« Le droit de l’Union Européenne comme mode de vie » ?
Commentaire et lien vers la Conférence de Loïc Azoulai, Professeur à l’école de Droit de Sciences Po, prononcée le 23 mai 2017 à Aix-en-Provence dans le cadre du séminaire mensuel de l’UMR DICE – UMR 7318
La victoire britannique du « Leave » a été une onde de choc morale pour beaucoup. Parmi les causes supposées de ce vote, il aurait été avancé que nombre de britanniques avaient bien conscience du « risque économique » d’une sortie de l’UE, mais que le focus sur cette question par les partisans du « Remain » était précisément ressenti comme symbolique de l’UE, qui « agace », voire « agresse », en excluant de ses visées ce qui ne relèverait pas d’un pur calcul économique. Il aurait ainsi été souhaité qu’un autre versant de l’UE puisse être argumenté avec conviction : le versant social, humain, qui serait, disons-le, un peu « identitaire ».
Sans qu’il soit évidemment possible de connaître la réalité du for intérieur de tous les votants, il faut en tous les cas dire que, à supposé qu’un tel processus ait été à l’œuvre, il est loin d’être évident qu’un autre discours fut et soit possible, proposant de l’UE une vision autre que purement économique ou complètement projective, c’est-à-dire qui ne reposerait pas sur une lecture « forcée » de la réalité passée et actuelle de l’Union Européenne.
La démarche que propose Loïc Azoulai, très fin spécialiste du droit de l’Union Européenne, dans cette conférence, et dans le cadre du projet qu’il dirige à Sciences-Po Paris, est donc vraiment intéressante puisqu’il s’agit en quelque sorte de chercher les bases et la réalité de l’UE comme « mode de vie »… entendez aussi, comme «bon », mode de vie. Cela semble une démarche a priori possible car si l’Union Européenne est depuis longtemps une réalité tangible, solide, c’est sans aucun doute par l’effet de son droit. Et s’il y a un versant social et humain tangible au sein et par l’UE, c’est donc certainement à travers ce qui fait le plus l’UE aujourd’hui, c’est-à-dire son droit.
Je vous laisse donc découvrir ce que Loïc Azoulai a à dire sur le sujet, sans vous cacher que, comme je le laisse suffisamment transparaître dans un texte précédent, la réalité humaine véhiculée par l’UE et son droit me paraît assez loin de procurer, aujourd’hui ou à l’avenir (au regard de la pente irréversible qui a été prise), un « bon » mode de vie. S’il existe une « Constitution sociale » de l’UE, celle-ci organiserait plutôt des inégalités indues, appuyées sur une vision du monde toujours plus folle. A titre d’exemple, et comme le montre parfaitement Jean-Claude Barbier, les directives de traduction des textes au sein de l’UE définissent les normes que les juristes linguistes/réviseurs doivent privilégier : or, l’enquête menée à leur sujet « auprès des services du Conseil (dits « qualité de la législation ») montre que l’un des prescriptions de base est de tenir la traduction éloignée des langues nationales[1]. L’auteur ajoute un peu plus loin, faisant référence à des travaux déjà réalisés par lui, que « si l’on tient que la/les langue(s) est/sont au cœur des conditions de possibilité de l’organisation de la solidarité, la langue déterritorialisée d’un droit universaliste sans attaches, centré sur les droits individuels, pourrait s’avérer comme le symptôme puissant de questions politiques de légitimation »[2].
[1] Jean-Claude Barbier, « Les langues et le droit de l’Union européenne, une enquête sociologique », dans A. Supiot et S. Kakarala, La loi de la langue, LGDJ, IEA Nantes, Schulthess, éditions romandes, 2017, p.58.
[2] Ibid. p. 61.
La conférence à écouter ici