Je suis une universitaire française. Professeure à la Sorbonne Nouvelle depuis 2010, j’ai été auparavant Professeure à la faculté de droit de l’Université de Caen de 2002 à 2010 où j’ai notamment dirigé le Centre de Recherche sur les Droits Fondamentaux et les Evolutions du Droit. J’ai commencé à enseigner dans les facultés de droit en France en 1994.
Mon parcours se distingue par une mise en question progressive de mon objet de connaissance privilégié, le droit, à travers notamment une observation des juristes et en particulier des universitaires. J’ai reçu une formation très « classique » en droit mais, d’abord par goût intellectuel, ensuite par une véritable détermination sensible, ai toujours interrogé mon objet et les attentions – ou les inattentions – dont il fait l’objet. Mon attrait d’origine pour la philosophie du droit, et le passage par d’autres formations que juridiques (en science politique et en philosophie principalement), une histoire « de côté » aussi, qui m’ont fait et me font évoluer et agir dans des domaines artistiques (danse, musique et arts visuels), autant sans doute qu’une marque vitale, font pour beaucoup dans ma manière le droit, sur lequel je porte un certain regard. J’ai ainsi publié en 2012 une réflexion sur « Qu’est-ce qu’un ‘grand juriste’ ? », qui interroge surtout la manière dont les juristes, et singulièrement ceux qui font profession de former les juristes (les professeurs du droit), envisagent leur discipline et donc le droit dans notre société contemporaine. Le constat fait alors était assez sévère, et m’a conduit à prolonger particulièrement la réflexion sur la notion de critique juridique, expression qui fait consensus mais dont la réalité est faite de bien des contrastes. La construction d’un discours autour de la notion de critique juridique a alors pour avantage de se déterminer par rapport à ce pour quoi on s’intéresse à la question du droit. Je travaille aujourd’hui sur cette question.
J’enseigne le droit, et surtout, un certain regard sur le droit, à des étudiants qui, le plus souvent, ne se revendiquent pas juristes : ne pas céder à la facilité et à la vulgarisation implique alors de s’efforcer de saisir encore, et mieux, la réalité du droit.
Ma réflexion privilégiée s’opère dans le domaine du droit constitutionnel comparé en Europe, que je vois comme le lieu – mais l’un des lieux seulement – des illusions et désillusions contemporaines à propos du droit. Je prépare un ouvrage de Droit constitutionnel comparé des Etats Européens depuis plusieurs années : cette recherche, très importante, me conduit à une interrogation profonde sur la réalité de la conscience et du volontarisme juridique : sait-on vraiment aujourd’hui ce qu’on fait par et avec des normes ? Et aussi, l’origine comme la portée, de ces dites normes, sont-elle réellement appréciées pour ce qu’elles sont, dans des sociétés marquées par une dilution des critères modernes de ce qui fait politiquement société ?
Marquée par mes premiers travaux de doctorat, je travaille encore aujourd’hui sur le pouvoir de faire le droit, à partir d’une réflexion sur les fondements intellectuels de l’autorité des actes juridiques unilatéraux, ceux-ci étant envisagés comme l’expression d’un pouvoir, qui peut se manifester aussi dans des actes aux allures contractuelles.
Mon expérience récente comme membre du panel d’expert sur la liberté de croyance et de religion auprès de l’O.S.C.E. (Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe) la me confirme que c’est la manière dont on investit le droit qui peut susciter le plus d’interrogations sur la portée du droit. Qu’il s’agisse d’une simple commission universitaire, d’un centre de recherche, d’un séminaire interministériel ou de la réunion du panel d’experts internationaux dans le cadre de l’O.S.C.E., la mission d’application des règles – et éventuellement de développement d’un corps de règles secondaires – se fait presque toujours selon les mêmes sensibilités, qui en disent long sur l’articulation du droit et du social (voy. mon dernier petit texte sur Les soldats du règlement).
Ces différentes expériences dévoilent une idée centrale pour l’étude et la compréhension du droit : celui-ci n’est pas si souvent que cela l’affaire des juristes et la réflexion des non juristes s’avère tout aussi importante pour le droit que celle des juristes. J’ai donc entrepris depuis quelques années de m’intéresser tant à la parole des non juristes sur le droit, qu’à une certaine manière pour tous d’intérioriser le droit dans l’espace social commun (voy. le séminaire sur Les usages du droit, et la réflexion sur Les perceptions extra-juridiques de la Constitution).
A la toute fin de l’année 2015, j’ai ouvert ce site internet, Le Droit de la Fontaine, c’est-à-dire une voie, autant qu’une voix, pour l’évolution de la réflexion sur le droit. Je le souhaite de ne pas être fermé à ses propres évolutions, et ne saurai dire maintenant quel il sera plus tard.
Lauréline FONTAINE, décembre 2016