate que les membres du Conseil constitutionnel « ne croyaient pas toujours avoir la faculté de censurer la loi, mais aussi qu’ils n’avaient parfois pas, de leur propre aveu, la volonté de censurer la loi, alors même qu’un droit ou une liberté constitutionnellement garantis pouvaient être menacés », « Dans les coulisses du Conseil constitutionnel. Comment le rôle de gardien des droits et libertés constitutionnellement garantis est-il conçu par les membres de l’institution ? », op. cit.
[40] Voy. par exemple Guillaume Tusseau, Contentieux constitutionnel comparé, op. cit., n° 384, p. 382.
[41] Olivier Jouanjan, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique », op. cit. L’auteur fait remonter ce débat au XVIIIe siècle, qu’exemplifie l’opposition entre Sieyès et Thibaudeau entre 1794 et 1795.
[42] Noëlle Lenoir, « Le métier de juge constitutionnel. Entretien », op. cit., p. 180.
[43] Voy. nos développements p. 755 dans Lauréline Fontaine et Alain Supiot, « Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction sociale ? » op. cit. La seule véritable critique de cette question émanant d’une ancienne membre du Conseil constitutionnel est celle de Dominique Schnapper, et pour cause : elle n’avait aucune prétention à la connaissance juridique par son statut de sociologue, par ex. dans « Dominique Schnapper : ‘Une institution encore fragile’ », propos recueillis par Gérard Courtois et Nicolas Weill, Le Monde, 15 février 2010.
[44] Voy. aussi pour cette remarque Guillaume Drago, Contentieux constitutionnel français, 4è éd., PUF, 2016, n° 221 (p. 205).
[45] Voy. par exemple « La contribution des services juridiques à la prise de décision des cours constitutionnelles », intervention du responsable du service juridique du Conseil constitutionnel français à la conférence des secrétaires généraux des cours constitutionnelles européennes tenue à Bled, en Slovénie, les 29 et 30 septembre 2005, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/pdf/Conseil/20050930.pdf. Voy. aussi ce qu’en dit un ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, Jean-Eric Schoettl dans « Ma cinquantaine rue de Montpensier », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, 2009, n°25, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/ma-cinquantaine-rue-de-montpensier. Voy. également la contribution de Cédric Meurant dans cet ouvrage, « Le rôle du service juridique du Conseil constitutionnel ».
[46] Pierre Castera, Les professeurs de droit membres du Conseil constitutionnel, thèse de doctorat, Bordeaux, 2015, p. 35, en ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01280310/document.
[47] Voy. qui le laisse filtrer, l’article de Marc Guillaume, ancien secrétaire général du Conseil (dont d’ailleurs l’omniprésence, voire l’omnipotence au Conseil constitutionnel a souvent été soulignée à mots plus ou moins couverts dans les conversations), « La procédure au Conseil constitutionnel : permanence et innovations », dans Le dialogue des juges. Mélanges en l’honneur du président Bruno Genevois, Dalloz, 2009, p. 527.
[48]Par exemple, Robert Badinter, ancien président, a déclaré « Je n’ai pas connu de satisfaction de l’esprit comparable à celle que j’ai éprouvée au Conseil constitutionnel », France culture, Robert Badinter 12/15, 27 sept. 2021 (https://www.franceculture.fr/emissions/robert-badinter-se-raconte-dans-memorables/robert-badinter-1215) ; Alain Lancelot pour sa part a intitulé son témoignage sur sa participation au Conseil constitutionnel « Où il est question de bonheur au sommet de l’Etat », Les cahiers du Conseil constitutionnel, 2009, n°25, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/ou-il-est-question-du-bonheur-au-sommet-de-l-etat ; et dans le même numéro des Cahiers, Jean-Claude Colliard parle de « Neuf ans de bonheur », https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/neuf-ans-de-bonheur.
[49] M. Mathieu, « Enquête sur les coulisses du Conseil constitutionnel, cible des lobbies », Médiapart, 12 Octobre 2015.
[50] Faisant ce constat et le rapportant à une lacune du fonctionnement du Conseil constitutionnel, voy. par exemple Véronique Champeil-desplats, « Retour sur la case ‘prison’ : le Conseil constitutionnel, un monde à part ? », Revue de Droit du Travail, Dalloz, 2016, pp. 611-615 ; Patrick Wachsmann, « Des chameaux et des moustiques, Réflexions critiques sur le Conseil constitutionnel », op. cit., p. 279.
[51] Les décisions sont très nombreuses en la matière. Voy. Manon Altwegg-Boussac, « La ‘nature’ de l’‘appréciation du Parlement’ selon le Conseil constitutionnel : la société, la science, et cetera », La revue des droits de l’homme, n°20, 2021, en ligne : https://journals.openedition.org/revdh/12773. L’auteure note qu’avec cet argument, le Conseil constitutionnel « construit un domaine qui relèverait ‘par nature’ du Parlement » (§4).
[52] Louis Favoreu, « La légitimité du juge constitutionnel », op. cit.
[53] Sur les stratégies et méthodes de communication du Conseil constitutionnel, voy. Mathieu Disant, « La communication du Conseil constitutionnel. Évolution, organisation, méthodes », A.I.J.C., 33-2017, 2018, p.59, en ligne : https://www.persee.fr/docAsPDF/aijc_0995-3817_2018_num_33_2017_2572.pdf.
[54] Voy. pour une explicitation de la fonction « idéale » de la justice constitutionnelle, Dominique Rousseau, « Il est temps de rendre la justice constitutionnelle aux juristes », Actu-juridique.fr, 9 mars 2021, en ligne : https://www.actu-juridique.fr/constitutionnel/il-est-temps-de-rendre-la-justice-constitutionnelle-aux-juristes/.
[55] Une construction verbale qu’il attribue à l’imaginaire professeur Igrãznaljudi (un nom judicieusement inventé puisqu’on en trouve nul homonyme après une recherche lancée sur internet) lors d’un colloque réuni en Syldavie (pays imaginé par Hergé) en 2005 à l’Université de Sbrodj sur le concept de cour constitutionnelle, Olivier Jouanjan, « Sur quelques aspects d’un vaste débat : le Conseil supérieur de la Constitution syldave est-il une ‘cour constitutionnelle’ ? », op. cit..
[56] Pierre Castera, Les professeurs de droit membres du Conseil constitutionnel, op. cit.
[57] Maria Kordeva, « La justice constitutionnelle ou la garantie juridictionnelle du principe de séparation des pouvoirs » : Revue générale du droit on line, 2020, numéro 53192, disponible en ligne : www.revuegeneraledudroit.eu/?p=53192.
[58] Voy., pour des « entrées » possibles de la critique de la cohérence entre le statut du juge constitutionnel français et celui des autres juges, Patrick Wachsmann, « Sur la composition du Conseil constitutionnel », op. cit.
[59] Pierre Bourdieu, « La force du droit », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 1986, vol. 64, p. 6.
[60] Voy. le règlement intérieur du Conseil en date du 24 juin 2010 (Règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité).
[61] Lauréline Fontaine, Alain Supiot, « Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction sociale ? », op. cit., p.756.
[62] Décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, M. Gérard D.
[63] « Harcèlement sexuel : Quatre « sages » connaissaient le requérant », Le Monde du 5 mai 2012. Voy. à propos de cette décision notre tribune du 6 juillet 2020 sur le site de Mediapart, « Cherche éthique désespérément au Conseil constitutionnel », Lauréline Fontaine, Pierre Mury, Thomas Perroud, Carole Yturbide, op. cit.
[64] A l’instar de la pratique des nominations ou promotions des membres du Conseil constitutionnel dans l’ordre de la Légion d’honneur ou du Mérite pendant l’exercice de leurs fonctions. Voy. Pierre Avril et Jean Gicquel, Le Conseil constitutionnel, Montchrestien, coll. Clefs, 5è éd., 2005, p. 80 : « cette éventualité, disent les auteurs, devrait être repoussée, afin de dissiper tout jugement de valeur du pouvoir politique. L’État de droit commande l’humilité ».
[65] Pour un travail complet et néanmoins de relativisation du manque d’impartialité des membres du Conseil constitutionnel, voy. Alexia David, L’impartialité du Conseil constitutionnel, thèse de Doctorat, Caen, 2021.
[66] Thomas Perroud, « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », op. cit. § 42. Mais si Patrick Wachsmann estime qu’il serait humiliant de voir la France condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme du fait de la composition, du statut et du fonctionnement du Conseil constitutionnel, il peut pour le moment être rassuré dans la mesure où la Cour, elle aussi pour des raisons de bonne politique, n’a à ce jour pas effleuré la question, « Sur la composition du Conseil constitutionnel », op. cit.
[67] Pratique dont l’existence fut portée à la connaissance publique par un ancien membre du Conseil constitutionnel en 1991, peut-être parce qu’il était lui-même professeur de droit constitutionnel, Georges Vedel, « L’accès des citoyens au juge constitutionnel. La porte étroite », La vie judiciaire », 11 au 17 mars 1991, n°2344, p. 9.
[68] Quelques professeurs de droit, constitutionnel surtout, sont ainsi connus pour avoir rédigé nombre de ces arguments et il se trouve qu’ils figurent par ailleurs en « bonne place » de la doctrine constitutionnaliste. Voy. pour un rapport rédigé par un professeur de droit et visant manifestement à légitimer l’exercice, Denys de Béchillon, « Réflexions sur le statut des ‘portes étroites’ devant le Conseil constitutionnel », Les notes du Club des juristes, 2017, en ligne : https://www.leclubdesjuristes.com/wp-content/uploads/2017/02/Club-des-juristes-Notes-Portes-etroites-Fev-2017.pdf.
[69] Voy. principalement Lauréline Fontaine et Alain Supiot, « Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction sociale ? », op. cit., p. 757, et Thomas Perroud, « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », op. cit., § 39.
[70] Jean-Louis Debré, Ce que je ne pouvais pas dire, Robert Laffont, 2016, p. 306-307.
[71] Voy. par exemple « Les sages sous influence ? Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat », rapport publié par Les amis de la terre et L’observatoire des multinationales, 2017, en ligne : https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2018/06/les-sages-sous-influence—rapport-amis-de-la-terre—odm.pdf.
[72] Voy. Mathilde Mathieu, « Enquête sur les coulisses du Conseil constitutionnel, cible des lobbies », op. cit. ; Etienne Girard , « Lobbying souterrain : le Conseil constitutionnel assiégé par les patrons », Marianne, 24 août 2018 ; Laure Equy, « Le Conseil constitutionnel est devenu un lieu important de lobbying », Libération, 27 octobre 2018.
[73] Véronique Champeil-Desplats, « Retour sur la case “ prison ” : le Conseil constitutionnel, un monde à part ? », art. cité, p. 611.
[74] Voy. Pierre Januel, « Derrière les portes étroites du Conseil constitutionnel », Blog Les cuisines de l’Assemblée, 12 octobre 2015, en ligne : https://www.lemonde.fr/blog/cuisines-assemblee/2015/10/12/derriere-les-portes-etroites-du-conseil-constitutionnel/).
[75] Communiqué de Presse « sur les contributions extérieures » du 23 février 2017, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/communique-sur-les-contributions-exterieures)
[76] Communiqué de Presse « sur les contributions extérieures » du 24 mai 2019, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/le-conseil-constitutionnel-rendra-desormais-publiques-les-contributions-exterieures-qu-il-recoit.
[77] Voy. le nouveau règlement intérieur du Conseil constitutionnel du 11 mars 2022.
[78] Thomas Perroud, « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », op. cit., §33.
[79] On peut estimer le rapport des moyens du Conseil constitutionnel comparés à ceux de la Cour allemande comme étant de 1 à 30 environ : le Conseil constitutionnel comprend un peu plus d’une soixantaine de personnes et la Cour de Karlsruhe 1500. Il est vrai que cette dernière, en raison de ses compétences, est saisie d’un contentieux plus important que le Conseil français.
[80] On renvoie évidemment ici aux différentes interventions d’Elina Lemaire sur ce sujet et à sa contribution dans ce colloque. Il est probable que l’appartenance d’Elina Lemaire à l’Observatoire de l’éthique publique ait participé de l’introduction d’une réforme. Peut-être cette légalisation invitera-t-elle un peu plus à se poser la question des « comptes à rendre » dans l’exercice de la justice constitutionnelle.
[81] Voy. dans un sens négatif Guillaume Tusseau qui considère que si on applique à la cour constitutionnelle tous les critères de la « juridiction », on risque de la rendre inadaptée à la justice constitutionnelle, Contentieux constitutionnel comparé, op. cit., n°310 et s., pp. 308 et s.
[82] Voy. pour cette idée, Thomas Hochmann, « Et si le Conseil constitutionnel était une ‘cour constitutionnelle de référence’ ? », op. cit.
[83] Voy. Xavier Magnon, « Plaidoyer pour que le Conseil constitutionnel devienne une Cour constitutionnelle », R.F.D.C., 2014, p. 999.
[84] Voy. Marie Boeton, « Le conseil constitutionnel, un cénacle trop ‘politique’ ? », La croix, 12 octobre 2015.
[85] Voy. en ce sens les propos récurrents de l’ancien président du Conseil constitutionnel dans son ouvrage, Ce que je ne pouvais pas dire, op. cit.
[86] Dominique Schnapper, « L’expérience-enquête au Conseil constitutionnel. Réflexion sur la méthode », op. cit., §11.
[87] Dominique Schnapper, Une sociologue au Conseil constitutionnel, op. cit., p. 191.
[88] Voy. par ex. Ph. Blacher, « Le Conseil constitutionnel en fait-il trop ? », Pouvoirs, 2003, p. 17.
[89] Une expression toujours en vogue d’ailleurs aujourd’hui.
[90] Qu’on en juge par exemple avec cet article de Guillaume Drago, « Faut-il réformer le Conseil constitutionnel ? », op. cit. : parlant de l’indépendance, il dit que « Le statut des membres du Conseil constitutionnel est sur ce point satisfaisant, pour autant qu’on ne se lance pas dans la polémique ou l’analyse non vérifiable des affinités ou des préférences », disqualifiant ainsi par avance la critique du statut.
[91] Voy. les références à la note 10.
[92] On sait qu’Olivier Duhamel et Jean Gicquel ont été auprès de Daniel Mayer, François Luchaire auprès de Robert Badinter, Roland Dumas et Yves Guéna, Georges Vedel auprès de Robert Badinter après qu’il ait lui-même quitté ses fonctions de conseiller. Toutefois, si Jacques Robert, lui aussi membre du Conseil constitutionnel et professeur de droit, indique qu’« on ne sait s’ils ont des réunions avec le président, s’ils sont consultés spécialement à sa demande ou s’ils rédigent des notes ponctuelles ou encore s’ils donnent leur avis oralement sur ce que devrait être le sens de la décision » ( « François Luchaire et le Conseil constitutionnel », dans Didier Maus, Jeannette Bougrab (dir.), François Luchaire, un républicain au service de la République, Publications de la Sorbonne, 2005, p. 165), on sait tout de même que les conseillers peuvent rencontrer et discuter une future décision avec des professeurs de droit, notamment si ces derniers ont rédigé une contribution extérieure.
[93] Les cahiers du Conseil constitutionnel créés en 1996, rebaptisés Les nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel en 2010, puis Titre VII en 2018. A lecture, les auteurs des études qui y sont publiées sont très majoritairement des universitaires, français ou étrangers.
[94] Lauréline Fontaine, « L’indignité. Ce que dire et ne pas dire veut dire », Le droit de la Fontaine, octobre 2016, en ligne : https://www.ledroitdelafontaine.fr/lindignite-ce-que-dire-et-ne-pas-dire-veut-dire/.
[95] Pierre Januel, « Conseil constitutionnel : derrière les recours et les portes étroites », Dalloz Actualité, 18 juillet 2019, en ligne, https://www.dalloz-actualite.fr/dossier/conseil-constitutionnel-derriere-recours-et-portes-etroites.
[96] On peut relever à cet égard la critique de Jean-Marie Denquin : « A quelques exceptions près, glorieuses mais rares, la majorité de la doctrine attend la vérité du Conseil au lieu de la lui apporter », et de conclure « qu’une partie de la doctrine succombe à cette tentation entraîne un appauvrissement singulier du droit constitutionnel », dans « Grandeur ou décadence du droit constitutionnel ? Un regard surplombant sur les libertés publiques », Jus Politicum, 2012, n°7, en ligne : http://juspoliticum.com/article/La-jurisprudence-du-conseil-constitutionnel-grandeur-ou-decadence-du-droit-constitutionnel-408.html.
[97] Voy. par exemple récemment, Aurélie Lombard-Latune, « Conseil constitutionnel : des sages accusés de dérive ‘droit-de-l’hommiste’ », L’opinion, 25 novembre 2020.
[98] On retrouve ce vocable chez Dominique Schnapper, dont le mérite est d’avoir été assez claire sur les insuffisances du Conseil, « Dominique Schnapper : ‘Une institution encore fragile’ », propos recueillis par Gérard Courtois et Nicolas Weill, op. cit. Mais, chez les universitaires, l’idée implicite de fragilité de l’institution est un prétexte : on ne le retrouve d’ailleurs pas dans d’autres pays où l’institution du contrôle de constitutionnalité par une cour constitutionnelle est encore plus récente.
[99] Mais il y a eu tout de même des articles : voy. par exemple F. Johannès, « Le Conseil constitutionnel, gardien de l’Etat plus que des libertés », Le Monde, 20 août 2015 ; « La « grève du zèle » des juges constitutionnels », Le Monde, 18 août 2015 ; Marie Viennot, « Impartiaux, les sages du Conseil constitutionnel » ?, France Culture, 9 mars 2019 et « Les sages du Conseil constitutionnel jugent-ils en toute impartialité ? », France Culture, 12 mars 2019. Voy. aussi les articles précités note 69 sur le Conseil constitutionnel et le lobbying.
[100] A la suite de l’envoi au journal Le Monde du dossier de l’Observatoire de l’Ethique publique sur la rémunération des membres du Conseil constitutionnel, l’article d’Anne Michel, « Le régime d’indemnité des membres du Conseil constitutionnel n’est pas conforme au droit » (26 juin 2020), dispose d’un titre relativement sobre et surtout son contenu se noie dans les méandres qui avaient précisément rendu difficile le dévoilement de l’illégalité. Voy. ensuite Benoit Floc’h, « Les salaires des membres du Conseil constitutionnel font débat », Le Monde, 19 janvier 2021 ; Thierry Benne, « Quand le Conseil constitutionnel ne respecte pas la Constitution », site de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales, 27 septembre 2020, en ligne : https://fr.irefeurope.org/Publications/Etudes-et-Monographies/article/Quand-le-Conseil-constitutionnel-ne-respecte-pas-la-Constitution.
[101] Bastien François, « La perception du Conseil constitutionnel par la classe politique, les médias et l’opinion », op. cit., p. 133.
[102] Guillaume Tusseau dans son Contentieux constitutionnel comparé indique que les attentes politiques des autorités de nomination « sont rarement déçues », op. cit., n° 544, p. 513.
[103] Il existe désormais un « corpus » d’études de doctrine dont l’objet spécifique est de mettre en avant la contrariété de la composition, du statut et du fonctionnement du Conseil constitutionnel aux éléments qui définissent une « cour constitutionnelle » : voy. les études citées note 8.
[104] Cette aspiration peut être le maintien d’un certain ordre social, économique et politique.
[105] Elle fonctionne grâce au travail d’expertise de la doctrine des différents pays membres.
[106] Les manuels de droit constitutionnel ne discutent ainsi pas véritablement de l’actualité de la nomenclature des pouvoirs à partir de laquelle la théorie de la séparation des pouvoirs a été pensée par John Locke ou Montesquieu. Voy. cependant Michel Troper, « Actualité de la séparation des pouvoirs », dans Pour une théorie juridique de l’État, PUF, Léviathan, 1994, p.223. Voy. aussi Olivier Jouanjan, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique », op. cit., p. 19 : « Si l’on considère historiquement les choses, l’on voit à quel point les questions sensibles du droit constitutionnel ne se réduisent nullement au seul contrôle de constitutionnalité des normes et que même, de ce point de vue, le premier objet très sensible fut le contrôle de constitutionnalité des normes exécutives et non de la loi formelle », en ligne : http://juspoliticum.com/article/Modeles-et-representations-de-la-justice-constitutionnelle-en-France-un-bilan-critique-72.html.
[107] En tout état de cause, les constitutionnalistes le font peu, et le contentieux des droits est réservé aux spécialistes des droits et libertés qui continuent d’en décrire le spectre juridique.
[108] Voy. sur ce point Régis Ponsard, « Les moyens d’une analyse scientifiquement et juridiquement critique : l’exemple des décisions du Conseil constitutionnel », A.I.J.C., 2015-2016, p. 72. Voy. aussi Olivier Beaud, « Le droit constitutionnel par-delà le texte constitutionnel et la jurisprudence constitutionnelle. A propos d’un ouvrage récent », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, 1999, n° 8, p. 103.
[109] La référence à cette idée est très limitée par exemple chez Louis Favoreu, car circonscrite aux questions formelles : ainsi, « la légitimité du contrôle juridictionnel des lois pourra être contestée en considération des caractères mêmes du texte constitutionnel ou des normes de référence, soit que le texte soit trop flou ou imprécis, soit qu’il soit trop ancien, soit que le texte soit à la fois trop imprécis et ancien », mais rien donc sur le sens même du projet de société porté par le texte constitutionnel, dans « La légitimité du juge constitutionnel », op. cit., p. 565.
[110] Voy. Georges Vedel, « Options fondamentales », op. cit.
[111] Il n’est qu’à lire les commentaires des décisions de la Cour suprême par Ronald Dworkin par exemple pour voir que les investigations sur le « bon », le « juste » ou la « liberté » relèvent bien, dans cette tradition, du travail du juriste. La lecture des ouvrages d’un membre de la Cour suprême américaine, Stephen Breyer, illustre aussi cette manière de voir qui donne à chacun la possibilité de discuter de la « bonne » norme constitutionnelle.
[112] Voy. encore Stephen Breyer, Pour une démocratie active, Odile Jacob, 2005.
[113] Voy. par exemple Michael Comiskey, « Can the Senate Examine the Constitutional Philosophies of Supreme Court Nominees? », Political Science and Politics, 1993, n°3, p. 495.
[114] Voy. par exemple le débat grec sur l’adoption et l’application du Mémorandum, Afroditi Marketou, « Greece: Constitutional Deconstruction and the Loss of National Sovereignty », dans Thomas Beukers, Bruno de Witte, Claire Kilpatrick (dir.), Constitutional Change through Euro-Crisis Law, Cambridge University Press, 2017, p.179.
[115] Voy. par exemple l’instauration d’un « pass(e) » sanitaire dans plusieurs pays européens, limitant l’accès des personnes à des services de grande consommation.
[116] La gestion de la crise sanitaire s’est concrétisée, en Europe surtout, par une valse des mesures successives et, souvent, leur incohérence a été un phénomène souligné et a généré des manifestations populaires dans plusieurs pays, voy. par exemple « Covid-19 : des manifestations contre les restrictions de l’Europe à l’Australie », Le Figaro avec l’AFP, 24 juillet 2021, site internet du Figaro.
[117] Voy. sur cette affaire le témoignage de Jacques Robert, « Un ex-Sage qualifie de ‘belle entourloupe’ la validation des comptes de campagne de Balladur », Le Monde, 1er décembre 2011, et celui de Roland Dumas : « J’ai sauvé la République en 1995 », interview de Yves Thréard, Le Figaro, 27 janvier 2015. Voy. aussi, Simon Piel, « Quand le Conseil constitutionnel validait les comptes de campagne de Chirac et de Balladur », Le Monde, 19 janvier 2021.
[118] Cette hypothèse est également développée dans l’étude précitée « La désignation des gardiens de la Constitution… », op. cit.
[119] Profondément renouvelée sous la présidence de Donald Trump, la Cour suprême des Etats-Unis a rendu le 1er septembre 2021, presque sans surprise, un arrêt refusant de suspendre une nouvelle législation texane restreignant très fortement le droit à l’avortement, Whole Woman’s health et al. v. Austin Reeve Jackson, Judge, et al., 594 U. S (2021).
[120] Voy. ces différentes conditions dans le document précité Le droit à un procès équitable.
[121] Voy. « Harcèlement sexuel : Quatre « sages » connaissaient le requérant », op. cit.
[122] Sur cette question, voy. notre tribune précitée « Cherche éthique désespérément au Conseil constitutionnel ».
[123] Voy. par exemple Laurie Marguet : « Si le statut du Conseil devait dépendre ici de sa hardiesse à déployer son contrôle le plus approfondi de constitutionnalité, il ne serait que difficilement qualifiable de ‘cour de référence’ et difficilement comparable – bien qu’il soit désormais membre de la conférence des cours constitutionnelles européennes – aux autres ‘véritables’ cours constitutionnelles », « Le triple test est-il vraiment central à la protection constitutionnelle des libertés ? Observations sur un standard de contrôle à géométrie variable », Revue des droits de l’homme, 2021, n°20, en ligne : https://journals.openedition.org/revdh/12490.
[124] Arrêt du 23 mars 1995 Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires).
[125] Voy. la conférence de Dieter Grimm au collège de France, 29 mars 2017, Moins de Constitution pour plus de démocratie en Europe ? En ligne : https://www.college-de-france.fr/site/alain-supiot/guestlecturer-2017-03-29-17h00.htm.
[126] Attention, le Conseil constitutionnel lui-même qualifie certains contentieux comme touchant aux questions de « société », justifiant de ce fait qu’il ne dispose pas alors du même pouvoir d’appréciation que le législateur. Mais ce qu’il veut ainsi laisser paraître ne doit pas occulter le fait qu’il peut dissimuler la faiblesse de son contrôle en n’ayant tout simplement pas recours à une telle formulation ni à aucune autre équivalente tout en n’effectuant de fait qu’un contrôle sommaire. C’est clairement le cas lorsqu’il indique laconiquement que telle ou telle disposition ne porte pas atteinte à un droit ou une liberté constitutionnellement protégé visé par les auteurs de la saisine : voy. l’étude de Manon Altwegg-Boussac précitée, « La ‘nature’ de l’‘appréciation du Parlement’ selon le Conseil constitutionnel : la société, la science, et cetera ».
[127] Bien qu’un coup d’œil sur les différentes constitutions illustre une certaine homogénéité (mêmes questions traitées et, dans l’ensemble, mêmes types de modalités de résolution, en vertu notamment des « standards » élaborés par les institutions internationales et européennes ces quarante dernières années).
[128] L’institution d’une « cour suprême » au sein du groupe Facebook en 2020 en est l’exemple le plus spectaculaire.
[129] Voy. Pierre Dardot et Christian Laval, La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, La découverte, 2010. Voy. aussi Lauréline Fontaine, Droit et société au prisme de l’explication néolibérale : éléments contemporains, https://www.ledroitdelafontaine.fr/droit-et-societe-au-prisme-de-lexplication-neoliberale-elements-contemporains/, janvier 2022.
[130] Voy. encore Dieter Grimm, conférence précitée, Moins de Constitution pour plus de démocratie en Europe ?
[131] Voy. par exemple Paul W. Kahn, « Comparative Constitutionnalism in a New Key », Michigan Law Review , 2003, vol. 101, p. 2877.
[132] Voy. par exemple, Yaniv Roznai, « The Theory and Practice of ‘Supra-Constitutional’ Limits on Constitutional Amendments », The International and Comparative Law Quarterly, 2013, vol. 62, p. 557.
[133] Voy. Karim Benyekhlef, Une possible histoire de la norme. Les normativités émergentes de la mondialisation, 1ère éd., Thémis, 2008, p. 694.
[134] Déborah Cohen, « La population contre le peuple. L’agonistique masquée des cours de Foucault au Collège de France, 1977-1979 », Labyrinthe, 22 | 2005, http://journals.openedition.org/labyrinthe/1035 .
[135] Charles Austin Beard, An Economic Interpretation of the Constitution of the United States, Mac Millan, 1913, édition électronique proposée par Gary Edwards en 2001 : http://people.tamu.edu/~b-wood/GovtEcon/Beard.pdf. Voy. sur cet ouvrage notre étude avec Violaine Delteil, « Sur l’empreinte économique de la Constitution américaine, lecture croisée de Charles Beard », dans Lauréline Fontaine (dir.), Capitalisme, libéralisme et constitutionnalisme, Mare et Martin, 2021, p. 75.
[136] Charles Austin Beard, An Economic Interpretation of the Constitution of the United States, op. cit., p. 160 (pagination de la version électronique).
[137] Karlo Tuori, « La Constitution économique parmi les Constitutions européennes », Revue Internationale de Droit Economique, 2011, n°4, t. XXI, p. 559.
[138] Il considère d’ailleurs que « Lochner était à Luxembourg dès le départ : en tant que gardien de la Constitution économique, la Cour de justice a toujours ressemblé davantage à la Cour de l’affaire Lochner qu’à la Cour qui a statué sur l’affaire Warren après la Deuxième Guerre mondiale », ibid. p. 575-576. Voy. aussi Quin Slobodian, Globalists. The End of Empire and the Birth of Neoliberalism, Harvard University Press, 2018.
[139] Ce que le courant des Constitutional economics initié par James Buchanan (récipiendaire en 1986 d’un prix délivré par la Banque de Suez en hommage à Alfred Nobel) confirme. Voy. par exemple James Buchanan, GordonTullock, The Calculus of Consent: Logical Foundations of Constitutional Democracy, University of Michigan Press, 1962 ou Geoffrey Brennan, James Buchanan, The Reason of Rules: Constitutional Political Economy, Cambridge University Press, 1985.
[140] De manière à la fois la plus spectaculaire et la plus
décisive avec les désormais tristement célèbres arrêts « Viking » et « Laval », CJCE, 11 déc. 2007, aff.
C-438/05, Viking, CJCE, 18 déc.
2007, aff. C-341/05 Laval un Partneri Ltd.
[141] Voy. les rares études explicites à ce sujet R. Goldwin (éd.), How Capitalistic is the Constitution ?, American Enterprise Institute, Washington, 1982 ; Danny Nicol, The Constitutional Protection of Capitalism, Oxford and Portland, Oregon, 2010. Voy. aussi récemment Lauréline Fontaine (dir.), Capitalisme, libéralisme et constitutionnalisme, Mare et Martin, 2021.
[142] Voy. Claire Mongouachon, « Les débats sur la Constitution économique en Allemagne », R.F.D.C., 2012, n°2, p. 305.
[143] Louis Rougier, organisateur du colloque Lippmann en 1938, acte fondateur du néolibéralisme, dans son ouvrage Les mystiques économiques, éd. de Médicis, 1938.
[144] Voy. David Schneiderman, « Investment Rules and the New Constitutionalism », Law and Social Inquiry, 2005, n°5, pp. 758-759 (référé par Karim Benyekhlef, Une possible histoire de la norme, op.cit., p. 697).
[145] Ran Hirshl, « The Political Origins of the New Constitutionalism », Indiana Journal of Global Legal Studies, 2004, n°1, p. 72 (https://www.jstor.org/stable/10.2979/gls.2004.11.1.71).
[146] Voy. Karim Benyekhlef, Une possible histoire de la norme, op. cit., p. 692 et s.. Voy. aussi par exemple Olivier Beaud, « Constitution et constitutionnalisme », dans Philippe Reynaud et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de philosophie politique, 3è éd. 2003, p. 141.
[147] BVerfG, 5 mai 2020, 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15, 2 BvR 980/16.
[148] Décision du tribunal constitutionnel du 14 juillet 2021 sur l’obligation pour un État membre de l’UE de mettre en œuvre des mesures provisoires relatives à la forme et au fonctionnement de ses autorités judiciaires constitutionnelles, P 7/20.
[149] La première décision de ce type en Europe est bien connue, qui émane de la cour constitutionnelle de la République tchèque décidant, dans une affaire concernant la législation sur les pensions de retraites, que la Cour de justice de l’Union Européenne avait décidé ultra vires, c’est-à-dire au-delà de ses compétences, 31 janvier 2012, Pl. US 5/12, faisant suite à l’arrêt de la CJUE du 22 juin 2011, Landtova, aff. C-399/09.
[150] Voy. Bastien François, « Le juge, le droit et la politique », R.F.D.C., n° 1, p. 55.
[151] Voy. notamment sur ce point le témoignage de Nicole Belloubet entrée au Conseil constitutionnel en 2013, indiquant que les membres du Conseil constitutionnel « appartiennent à une certaine élite sociale, au sens de la qualité de l’approche intellectuelle et des modes de vie », dans « Huit femmes membres du Conseil constitutionnel », dans Le pouvoir, mythe et réalités. Mélanges en hommage à Henry Roussillon, 2014, p. 109.
[152] Anne-laure Cassard-Valembois, « Conseil constitutionnel français », dans L’élaboration des décisions des cours constitutionnelles européennes, Mission de Recherche Droit et justice, 2017, p. 154, en ligne : http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2017/07/15.05-RAPPORT-FINAL-d%C3%A9finitif.pdf.
[153] Ibid. p. 155.
[154] Voy. Isabelle Bourgeois, « La Cour de Karlsruhe, un think tank pour l’Europe », Revue Internationale et Stratégique, 2013, n°90, p. 28.
[155] Pour une analyse plutôt formaliste du phénomène, voy. D. Rousseau, La justice constitutionnelle en Europe, Montchrestien, 1998, 3è éd., pp. 124-128 ; pour une critique claire, voy. Alain Supiot, L’esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Seuil, 2010. Voy. plus récemment une étude de Victor Audubert, au ton volontairement plus sobre, et qui se termine par cette idée que « la nomination très politique des membres du Conseil constitutionnel pourrait être contrebalancée par une meilleure légitimité des décisions du juge constitutionnel », « La liberté d’entreprendre et le Conseil constitutionnel : un principe réellement tout puissant? » Revue des droits de l’homme, n° 18, 2020, http://journals.openedition.org/revdh/9921.
[156] Voy. ce qui ressort de l’intervention de Marc Guillaume, « Guy Carcassonne et le Conseil constitutionnel », lors du colloque hommage à Guy Carcassonne au Conseil constitutionnel, site de la revue Pouvoirs, https://www.revue-pouvoirs.fr/Guy-Carcassonne-et-le-Conseil.html.
[157] Selon les pays ces logiques n’ont pas eu la même chronologie. La Cour suprême des Etats-Unis avait essayé de tuer dans l’œuf la compréhension non économique des droits, avec l’arrêt Lochner v. New York du 17 avril 1905 (198 U.S. 45), puis abandonna cette jurisprudence à partir du 29 mars 1937 sous l’influence du New deal (West Coast Hotel Co. v. Parrish, 300 US 379), pour finalement adopter des décisions allant dans le sens de la compréhension concurrentielle du monde (voy. par exemple l’arrêt Citizens United v. Federal Election Commission, 558 U.S. 310 du 10 janvier 2010). En France, après avoir connu une période d’extension continue entre les années 1970 et les années 1980, les droits et libertés sont progressivement revenus dans le giron de l’interprétation économique, comme la décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013, Loi relative à la sécurisation de l’emploi l’a illustré de manière flagrante. Voy. notamment sur cette décision Alain Supiot, « La solidarité civile et ses ennemis. A propos de la décision du Conseil constitutionnel n°2013-672 DC du 13 juin 2013 », Mélanges en l’honneur de Jean-Pierre Laborde, Dalloz, 2015, p. 481 (en ligne : https://www.college-de-france.fr/media/alain-supiot/UPL4257345315145259694_2015__Supiot__Solidarite___civile_et_ses_ennemis__Me__langes_Laborde_.pdf), et Thomas Perroud, « Un choix de société du Conseil constitutionnel : la liberté contractuelle contre la solidarité », blog Jus Politicum, 20 février 2017 (en ligne : https://blog.juspoliticum.com/2017/02/20/un-choix-de-societe-du-conseil-constitutionnel-la-liberte-contractuelle-contre-la-solidarite/).
[158] Voy. par ex. le commentaire de Dominique Rousseau et David Rigaud sous la décision du 13 juin 2013 (« Généralisation de la prévoyance complémentaire, Loi et Constitution », Droit social 2013, n° 9, p. 680), qui indique qu’elle est « logique » au regard de ce que le Conseil avait déjà constitutionnalisé la liberté contractuelle (qui n’est explicitement nommée dans aucune règle constitutionnelle), sans prendre la peine de souligner qu’il n’a pas examiné l’argument de la solidarité au titre de l’article 1er de la Constitution faisant de la France une République « sociale », disposition que le Conseil n’a jamais constitutionnalisée.
[159] Olivier Schrameck, « Les aspects procéduraux des saisines », dans Vingt ans de saisine parlementaire, Economica, 1994, en ligne :https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/pdf/Conseil/procedure.pdf
[160] Noëlle Lenoir, « Le métier de juge constitutionnel. Entretien », op. cit., p. 188.
[161] Ibid. p. 54 (note 20).
[162] Ibid. p. 54.
[163] Ibid. p. 55.
[164] On pense spécialement à deux arrêts adoptés à des majorités de 5 contre 4, l’un relativement au mariage des personnes de même sexe (Obergefell v. Hodges, 576 U.S. du 26 juin 2015) et l’autre déjà cité relativement au financement des campagnes électorales (Citizens United v. Federal Election Commission, 558 U.S. 310 du 10 janvier 2010).
[165] Dominique Schnapper, Une sociologue au Conseil constitutionnel, op. cit., pp. 228 et s. Elle avait déjà indiqué dans des pages précédentes (p. 168) que, « venue dans l’idée de faire triompher la vertu et mes convictions, je me retrouvais dans la situation de faire respecter et de poursuivre la jurisprudence du Conseil »
[166] Jacques Chevallier, « Le juge constitutionnel et l’effet Becket », dans Renouveau du droit constitutionnel. Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Dalloz, 2007, p. 88.
[167] Ibid.
[168] Ibid. Pour une analyse de l’importance des nominations conduisant à faire ou défaire l’unité intellectuelle d’une cour constitutionnelle, voy. Gad Barzilai, Maoz Rosenthal, Assaf Meydani, « The Personalization of Judicial Review: The Cohesiveness of Judicial Nominations and Constitutional Courts », Paper, Empirical Legal Studies Society, 2016, en ligne https://law.haifa.ac.il/images/eventDocs/20180329AGMREVed.pdf
[169] Décision n°2021-824 DC du 5 août 2021, Loi relative à la gestion de la crise sanitaire.
[170] En dépit du caractère exceptionnel des restrictions apportées à l’exercice des libertés, on est frappé de voir le peu de critiques académiques de la décision et du Conseil constitutionnel, « doublant » le peu de critiques du personnel politique ne se situant pas aux deux extrêmes de l’échiquier politique. Voy. tout de même Samy Benzina, « La ‘petite décision’ du Conseil constitutionnel relative au pass sanitaire », publié sur le très libéral blog du Club des juristes, 1er septembre 2021, en ligne : https://blog.leclubdesjuristes.com/la-petite-decision-du-conseil-constitutionnel-relative-au-pass-sanitaire-par-samy-benzina/
[171] Voy. par ex. la visite récente du Conseil constitutionnel français au Tribunal constitutionnel fédéral allemand, où il a été notamment question de la « la gestion de l’épidémie de COVID-19 ». Sur son site, le Conseil en dit que « L’échange sur ce point a fait apparaître que les deux juridictions avaient eu à se prononcer sur le respect de leurs normes constitutionnelles de référence respectives par diverses mesures adoptées par les pouvoirs publics pour faire face à cette épidémie », https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/visite-du-conseil-constitutionnel-a-karlsruhe.
[172] Véronique Champeil-Desplats, op. cit. , p. 6.
[173] Voy. le site du Conseil constitutionnel, https://www.conseil-constitutionnel.fr/evenements/concours-decouvrons-notre-constitution.
[174] Voy. la page de présentation sur le site du Conseil constitutionnel, https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-qpc/audiences-publiques-en-region.
[175] Interview de Laurent Fabius par Valérie de Senneville et Dominique Seux, Les échos, 27 mai 2016.
[176] Conseil constitutionnel, Rapport d’activité 2020, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/rapport-activite-2020-numerique/
[177] Voy. Elina Lemaire, « Dans les coulisses du Conseil constitutionnel. Comment le rôle de gardien des droits et libertés constitutionnellement garantis est-il conçu par les membres de l’institution ? », op. cit.