Droit et Pluralisme
Lauréline Fontaine (dir.)
Ed. Bruylant, coll. Droit et Justice, n°76, 2008
Cet ouvrage est issu d’un colloque qui s’est tenu à l’Université de Caen à la fin de l’année 2006. Ce thème n’avait pas été jusqu’à présent pris dans l’ensemble de ses dimensions et c’était donc une première. Il ressort d’abord de l’ensemble des contributions que la difficulté de se saisir de ce lien entre droit et pluralisme tient à la manière qu’a le pluralisme de se présenter dans les différents sphères de la vie sociale, y compris le droit et la politique, manière qui est chaque fois singulière, pour ne pas dire parfois, inattendue. Comme la nomination du terme l’indique déjà, en guise de pluralisme, il faut évidemment penser des pluralismes. La notion de pluralisme, et les interrogations auxquelles elle conduit, varient avec l’univers de référence (Marie-Laure Mathieu-Izorche, p. 107 et Jean-Manuel Larralde, p. 287).
De là, et au-delà des distinctions sémantiques que l’on est inévitablement conduits à faire entre pluralité et pluralisme, des oppositions que l’on peut souligner entre l’unité et le pluralisme ou la diversité, plusieurs idées émergent significativement, qui sont presque toutes liées aux fonctions remplies et aux effets effectivement produits par le pluralisme : il est ainsi souvent un instrument de recherche d’un équilibre, d’une stabilité, d’une conciliation, d’un consensus, et il provoque souvent le sentiment de la nécessité de limiter les conflits inhérents à son existence. Sous des formes et des présentations variées, comme le suppose apparemment le pluralisme, ces idées ont été présentes dans toutes les contributions de cet ouvrage et cela se trouve parfaitement synthétisé dans la contribution de Carlos Pimentel sur Les origines intellectuelles du pluralisme politique: « pour que le pluralisme politique soit possible, il était indispensable de trouver un moyen de faire coexister le conflit d’opinions avec un consensus fondamental quant à la survie même des institutions » (p. 37). Cela étant, il apparaît que, autant du fait des croisements entre plusieurs versions du pluralisme dans un même espace, que du croisement entre différents espaces, des tensions très fortes et des abandons se produisent : les différents niveaux d’intervention du principe pluraliste peuvent impliquer son inapplication à certains niveaux (Marie-Joëlle Redor p. 170 et voir aussi la contribution de Frédéric Sudre)
Partant, il apparaît qu’avancer l’idée de pluralisme véhicule fondamentalement avec lui une certaine manière de voir les choses, qui explique peut-être que les juristes s’en soient peu souvent saisis, autrement que par le prisme de son utilisation par le juge : si le pluralisme est orienté, s’il ne paraît pas un concept neutre et relèverait de l’idéologie, alors il faudrait se méfier d’y recourir comme instrument d’analyse. S’il existe une différence entre le pluralisme comme revendication et le pluralisme comme fait brut, poser le pluralisme serait en réalité toujours teinté d’idéologie. Les théories du pluralisme juridique, qui supposerait une légitimité alternative de la légitimité étatique, sont ainsi presque toujours suspectées de ne pas se contenter de « poser » des faits. Et, comme le fait remarquer Marie-Anne Cohendet dans ses conclusions, il est vrai qu’une théorie du pluralisme qui tendrait à valider cette concurrence insidieuse de la norme spécifiquement juridique par la norme économique, a de quoi interroger (pp. 392-393). Mais n’est-ce pas le propre de toute manière de présenter le droit que d’impliquer une certaine vision du monde ? Je renvoie ici à un ouvrage, certes daté, mais néanmoins exemplaire dans sa démarche : Michel Miaille, Introduction critique au droit, Maspero, 1976. Geneviève Koubi résume très bien la chose en disant que « le pluralisme juridique semble difficilement pensable au sein d’un système aux constructions aussi hiérarchisées tel que se présente le système de droit français » (p. 314).
Pour un compte-rendu un peu plus descriptif des contributions – mais pas moins analytique – je renvoie évidemment aux conclusions de Marie-Anne Cohendet dans cet ouvrage.
Ont contribué à cet ouvrage : Jean-François Akandji-Kombe, Marie-Anne Cohendet, Françoise Dreyfus, Lauréline Fontaine, Geneviève Koubi, Jean-Manuel Larralde, Philippe Lauvaux, Marie-Laure Mathieu-Izorche, Carlos-Miguel Pimentel, Marie-Joelle Redor-Fichot, André Reszler, Jean-Marc Sorel, Frédéric Sudre, Guillaume Tusseau,
Pour acheter l’ouvrage sur le site de l’éditeur : http://www.anthemis.be/index.php/droit-et-pluralisme.html