Avertissement : cette brève a été écrite à la suite du projet de réforme présenté au printemps 2015. Une nouvelle version du projet a été présentée en janvier 2016. Sur ces deux projets j’ai écrit un texte auxquels je renvoie à la fin de cette brève. Sur la philosophie générale, il n’y a pas de changement véritable qui justifierait que je change une ligne de cette brève.
Un projet d’arrêté ministériel a été rendu public au printemps 2015 qui compte « booster » notre doctorat à la française (une nouvelle version de ce projet a été présenté en janvier 2016 : pour l’essentiel, il ne peut être analysé comme changeant la teneur des propos ci-après, mais, dans le détail, apporte tout de même quelques améliorations notables[1]). De quoi s’agit-il ? Les ambitions sont très certainement diverses, mais, au premier rang de celles-ci, il s’agirait de faciliter l’insertion professionnelle des doctorants, entendez, l’insertion ailleurs que dans le monde académique et de la recherche. Cette volonté ne va pas de soi il est important de le remarquer : on aurait pu s’atteler à mieux insérer les doctorants dans le monde académique et de la recherche car, c’est un fait, les doctorants ne s’insèrent pas beaucoup plus facilement ici que là. Soyons encore plus clairs, il y a hélas nombre de « mauvais docteurs », comme il y en a de très bons, qui ne trouvent pas non plus leur place au sein du système qui devrait les accueillir le plus naturellement. On aurait donc pu choisir de « booster » la recherche par une réforme du doctorat, stimuler la formation « à la recherche », et offrir ainsi un visage renouvelé, réanimé de la recherche, qui aurait pu séduire le monde de l’économie et de l’emploi, espaces dont on s’accorde à dire qu’il sont aujourd’hui globalement délétères et mortifères. Au lieu de cela, on prend exemple sur ces espaces, on en prend les techniques (« démarche qualité », « évaluation », des expressions qui figurent dans le projet d’arrêté), le vocabulaire (« production de connaissance », « caractère innovant », « portfolio », idem), et on y soumet le doctorat. Il s’ensuit que le projet ne s’essaie pas à une ligne sur ce que serait le travail de doctorat, le travail de recherche proprement dit, mais disserte sur toutes les obligations qu’ont les écoles doctorales et les directeurs de recherche à préparer les diplômés à leur insertion professionnelle, une fois ce travail terminé. S’opère ainsi un véritable « découplage » de la formation doctorale et du travail de doctorat, par un abandon pur et simple de l’idée de travail scientifique et de formation « à la recherche » (cette exigence ne figure pas dans le projet d’arrêté diffusé au printemps 2015). Tremblez. De ce que j’ai déjà pu en voir, les écoles doctorales cherchent déjà comment elles pourront appliquer le texte sans en perdre une miette.
L.F. novembre 2015 (et février 2016)
Pour faire prendre corps à cette brève, voir l’analyse du projet présenté au printemps 2015.
Voyez aussi mes nouvelles remarques sur la nouvelle version du projet présenté en janvier 2016.
[1] Je présenterai ces améliorations d’ici quelques temps.